«Je te remercie, Canada», dit Zelensky

Publié le 22/09/2023 à 13:12, mis à jour le 22/09/2023 à 19:00

«Je te remercie, Canada», dit Zelensky

Publié le 22/09/2023 à 13:12, mis à jour le 22/09/2023 à 19:00

Par La Presse Canadienne

Après son discours au Parlement, M. Zelensky prévoit se rendre à Toronto pour rencontrer des chefs d'entreprise et assister à un événement, a indiqué le cabinet du premier ministre Justin Trudeau. (Photo: La Presse Canadienne)

 

OTTAWA — Le Centre de la sécurité des télécommunications met en garde contre d'éventuels piratages des sites Web des gouvernements et des services clés, alors que le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'apprête vendredi à s'adresser au Parlement canadien.
L'agence, qui relève du ministère de la Défense nationale, indique dans un communiqué vendredi matin qu'il «n’est pas inhabituel qu’un nombre accru d’attaques par déni de service distribué (DDoS) visent les pays de l’OTAN qui appuient l’Ukraine ou qui accueillent des représentantes et représentants du gouvernement ukrainien».
Les «attaques DDoS» visent à submerger les sites Web à l'aide de robots qui envahissent les pages et surchargent les serveurs, rendant impossible l'accès aux sites.
Le Centre de la sécurité des télécommunications appelle «les exploitants de sites Web du gouvernement et d’infrastructures essentielles à redoubler de vigilance et de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour se protéger contre les cybermenaces malveillantes». 
En avril dernier, lors de la visite du premier ministre ukrainien, Denys Chmyhal, des groupes pro-Kremlin avaient revendiqué la mise hors ligne des sites Web du Sénat canadien et du premier ministre Justin Trudeau.
Lors de sa dernière visite au Canada, en juillet 2019, le président Zelensky était un dirigeant relativement inconnu, venant de remporter une victoire électorale et tout concentré aux efforts de son pays pour opérer des réformes démocratiques et s'intégrer à l'Europe. 
Beaucoup de choses ont changé depuis.
M. Zelensky est plutôt arrivé à Ottawa tard jeudi soir comme un chef de guerre immédiatement reconnaissable, vêtu de sa traditionnelle tenue vert olive — et maintenant tout concentré à la survie de son pays.
«Il est devenu un héros pour beaucoup de gens, et il l'est certainement devenu pour moi», déclarait jeudi Bob Rae, l'ambassadeur du Canada auprès des Nations unies, à New York. «C'est un homme d'un grand dévouement et d'un grand courage personnel.»
M. Rae a souligné aux journalistes les contributions importantes du Canada à l'effort de guerre jusqu'ici, notamment en accueillant des milliers d'Ukrainiens qui fuient la guerre et en fournissant plus de 1,8 milliard $ en aide, équipement et fournitures militaires.
M. Zelensky et le premier ministre Justin Trudeau devraient d'ailleurs discuter de ce que le Canada peut faire de plus pour aider l'Ukraine à se défendre contre la Russie, 19 mois après que les roquettes ont commencé à pleuvoir sur Kyiv.
M. Trudeau a plaidé en faveur de l'aide à l'Ukraine lors de réunions internationales, notamment au G7, au G20, à l'OTAN et encore cette semaine à l'Assemblée générale des Nations unies.
Mercredi, le premier ministre canadien a appelé au retrait complet des troupes russes et à la création d'un pacte de paix «respectant la Charte des Nations unies, fondé sur le droit international et préservant l'intégrité territoriale de l'Ukraine».
Ces remarques surviennent un mois après que le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba, a demandé au Canada d'utiliser son «muscle diplomatique» pour vendre le plan de Kyiv à d'autres pays. Il a aussi demandé à Ottawa d'augmenter son soutien dans la lutte contre les mines terrestres et de prolonger son financement militaire au-delà de l'année prochaine.
Vendredi, à Ottawa, M. Zelensky doit s'adresser au Parlement pour la deuxième fois depuis le début de l'invasion, en février 2022. Dans un discours en mode virtuel, en mars de la même année, la principale demande du dirigeant ukrainien aux parlementaires était que l'OTAN impose une zone d'exclusion aérienne, sans compter des appels à une aide financière pour l'humanitaire. Il rappelait aux députés que 97 enfants avaient été tués à cette époque.
Un peu moins de deux ans plus tard, plus de 9000 civils auraient été tués, dont plus de 500 enfants — bien que l'agence des Nations unies qui dénombre les victimes estime que les bilans réels sont probablement beaucoup plus élevés.
Les frappes aériennes russes se poursuivent alors que les forces ukrainiennes tentent de percer les lignes de front dans le cadre d'une contre-offensive qui dure depuis des mois et qui avance plus lentement que beaucoup ne l'espéraient.
Le temps presse
L’ambassadrice de l’Ukraine au Canada, Yuliya Kovaliv, a déclaré mercredi lors d’une table ronde que l’Ukraine souhaitait davantage d’aide militaire plus rapidement pour empêcher Moscou de reconstituer son butin de guerre.
«La raison pour laquelle cela avance si lentement est que la Russie a profité de ce moment au cours des neuf derniers mois, étant sur le territoire ukrainien (et) l'occupant, pour construire des fortifications et exploiter le terrain», a déclaré Mme Kovaliv à l'Université d'Ottawa. «Pour avancer sur ce champ de bataille et libérer chaque village, il faut des opérations très prudentes», a-t-elle ajouté.
«Chaque jour, alors que nos partenaires hésitent encore, ou qu'une certaine bureaucratie (est) plus lente à prendre cette éventuelle décision concernant le soutien militaire (et) à le fournir à l'Ukraine, la Russie, malheureusement, prend ce temps chaque jour pour occuper, enrôler davantage, produire plus d’armes», a-t-elle déploré.
L'ambassadrice a ajouté que l’Ukraine s’attend à ce que la Russie bombarde les infrastructures civiles cet hiver, comme elle l’a fait l’année dernière. M. Trudeau a accusé la Russie de transformer l’énergie et la nourriture en armes.
Lors de la même table ronde, Kerry Buck, qui a été ambassadrice du Canada auprès de l’OTAN de 2015 à 2019, a déclaré qu’Ottawa avait fait du bon travail en formant les forces ukrainiennes, car le Canada ne dispose pas d’un vaste secteur militaro-industriel à partir duquel il pourrait fournir des armes.
Elle a indiqué qu’il était clair que M. Zelensky avait besoin de plus d’armes pour repousser la Russie. «L'Ukraine doit gagner, et je pense que personne n'en fait encore assez», a-t-elle déclaré.
«La dernière année et demie a été un test pour la communauté internationale, pour voir si elle peut réagir avec suffisamment d'unité et de détermination pour protéger les valeurs sur lesquelles est construit l'ordre d'après-guerre», a-t-elle fait valoir.
M. Zelensky lui-même a averti cette semaine le Conseil de sécurité de l'ONU que la Russie avait l’intention de détruire l’ordre d’après-guerre. Il a qualifié l'invasion de la Crimée par Moscou en 2014 et l'attaque à grande échelle de 2022 d'«agression criminelle et non provoquée» par un État terroriste, et a demandé aux Nations unies de retirer leur veto aux membres du Conseil de sécurité — y compris à la Russie.
«Le but de la guerre actuelle contre l'Ukraine est de transformer notre terre, notre peuple, nos vies, nos ressources en armes contre vous — contre l'ordre international fondé sur des règles», a-t-il déclaré mardi à l'Assemblée générale de l'ONU.
Après son discours au Parlement, M. Zelensky prévoit se rendre à Toronto pour rencontrer des chefs d'entreprise et assister à un événement, a indiqué le cabinet du premier ministre.
Par Dylan Robertson et Sarah Ritchie

