«Il ne faut pas trop se fier à l'opinion des autres et assumer ses décisions» - Caroline Néron, Bijoux Caroline Néron

Publié le 09/05/2013 à 00:00, mis à jour le 22/11/2013 à 15:36

«Il ne faut pas trop se fier à l'opinion des autres et assumer ses décisions» - Caroline Néron, Bijoux Caroline Néron

Publié le 09/05/2013 à 00:00, mis à jour le 22/11/2013 à 15:36

Par Marie-Claude Morin

Caroline Néron

Quand Caroline Néron décide de se lancer en affaires en 2004, son entourage lui explique gentiment qu'on ne s'improvise pas entrepreneure. Même son copain de l'époque, lui-même en affaires, essaie de l'en dissuader. Ça ne suffit pas à l'ébranler. «C'était clair dans ma tête que c'était ce que je devais faire», affirme la femme d'affaires, entourée de bijoux dans sa salle d'exposition du quartier Griffintown, à Montréal.

Il faut dire que le fruit était mûr. La comédienne et chanteuse songe depuis déjà deux ans à créer son entreprise lorsqu'elle a le déclic. Elle rêve de s'affranchir des réalisateurs et producteurs, tout en souhaitant rester créative toute sa vie. Elle sent qu'elle a ce qu'il faut pour devenir entrepreneure, mais a peur d'être celle qui décidera. «J'avais besoin de quelque chose qui me forcerait à sauter.»

L'échec monumental de son deuxième album lui donne le coup de pied nécessaire. Elle en ressort ouverte à de nouveaux projets, ce qui l'amène à avoir une sorte d'illumination alors qu'elle magasine à Las Vegas : elle créera une entreprise de bijoux ! Passionnée d'accessoires, elle est convaincue de tenir le bon filon... même si elle ne connaît rien à la bijouterie. «Malgré une réflexion d'environ deux ans, ça s'est vraiment fait sur un coup de tête», dit-elle.

De retour au Québec, elle écoute poliment l'opinion de parents et d'amis, mais pas trop. Elle préfère se fier à son instinct et continuer sur sa lancée. «En affaires, on ne peut pas trop se fier à l'opinion des autres : il faut prendre ses propres décisions.» En à peine un mois, elle fonde Bijoux Caroline Néron.

Neuf ans plus tard, l'entreprise emploie 130 personnes, exploite 20 points de vente et prévoit des ventes de 15 millions de dollars cette année. L'entrepreneure ne regrette rien, évidemment, mais plaide que ça aurait valu le coup de foncer même si elle avait échoué : «Qu'elles soient bonnes ou mauvaises, du moment où on assume nos décisions, elles nous mèneront quelque part.»

Saisir les occasions

Dès le départ, l'artiste a de grandes ambitions pour son entreprise. Elle ne sait pas encore comment elle les concrétisera, mais se jette à l'eau et crée ses premiers produits. Elle saute même l'étape de la rédaction d'un plan d'affaires, puisqu'elle n'a pas besoin de financement bancaire. Ce qui s'avérera une bonne chose. «On a besoin d'un plan d'affaires à un certain moment, mais ça peut nous limiter un peu au début», explique-t-elle. Comme le nouvel entrepreneur ne connaît pas bien l'industrie, il risque de restreindre ses possibilités en les définissant trop clairement dès le départ. «Il faut se garder une ouverture afin que les choses puissent arriver au fil des ans», conseille Mme Néron.

Pour sa part, elle commence par cibler les grandes surfaces, approchant les Ailes de la Mode et décrochant une première commande pour 30 modèles. Ce contrat ne l'empêche pas, toutefois, de considérer avec enthousiasme l'appel, deux mois plus tard, d'une propriétaire de bijouterie à Victoriaville. «Elle m'a fait constater le potentiel du marché des bijouteries.»

Un mois plus tard, Mme Néron sillonne le Québec. Elle présente d'abord ses produits aux bijouteries, mais ajoute rapidement des boutiques de vêtements et de cadeaux à son itinéraire. Elle compte maintenant une centaine de ces clients un peu partout dans la province.

Rebondir après un échec

Forte de ces succès, Caroline Néron débarque sur le marché français en 2008 avec des kiosques dans cinq Galeries Lafayette. Trop gros, trop tôt : l'entreprise n'a que trois ans d'existence et neuf employés. «Aujourd'hui, je trouve ça drôle d'avoir fait cette étape si rapidement.»

