Ukraine: les dernières réactions et sanctions du Canada

Publié le 03/03/2022 à 09:42, mis à jour le 03/03/2022 à 16:18

Ukraine: les dernières réactions et sanctions du Canada

Publié le 03/03/2022 à 09:42, mis à jour le 03/03/2022 à 16:18

La vice-première ministre du Canada Chrystia Freeland. (Photo: Getty Images)

Ce texte regroupe les réactions et les sanctions canadiennes dans le cadre de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en date du 3 mars. Pour retrouver toute notre couverture sur le conflit, c'est ici. NDLR. Certains contenus sont explicites et peuvent être difficiles à lire.

 

16h10 | Ottawa — Le premier ministre Justin Trudeau a expliqué jeudi à quel point il peut être délicat, pour son gouvernement, de décider d’expulser l’ambassadeur russe au Canada.

Répondant à la question d’un journaliste sur ce sujet, il a évoqué la possibilité que Moscou lui retourne la pareille, ce qui pourrait selon lui s’avérer désavantageux pour les intérêts canadiens.

«Nous devons équilibrer cela (par rapport à) l’impact positif qu’il peut y avoir, que des diplomates canadiens à Moscou peuvent avoir (pour) comprendre ce qui se passe avec la population russe (pour) soutenir les gens sur le terrain et aider les Canadiens qui pourraient se retrouver pris en Russie en ce moment», a-t-il déclaré en point de presse.

Justin Trudeau a convenu, du même souffle, que l’ambassadeur de la Russie répète la «propagande» et la «désinformation» du président Vladimir Poutine.

Il a ajouté que son gouvernement souhaite être au diapason des «meilleurs intérêts du Canada (…), des Canadiens à l’étranger (ainsi que) de nos amis les Ukrainiens».

Les conservateurs demandent depuis des jours l’expulsion de l’ambassadeur, estimant que de le semoncer, comme l’a fait la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a été insuffisant.

Durant la période des questions de jeudi, le chef adjoint des conservateurs, Luc Berthold, a de nouveau tapé sur ce clou.

«(Le) premier ministre disait en octobre “La désinformation est une menace pour la démocratie”. Pourquoi tolère-t-il encore chez nous le propagandiste en chef de la Russie au Canada ?», a-t-il lancé.

«Je reçois quotidiennement des messages remplis de faussetés sur l’invasion illégale de Poutine en Ukraine. D’autres Canadiens sont soumis à ces messages, dont plusieurs reprennent mot pour mot la déclaration de l’ambassadeur russe», a ajouté l’élu en faisant référence à des propos diffusés via le compte Twitter de l’ambassade de la Russie au Canada.

C’est la ministre de la Défense, Anita Anand, qui s’est levée pour répondre à l’intervention du député Berthold. «On doit défendre les Canadiens contre la désinformation et la propagande. On ne se laissera pas intimider», s’est-elle contentée de dire. Le premier ministre n’a pas pris part à la période des questions.

 

Gare à ceux qui voudraient combattre pour Moscou.

15h00 | Ottawa prévient que les Canadiens qui décideraient d’aller combattre aux côtés des Russes en Ukraine pourraient faire face à de graves conséquences, même si le gouvernement reconnaît pour la première fois des incertitudes quant à savoir s’il serait légal d’aller combattre pour le camp ukrainien.

La vice-première ministre Chrystia Freeland a lancé jeudi un avertissement aux Canadiens qui songeraient à se joindre aux troupes russes dans l’invasion de l’Ukraine. Interrogée lors d’une conférence de presse où elle annonçait de nouvelles sanctions contre Moscou, Chrystia Freeland a rappelé que pour le Canada, «cette guerre est illégale» et «le Canada adoptera une attitude sévère et appropriée à l’égard de quiconque y participera».

Pourtant, les ministres fédéraux semblaient moins empressés d’affirmer que des volontaires canadiens qui se battraient pour l’Ukraine violeraient les lois canadiennes.

Le gouvernement de Kyiv a lancé en fin de semaine dernière un appel aux volontaires étrangers à rejoindre une «brigade internationale» pour défendre le pays contre l’armée de Vladimir Poutine. De nombreux Canadiens ont depuis déclaré qu’ils y songeaient — et certains ont même déjà pris l’avion.

Aux côtés de Chrystia Freeland, jeudi matin, la ministre de la Défense, Anita Anand, qui est aussi avocate, a déclaré que même si elle comprenait le désir de nombreux Canadiens de prendre les armes pour défendre l’Ukraine, «la légalité de la situation (...) est incertaine pour le moment».

D’autres capitales plus fermes

Le gouvernement fédéral avait auparavant évité de discuter directement de la légalité de cette participation volontaire, ou si Ottawa soutenait les Canadiens qui veulent aller se battre pour l’Ukraine. Les ministres fédéraux ont plutôt présenté la chose comme une affaire de risque personnel.