 

Ottawa — Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été accueilli vendredi en véritable héros par une Chambre des communes pleine à craquer de parlementaires l'acclamant à tout rompre, le premier ministre Justin Trudeau profitant de l'occasion pour assurer un soutien continu du Canada à l'Ukraine, et ce, «aussi longtemps qu'il le faudra».

D'emblée, M. Zelensky a statué que l'aide déjà fournie par Ottawa a aidé son peuple «à sauver des milliers et des milliers de vies» dans un discours chaudement applaudi qui a marqué sa première visite en sol canadien depuis l'invasion russe de l'Ukraine.

«Je te remercie, Canada», a-t-il déclaré en français, osant une phrase dans la langue de Molière qu'il n'a pas eu l'occasion d'apprendre.

Dans son habituelle tenue kaki, au 576e jour de guerre, le président a passé le plus clair de son discours en anglais à marteler que le Canada est «toujours du bon côté de l'histoire» et promis que «la liberté» et «la justice» l'emporteront.

Il a notamment exprimé sa gratitude quant au «leadership» d'Ottawa en matière de sanctions contre les élites russes.

Les applaudissements ont ponctué toute son allocution, venant en une dizaine de vagues distinctes alors que le président ukrainien dénonçait le «génocide» perpétré par la Russie.

M. Zelensky croit que la victoire de l'Ukraine qu'il prédit sera aussi attribuable au Canada, en tant qu'allié.

«Pouvons-nous abandonner? Non. [...] Pouvons-nous acquiescer au mal?Non. Pouvons-nous laisser notre identité être effacée? Non. Le Canada et l'Ukraine, nous nous tenons debout et nous nous battons», a-t-il lancé.

«Slava Ukraini!» [«gloire à l'Ukraine»], s'est exclamé M. Zelensky en guise de conclusion. Une longue ovation debout a aussitôt résonné dans l'enceinte de la Chambre pendant que le chef d'État serrait la main de nombreux députés.

Ottawa annonce 650 millions de dollars (M$) sur trois ans

M. Zelensky ne sera pas reparti les mains vides, puisque le premier ministre Justin Trudeau a annoncé vendredi une nouvelle aide canadienne de 650M$ sur trois ans pour 50 véhicules blindés, y compris des véhicules d'évacuation médicale.