Elle «tire la plogue» un mois plus tard, mais perd 100 000 $ dans l'aventure. Pas en vain, toutefois, puisque cet échec l'oblige à revoir le fonctionnement de son entreprise. D'abord les coûts, qu'elle souhaite réduire. Pour y arriver, elle rapatrie la production à l'interne afin d'être moins dépendante de fournisseurs. De plus, elle aura ainsi un meilleur contrôle sur la qualité et le temps de production. Le nombre de monteurs passe ainsi de 9 à 20.

Pour suivre la cadence de production, Mme Néron doit trouver une façon d'augmenter ses ventes. «C'était la grosse question !» L'entreprise repose alors sur une soixantaine de clients, des magasins qui prennent chacun une quinzaine de modèles. Ce n'est pas suffisant : il faut mieux connaître le client final, songe la dirigeante. Elle décide alors d'investir dans un kiosque.

Un «risque calculé», puisqu'elle n'est pas endettée et peut encore compter sur sa carrière de comédienne. En plus, un kiosque coûte moins cher qu'une boutique. «J'avais d'autres solutions si ça ne marchait pas.»

Un mois après son inauguration, au printemps 2008, ce premier kiosque affiche les plus fortes ventes au pied carré du Carrefour Laval dans la catégorie bijoux et accessoires. La présidente en ouvre trois autres avant d'accoucher de sa petite Emanuelle, à l'automne. D'autres suivent rapidement. En un an et demi, le chiffre d'affaires passe de 900 000 $ à 10 M$.

«Ça a complètement changé ma carrière de femme d'affaires», dit celle qui exploite maintenant 11 boutiques et 9 kiosques.

Se fier à son instinct

Au fil du temps, le plan d'affaires de Mme Néron évolue énormément. «Si je l'avais mis sur papier dès le départ, je me serais peut-être limitée. Ou j'aurais eu peur de me lancer !»

Même aujourd'hui, ce plan continue de se transformer. Alors qu'elle ne voulait «rien savoir» des franchises jusqu'à récemment, Mme Néron en a inauguré une à Saguenay il y a deux semaines. Si elle a changé d'idée, c'est parce que la demande venait de sa «deuxième cliente», une bijoutière qu'elle connaît et apprécie depuis neuf ans. «J'aurais été hésitante avec quelqu'un d'autre, mais je n'étais pas inquiète avec elle.» Maintenant que la glace est brisée, elle envisage d'établir d'autres franchises, particulièrement pour développer les marchés hors Québec.

La PME a également ouvert un bureau à Paris l'automne dernier afin de relancer sa distribution en Europe. Une décision qui tient, encore une fois, d'une occasion inattendue. Désirant créer un défilé maillots-bijoux, Mme Néron avait approché l'entreprise lavalloise Shan pour discuter du projet. Pendant la rencontre, la pdg de Shan, Chantal Lévesque, a mentionné qu'elle venait de perdre son colocataire à son bureau de Paris. Comme les deux femmes se sont bien entendues, elle a sauté sur l'occasion !

Ces coïncidences n'étonnent plus Mme Néron. «Depuis mes débuts en affaires, les gens se placent dans ma vie.» Des amis sont devenus des collaborateurs, des monteurs ont pris du galon. Sa vice-présidente est même une ancienne cliente. «En discutant et en posant des questions, tu te rends souvent compte que tu as les meilleures personnes autour de toi. C'est comme si elles avaient été envoyées dans ta vie pour une raison particulière.»

D'ailleurs, la femme d'affaires continue de se fier à son instinct, même si elle dispose de plus d'outils qu'avant. Le rationnel, estime-t-elle, ne compte que pour 20 % de ses décisions. Elle analyse plus qu'avant, retarde parfois certains projets, mais dévie rarement de sa route. «L'instinct et la vision restent là. C'est simplement le travail en arrière qui est plus précis et organisé.»

Bien qu'elle soit à l'aube de ses 40 ans, qu'elle fêtera cet été, elle voit déjà grand pour ses 45 ans : des revenus de 100 M$, un réseau de distribution dans une quarantaine de pays et un total de 200 boutiques, dont une quarantaine aux États-Unis. «À chaque étape, j'ai l'impression que ça va de plus en plus vite.» À plus long terme, elle ne s'en cache pas : elle vise le monde !

AVEZ-VOUS DÉJÀ PENSÉ ABANDONNER ?

«Jamais ! Au contraire. Les erreurs et les échecs sont les plus belles leçons si on sait les saisir. Ce sont des périodes d'apprentissage et de réflexion qui nous amènent dans de nouvelles directions, sur des chemins qui seront mieux étudiés.»

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