Entrepreneuriat social, naissance de l'écosystème québécois


Édition du 21 Mars 2015

Entrepreneuriat social, naissance de l'écosystème québécois


Édition du 21 Mars 2015

Par Diane Bérard

« Dans l’expression “entrepreneur social”, il y a le mot “entrepreneur”. Je fais des affaires. » – Natalie Voland, présidente de Gestion immobilière Quo Vadis. [Photo: Jérôme Lavallée]

Elle poursuit : «Certains disent que je suis gentille. Si ça leur chante de me voir ainsi, ça me va. Mais je refuse qu'on dise que j'ai fait des compromis au nom de ma mission sociale. Dans l'expression "entrepreneur social", il y a le mot "entrepreneur". Je fais des affaires. À mes débuts, 11 institutions financières m'ont refusé des prêts parce qu'ils ne comprenaient pas mon modèle d'entreprise. Aujourd'hui, je suis financée par deux d'entre elles et bientôt une troisième.» Jean-François Archambault, de la Tablée des Chefs, ajoute : «J'ai la même détermination et la même ambition que n'importe quel entrepreneur traditionnel». Caithrin Rintoul renchérit : «Mon pire cauchemar, c'est qu'on dise que mon entreprise et ma mission sont cute».

 

Le défi: mesurer l'impact

«Cute», «sympa», «chouette»... l'entrepreneuriat social est encore peu compris. On saisit mal la cohabitation de l'impact social et financier. Et les instruments de mesure pour donner de la crédibilité sont à développer. «Les entreprises sociales font face à un enjeu de professionnalisation, elles doivent définir et clarifier les résultats qu'elles visent», souligne Lara Evoy, de la firme montréalaise Garrow&Evoy, une boîte de consultation en clarté stratégique. Garrow&Evoy est membre de la plateforme Innoweave, une initiative de la Fondation de la famille J.W. McConnell, une fondation canadienne. Innoweave propose des modules de formation pour mesurer l'impact social ou environnemental d'une organisation. «Tout débute par l'imputabilité, explique Stephanie Garrow. Un entrepreneur social se donne souvent un méga objectif, celui de lutter contre le décrochage scolaire ou d'assurer la sécurité alimentaire, par exemple. Mais de quoi sera-t-il imputable au juste ? Quels résultats concrets et mesurables l'entrepreneur compte-t-il livrer pour démontrer aux investisseurs et au marché qu'il a rempli sa mission ?»

Il faut exiger plus de cohérence de la part des investissements sociaux, estime Jean-François Archambault. «Avant d'investir 700 000 $ dans une chaîne de montage, la direction d'une entreprise connaît exactement les retombées qu'elle attend, ajoute-t-il. Une fois la chaîne installée, on mesure les résultats et on produit des rapports. Lorsqu'il s'agit d'investissements sociaux, on a trop souvent tendance à donner sans exiger de reddition de comptes.»

Comment augmenter la rentabilité de l'investissement social ? La solution passe, en partie, par un rapprochement entre les investisseurs et les projets. Garrow&Evoy collabore, entre autres, avec Purpose Capital, une firme d'investissement à impact social qui possède des bureaux à Montréal et à Toronto. Purpose Capital relie le capital des fondations, des entreprises et des investisseurs privés et publics à des projets d'entrepreneuriat social. «Purpose Capital nous initie aux types d'indicateurs que les investisseurs d'impact recherchent, explique Lara Evoy. Nous travaillons ensuite avec les entrepreneurs pour déterminer des mesures utiles à la fois pour leur organisation et pour les investisseurs.»

Il faut toutefois prendre garde à l'impact washing. Par analogie au green washing (écoblanchiment), on embellit la réalité pour obtenir de la reconnaissance ou du financement. De 2010 à 2012, les actifs canadiens disponibles pour l'investissement à retombées sociales ont augmenté de 20 %. En 2013, on les évaluait à 5,3 milliards de dollars. Alors que l'entrepreneuriat social québécois s'organise, il y a plus d'investissements disponibles que de projets qui se qualifient, d'où le risque d'impact washing. «Il faut des indicateurs pertinents. Des indicateurs quantitatifs bien sûr, mais aussi des indicateurs qualitatifs, nuance Anita Nowak, responsable des initiatives d'entrepreneuriat social à l'Université McGill. Cela exige beaucoup de collaboration entre les bailleurs de fonds et les entrepreneurs sociaux. Les premiers doivent développer leur patience et les autres, leur pertinence.» Elle cite le cas d'un programme de raccrochage scolaire pour lequel la moyenne du groupe a constamment baissé au cours des premières années. On a d'abord conclu à un échec. Une analyse plus poussée a permis de découvrir plutôt un succès. Pourquoi ? Chaque session, le programme ralliait de nouveaux décrocheurs. On puisait dans un bassin d'élèves de plus en plus en difficulté. Cela, naturellement, faisait baisser la moyenne. La moyenne n'était donc pas un bon indicateur de succès.

Les lieux

La force d'un écosystème repose sur les liens entre ses parties. Chaque fois que les consultantes Lara Evoy et Stephanie Garrow s'assoient avec Jonathan Glencross, cofondateur de Purpose Capital, on augmente les chances que des projets québécois d'entrepreneuriat social trouvent leur financement. Mais ces rapprochements spontanés ne suffisent pas. Un écosystème durable a besoin de lieux. En 2015, Montréal accueillera deux lieux pour entrepreneurs sociaux : l'Esplanade et le Salon 1861.

L'Esplanade est une création de l'Institut du Nouveau Monde. Située dans le quartier Mile-Ex de Montréal, elle abrite des espaces de travail partagé et deux accélérateurs d'entreprises sociales. Le premier offre un programme de 12 semaines aux entreprises en prédémarrage. Le second vise les entreprises cumulant un à trois ans d'activité. Il s'inspire du programme Impact8, du MaRS Centre for Impact Investing de Toronto. La première édition, qui débute au printemps, accueillera huit participants pendant huit semaines.

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