«Nous faisons basculer notre approche afin de fournir une assistance pluriannuelle, assurant que l'Ukraine a le soutien prévisible dont elle a besoin pour un succès à long terme», a déclaré M. Trudeau en point de presse, dévoilant un florilège d'autres mesures.

Parmi celles-ci figure l'envoi, par le Canada, de militaires pour entraîner les forces aériennes ukrainiennes à piloter et à entretenir les F-16 qui leur ont été cédés.

Ottawa a également ajouté 63 individus et entités russes à sa liste de sanctionnés. Cette dernière s'élève a environ 2700 personnes et entités situées en Russie, en Biélorussie et en Moldavie. La première série de sanctions remonte à l'invasion et annexion de la Crimée, en 2014.

Questionné à savoir s'il a l'impression qu'une «fatigue» s'installe quand vient le temps de convaincre certains alliés de continuer d'envoyer de l'argent et des munitions à l'Ukraine, M. Trudeau a répondu qu'il «compren(d) que, dans tous les pays du monde, on fait face à des situations budgétaires de plus en plus complexes».

Il a plaidé, du même souffle, que cela ne devrait pas décourager d'investir dans le soutien au peuple ukrainien puisqu'«on sait que la déstabilisation de l’ordre mondial qui arriverait si la Russie réussissait à renverser l’ordre basé sur les règles aurait un impact économique profond».

Appelé à commenter, M. Zelensky a soutenu en ukrainien «qu’il n’y a pas de point intermédiaire dans cette guerre», selon la traduction simultanée disponible lors du point de presse.

«On soutient soit l’Ukraine, soit la Russie. Si vous ne soutenez pas l’Ukraine, vous renforcez la Russie», a-t-il résumé.

M. Trudeau a eu des mots on ne peut plus chaleureux à l'endroit du président ukrainien dans sa propre allocution en Chambre visant à présenter l'invité de marque.

Le premier ministre canadien a qualifié M. Zelensky d'«inspiration» et de «grand champion» qui mène un «combat pour votre démocratie et votre liberté».

Le président russe Vladimir Poutine, a contrario, «rompt avec la civilisation» et «viole notre humanité commune» dans une démarche visant «à affaiblir la démocratie et à affirmer l’autocratie», a déclaré M. Trudeau.

Il a expliqué que son «plus grand espoir» est que la paix revienne pour les Ukrainiens, mais, a-t-il prévenu, pas «une fausse paix fondée sur un compromis imposé par l'agresseur».

Un comité d'accueil de la diaspora

Avant l'annonce de vendredi,le Canada s'était déjà engagé à verser plus de 8,9 milliards de dollars (G$) en aide à l'Ukraine, notamment 5,0G$ en soutien financier direct et 1,8G$ en aide militaire. Le pays a aussi accueilli 175 000 Ukrainiens depuis le début de la guerre.

À l'extérieur du parlement, des membres de la diaspora faisaient d'ailleurs flotter des drapeaux ukrainiens et scandaient des «Slava Ukraini!».

«Je suis heureuse parce que je vois beaucoup de soutien des Canadiens», a témoigné Aleksandra Kohut, une étudiante universitaire qui a fui la guerre pour arriver en sol canadien il y aura un an samedi.

Et alors que le cortège du président Zelensky venait de faire son arrivée sur la colline parlementaire, une autre jeune réfugiée arrivée au pays durant la guerre, Anastasiia But, a raconté se sentir «très fière».

Le Canada abrite la deuxième plus importante diaspora ukrainienne au monde après la Russie. Pas moins de 1,4 million de Canadiens ont déclaré avoir des origines ukrainiennes, soit près de 4 % de la population.

Mais il n'y avait pas que des ressortissants ukrainiens dans ce comité d'accueil. Irena Dhillon, une résidante de la ville ontarienne de Kitchener originaire de la Lituanie, en faisait partie. «Vous savez, il se bat pour nous tous», a-t-elle dit. Son conjoint, qui l'accompagnait avec leurs deux jeunes enfants, avait un voyage d'affaires à Ottawa coïncidant avec la visite du président ukrainien, ce que la petite famille a vu comme un heureux hasard.

En mars 2022, M. Zelensky s'était aussi adressé aux parlementaires canadiens, mais l'allocution en Chambre s'était déroulée de façon virtuelle.

Avant la guerre en Ukraine, il avait effectué une visite officielle au Canada, en juillet 2019, mais il était alors un dirigeant relativement peu connu.

Le président ukrainien venait de remporter une victoire électorale et se concentrait aux efforts de son pays pour opérer des réformes démocratiques et s'intégrer à l'Europe. Les choses ont bien changé depuis alors que toute son action se concentre sur la survie de son pays.

 

- Avec des informations de Dylan Robertson et Sarah Ritchie

Émilie Bergeron et Michel Saba, La Presse Canadienne

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