Entrevue n°261 : John Mackey, cofondateur et co-pdg, Whole Foods


Édition du 03 Octobre 2015

Entrevue n°261 : John Mackey, cofondateur et co-pdg, Whole Foods


Édition du 03 Octobre 2015

Par Diane Bérard
D.B. - Whole Foods s'est associée à Instacart pour vendre ses produits en ligne. D'ici cinq ans, quelle proportion de vos clients achètera vos produits sans jamais mettre les pieds dans vos magasins ?

J.M. - Pourquoi persistez-vous à poser des questions à propos du futur ? Je ne joue pas à ce jeu-là. Je pourrais vous lancer un chiffre, mais ce ne serait qu'un chiffre. Je suis satisfait du partenariat avec Instacart, il se développe bien. Mais je n'ai aucune idée de la courbe qu'adoptera le commerce en ligne.

D.B. - Parlons un peu du capitalisme conscient, un mouvement qui vous tient à coeur. De quoi s'agit-il ?

J.M. - Il s'agit de faire des affaires en ayant en tête un but qui dépasse les objectifs financiers. Toutes les professions ont un but autre que financier. Le professeur enseigne. Le médecin soigne. Bien sûr, ils gagnent de l'argent. Parfois, beaucoup d'argent. Mais, ils créent aussi de la valeur autre que financière. Il est temps que les dirigeants s'interrogent sur la valeur extrafinancière qu'ils créent pour la société.

D.B. - De quoi un capitaliste conscient est-il conscient au juste ?

J.M. - Il est conscient qu'une diversité de parties prenantes l'entourent : les employés, les clients, les investisseurs, les fournisseurs, les communautés, etc. Et il sait que tous ces acteurs sont interdépendants. Le défi d'un capitaliste conscient consiste à créer non pas des relations gagnant-gagnant, mais plutôt des relations gagnant-gagnant-gagnant-gagnant-gagnant...

D.B. - Quel intérêt un pdg a-t-il à se compliquer la vie en se comportant en leader conscient lorsqu'on sait que son mandat durera à peine deux ou trois ans ?

J.M. - Embaucher un pdg pour deux ou trois ans, c'est stupide. Mais c'est souvent la norme, parce que les entreprises ne pensent pas à long terme. C'est pourquoi il est très difficile pour une entreprise établie d'adopter le capitalisme conscient. C'est un défi colossal. Surtout s'il s'agit d'une grande entreprise. Le capitalisme conscient prend pied dans les nouvelles entreprises. Il faut l'implanter dès le lancement. L'insérer dans la culture, les valeurs, les processus, etc.

D.B. - Pourquoi se convertir au capitalisme conscient quand on peut très bien réussir en affaires sans cela ?

J.M. - Il est évident que, lorsqu'un capitaliste non conscient concurrence un autre capitaliste non conscient, il n'y a aucun problème. Chacun perpétue les mêmes règles. Personne ne remet le statu quo en question. Et lorsqu'un capitaliste conscient s'implante dans une industrie, il est encore minoritaire. Pour l'instant, le capitalisme conscient n'est qu'un avantage concurrentiel parmi d'autres. Vous pouvez détenir un brevet qui tient la concurrence à distance. Ou bien desservir une part de marché tellement importante que cela constitue une barrière à l'entrée. Il faut compter encore 25 ans avant de voir émerger un nouveau monde où les entreprises dirigées par les capitalistes conscients réussiront mieux que leurs concurrents, parce qu'elles seront suffisamment nombreuses pour que les gens puissent comparer et avoir envie de s'y coller.

D.B. - Vous êtes un homme patient...

J.M. - Le progrès s'installe, une mort à la fois. Il faut que certaines personnes meurent, et leurs idées avec elles, pour qu'il y ait évolution. Lorsque j'étais jeune, GM était un quasi-monopole. Je l'ai vu tomber de son piédestal et traverser une faillite. Et là, j'observe l'évolution de Tesla. En plus de bâtir un nouvel écosystème, Tesla a un impact sur l'écosystème existant.

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