Les hausses de taux de la Banque du Canada sont-elles terminées?

Publié le 06/09/2023 à 17:00

Les hausses de taux de la Banque du Canada sont-elles terminées?

Publié le 06/09/2023 à 17:00

Par Denis Lalonde
Un édifice de la Banque du Canada

La Banque du Canada pourrait relever son taux directeur de nouveau si elle juge que c'est nécessaire. (Photo: 123RF)

La Banque du Canada a gardé son taux directeur inchangé à 5%, ce qui ne surprend pas les experts. Par contre, l’institution garde la porte ouverte à d’autres hausses «si nécessaire».

«L’inflation colle un peu plus à ce à quoi la Banque du Canada s’attendait. En ce moment, l’institution est prise entre deux feux. L’inflation reste élevée, car la portion liée aux logements de l’indice des prix à la consommation, surtout pour les prêts hypothécaires, a monté de 30,6% sur un an. Dans ce cas, relever le taux directeur stimulerait l’inflation plutôt que d’aider à la contenir», explique Pierre-Benoît Gauthier, vice-président adjoint, stratégie de placement chez IG Gestion de Patrimoine.

Ce dernier rappelle que la composante des logements compte pour environ le tiers de l’indice des prix à la consommation, ce qui est majeur.

Il souligne également la vigueur des prix du pétrole qui vient soutenir l’économie du pays, de même que le dollar canadien. «Un dollar fort nuit aux exportations, ce qui n’est pas nécessairement bon pour l’économie, même si ça a aussi pour effet de réduire le coût des importations en provenance des États-Unis», dit-il.

Pierre-Benoît Gauthier précise qu’il est normal, à ce stade du resserrement de la politique monétaire, que la Banque du Canada se garde l’option de relever encore son taux directeur si nécessaire, sans pour autant passer de la parole à l’acte.

«Il faut comprendre que les attentes à l’effet que l’inflation restera élevée ont tendance à générer de l’inflation. Les gens ne doivent pas croire que l’inflation va repartir à la hausse, car ça peut les inciter à consommer rapidement avant que les prix montent. En ce sens, le ton du communiqué est très important, car en disant que les hausses ne sont peut-être pas terminées, ça va freiner les ardeurs des ménages, surtout dans le domaine de l’immobilier», explique-t-il.

 

Quatre piliers de moins en moins solides

Jay Zhao-Murray, analyste de marché, devises, à Monex Canada, ajoute que l’on touche à la fin du cycle de resserrement monétaire, si on n’y est pas déjà, jugeant le ton du communiqué d’un peu trop agressif.

«L’inflation fondamentale sur un an et sur trois mois avoisine maintenant 3,5%, alors que la cible de la Banque du Canada est de 2%. Cela indique qu’il n’y a presque pas eu de mouvement à la baisse récemment. Les dirigeants doivent garder toutes leurs options ouvertes», dit-il.

Ce dernier soutient que les décisions de la Banque du Canada de rehausser ou non son taux directeur reposent sur quatre piliers, soit l’évolution de la demande excédentaire, l’inflation, la croissance des salaires et les marges bénéficiaires des entreprises.

«En ce qui concerne la demande excédentaire, le produit intérieur brut de l’économie canadienne s’est contracté de 0,2% au second trimestre, alors que la croissance au premier trimestre a été revue à la baisse, passant de 3,1% à 2,6%. L’économie du pays tourne donc à un rythme inférieur aux prévisions de la Banque du Canada. La demande excédentaire est donc disparue», dit-il.

Jay Zhao-Murray ajoute que le deuxième pilier, celui des prévisions inflationnistes, est plus stable, mais que la relative stabilité constatée depuis le début de 2023 laisse entendre que la banque centrale atteindra sa cible de ramener l’inflation à 2%. «Les récentes baisses de production de barils de pétrole annoncées par divers membres de l’OPEP+ devraient prendre fin en décembre, alors la hausse du prix du carburant sera temporaire», croit-il.

Le marché du travail est aussi en période de rebalancement, selon lui, car même si l’augmentation des salaires reste en hausse de 4% à 5% sur un an, le taux horaire moyen de 33,24$ l’heure du mois de juillet reste légèrement inférieur à son sommet de 33,38$ enregistré au mois d’avril.

Quant aux marges bénéficiaires des entreprises, il affirme qu’un bref coup d’œil aux bilans financiers de celles qui sont inscrites à la Bourse de Toronto montre que la tendance est à la baisse. «Il ne faut pas oublier que d’ici la prochaine réunion de la Banque du Canada, le 25 octobre, beaucoup de données économiques seront publiées, dont un rapport sur le produit intérieur brut, de même que deux rapports sur l’inflation et sur l’emploi. L’institution attend simplement d’avoir toutes les données en mains pour annoncer qu’elle cesse de relever les taux», analyse-t-il.

 

Taux directeur: une longue pause avant une baisse

Du côté de Bank of America, l’économiste Carlos Capistran souligne la volonté de la Banque du Canada d’attendre un ralentissement prolongé de la croissance économique avant d’assouplir sa politique monétaire. Il s’attend à ce que le taux directeur reste à 5% jusqu’à ce qu’une baisse survienne en avril prochain, même si la probabilité qu’une autre hausse survienne d’ici la fin de l’année est d’environ 50%. Selon lui, le taux directeur descendra à 3,5% d’ici la fin de 2024.

L’économiste en chef adjoint à la Banque Royale, Nathan Janzen, s’attend aussi à ce que le taux directeur reste à son niveau actuel d’ici la fin de l’année, estimant que les hausses cumulatives de 475 points de base annoncées par la Banque du Canada depuis mars 2022 n’ont pas encore produit leur plein effet.

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