Critique d'une stratégie et vers un statut juridique de l'environnement

Publié le 23/01/2024 à 10:42

Critique d'une stratégie et vers un statut juridique de l'environnement

Publié le 23/01/2024 à 10:42

Par Courrier des lecteurs

«La cohérence de l’aménagement territorial serait garante du bien-être, de l’harmonie et de la prospérité pour la société et la région, voire pour l’entreprise même.» (Photo: Northvolt)

Un texte de Michel Pagé, Montérégie 

 

COURRIER DES LECTEURS. À toutes choses égales, le choix tant décrié du site choisi, arbitrairement ou autrement, constituerait une raison de l’échec potentielle de l’investissement et assurément de la non-accessibilité sociale.

Cependant, la vision que François Legault exprime dans son livre Cap sur un Québec gagnant et la stratégie maritime que le gouvernement met en place scelleraient déjà le sort de la transformation du fleuve Saint-Laurent, le fleuve aux grandes eaux, en une autoroute pour le transport maritime intensif et le développement industriel et portuaire étalé le long de ses berges, condamnant qu’à un usage utilitaire nonobstant l’écologie du fleuve. 

On est alors très loin de consacrer une personnalité juridique à des entités naturelles fondamentales qui assureraient la viabilité écologique à long terme, et faire en sorte que le développement opère dans une zone de viabilité de la qualité de l’eau, des écosystèmes aquatiques, voire de la faune et de la flore maritime. On opère dans une zone dynamique d’impacts cumulatifs que les évaluations environnementales à la pièce de projets isolés ne prennent pas en compte. Faute de conférer un statut juridique à l’environnement naturel, au fleuve et ses bassins versants, les laisser-faire se soldent par des destructions de milieux naturels vers une erreur! 

Cependant, les entreprises ont une personnalité juridique et font prévaloir leurs intérêts immédiats, et c’est bien qu’elles connaissent des succès, fassent des profits et génèrent des emplois de qualité pour les citoyens, mais pas sans tenir compte au préalable des droits de la nature et de leurs responsabilités envers la préservation, la continuité et la qualité des écosystèmes concomitants, sans que l’écosystème industriel et portuaire devienne un vecteur du développement durable ! Ce serait réaliser avec grandeur ce qui serait consacré à la pérennité de la beauté du monde et à la naturalité des territoires. 

Au Canada, la société civile réclame un statut juridique pour le fleuve Saint-Laurent (les bassins versants, les rivières affluentes...). 

Des associations canadiennes se mobilisent pour octroyer une personnalité juridique au fleuve, sauvé en 2021 d’un mégaprojet gazier de production et de transport (le projet Gazoduq), une usine de gaz naturel liquéfié (le projet Énergie Saguenay) et un terminal maritime où des super-méthaniers chargeraient le gaz naturel liquéfié (GNL) pour l’exporter vers les marchés étrangers via le fjord du Saguenay et le fleuve Saint-Laurent. Mais les gouvernements provinciaux et fédéraux, malgré la tenue à Montréal de la COP15 sur la biodiversité, ne soutiennent pas cette démarche. On ne peut pas rejeter tout développement, mais au moins faut-il juger de la validité des grands projets en fonction de critères de cohérence, d’éthique, et de conservation de la biodiversité. 

Ce qui est dévasté en amont dévaste progressivement les pêches et les populations de poissons jusqu’à l’estuaire. Un laisser-faire consenti à l’industrie lourde le long du fleuve et d’affluents détruit à terme l’industrie de la pêche et la biodiversité marine. On ne gagne rien, on favorise une forme de richesse économique au désavantage d’une autre liée à l’écologie et aux biosystèmes marins. Plus de travailleurs ouvriers, moins de pêcheurs traditionnels sur le lac Saint-Pierre, et moins de poissons ou de crevettes et moins de travailleurs de la mer. Gagne-t-on en richesse, pour utiliser un vocable prisé, en détruisant ce qui contribuerait à l’autonomie alimentaire et au bien-être des citoyens? 

On est très loin de conférer une personnalité juridique à des entités naturelles qui assurent pourtant nos conditions d’habitabilité sur la terre, pourtant il faut savoir que cela viendrait. Le principe est lancé, et dans certains pays européens, on vient d’adopter le principe juridique d’«écocide». Le Costa Rica aurait montré la voie à suivre dans une affaire juridique en faveur de la protection du territoire protégé en fonction du statut juridique de la nature.

Dès 1988, le Costa Rica ancre la protection de l’environnement dans sa Constitution avec une loi qui déclare que «toute personne a le droit à un environnement sain». Pourrait-on traduire en justice les promoteurs ou des politiciens si une dévastation du territoire résultait d’un mégaprojet? On verra.

La cohérence de l’aménagement territorial serait garante du bien-être, de l’harmonie et de la prospérité pour la société et la région, voire pour l’entreprise même.

Pour l’heure, la dévastation annoncée serait massive, brutale et irresponsable sur SBL et McMasterville, puis par effets d’entrainement vers Contrecœur en passant par Varenne... Pour l’heure, l’«affaire» exige d’au moins sauver la naturalité qui peut l’être, vitalement, et tout un environnement du fleuve et du Richelieu.

Ce qu’il faut apprendre de la saga serait qu’opposer l’exigence de la tenue d’une évaluation du BAPE, et des procédures d’injonction faute d’acceptabilité sociale, à un argument à l’effet que tout délai représenterait « un préjudice irréparable » serait oublier l’essentiel à la source de la saga. L’impasse et les délais viennent d’un choix douteux et impropre d’un site villageois pour implanter une méga-usine à risques. C’est par pragmatisme, faute de jugement critique, qu’il faille donc proposer un autre site, une autre option.

Et en tout état de cause, ce n’est pas tant une nouvelle ère industrielle qu’il faille pour sauver la planète qu’une révision du paradigme de la croissance et de la consommation. Ici, au Québec, multiplier les barrages et les réseaux d’éoliennes pour produire plus d’électricité pour attirer plus de grosses usines énergivores relève d’un paradigme digne d’un pays tiermondisé. Une optimisation des réseaux routiers trop tentaculaires et trop désordonnés, une réduction de la puissance des véhicules utilitaires, et du nombre de véhicules individuels sur les routes, la condamnation de l’étalement urbain et industriel seraient déjà plus judicieuse. Et, en tout état de cause, un gouvernement responsable devrait consacrer l’obligation de respecter la cohérence de l’affectation du territoire et de l’aménagement territorial!

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