Cette position contrastait fortement avec celle du Royaume-Uni et de l’Australie, dont les gouvernements ont noté les enjeux juridiques potentiels auxquels leurs citoyens pourraient être confrontés s’ils se battaient dans un conflit qui n’impliquait pas leur pays.

La ministre Anand a plutôt encouragé les citoyens à s’enrôler dans l’armée canadienne, qui fait face à une pénurie de milliers de militaires actifs. «Nous serions ravis de recevoir des candidatures de partout au pays, a-t-elle dit. Les Forces armées canadiennes ont assuré une mission de formation en Ukraine depuis 2015 et ont formé plus de 33 000 soldats ukrainiens.»

Le premier ministre Justin Trudeau a par la suite éludé une question similaire sur la légalité des volontaires canadiens qui se battraient pour l’Ukraine. Il a simplement rappelé les avertissements précédents du gouvernement concernant les risques de voyager en Ukraine, avant d’ajouter qu’il n’était pas avocat.

L’exemple de la guerre d’Espagne

Alors que Chrystia Freeland n’a pas précisé que les Canadiens qui se battraient dans le camp russe pourraient être poursuivis, l’historien Tyler Wentzell croit que les avocats du gouvernement examinent actuellement de près la Loi sur l’enrôlement à l’étranger, et comment elle peut s’appliquer aujourd’hui dans le cas de l’Ukraine.

Adoptée en 1937, la loi visait à maintenir la neutralité du Canada pendant la guerre civile espagnole. Elle interdit essentiellement aux Canadiens de rejoindre une armée étrangère pour combattre un pays que le Canada considère comme un «État ami». Ceux qui enfreignent cette loi peuvent être passibles d’une amende pouvant aller jusqu’à 2000 $ et de deux ans de prison.

Mais la loi ne définit pas précisément ce qu’est un «État ami», et Tyler Wentzell souligne que le texte donne spécifiquement au cabinet le pouvoir et la flexibilité de déterminer quels conflits étrangers sont autorisés ou interdits.

«Ils peuvent édicter des règlements qui diraient sans équivoque: vous ne pouvez pas rejoindre les forces armées russes», estime le professeur Wentzell, qui a étudié l’implication des Canadiens dans des conflits étrangers antérieurs et a écrit un livre sur les Canadiens qui ont combattu pendant la guerre d’Espagne.

«Les ministres peuvent également édicter des règlements disant: nous ne poursuivrons personne, ou nous avons besoin d’une autorisation ministérielle pour poursuivre quelqu’un pour telle ou telle infraction.»

Certains experts ont par ailleurs soulevé le fait que des unités paramilitaires en Ukraine et même certains segments de l’armée ukrainienne ont été liés par le passé à la radicalisation d’extrême droite et à la haine, et même accusés de crimes de guerre.

Ces liens ont soulevé des inquiétudes quant au fait que les Canadiens qui décident de se battre contre la Russie soient impliqués, consciemment ou non, dans de telles unités et deviennent complices d’activités dont ils pourraient plus tard être tenus responsables.

Selon Tyler Wentzell, il est intéressant de noter que le gouvernement ne se contente pas de décourager les Canadiens d’aller se battre en Ukraine: «il ne promet, au fond, absolument rien» à ces volontaires.

 

 

14h10 | Indemnisations: Trudeau n'est pas pressé.

Le premier ministre Justin Trudeau réitère être ouvert à indemniser des entreprises canadiennes qui seraient frappées indirectement par les sanctions contre Moscou, mais précise qu’il se concentre d’abord sur le soutien au peuple ukrainien.

«On n’a pas passé énormément de temps à élaborer des solutions encore parce que notre priorité doit être et continue d’être d’aider l’Ukraine», a-t-il déclaré jeudi en point de presse.

C’est ainsi qu’il a clarifié sa pensée sur le sujet après avoir, mercredi, ouvert la porte à des indemnisations.

Jeudi, il a souligné que dans un monde «interconnecté» comme le nôtre, les sanctions «finissent par faire mal à tout le monde».

«C’est un moment pour nous de nous tenir ensemble (…) de défendre nos démocraties, la Charte des Nations unies (ainsi que) les principes de l’état de droit», a plaidé Justin Trudeau.

Il a noté que ceux qui investissent à l’étranger prennent toujours «un certain risque». Et bien qu’il soit hors de question pour Ottawa de reculer sur les sanctions, le gouvernement tentera de «minimiser ce risque» et étudiera les façons d’aider les Canadiens qui pourraient être touchés de façon «disproportionnée».

Quoi qu’il en soit, le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, avait tempéré en soutenant que «l’impact sera probablement très modéré pour le Canada». Il a affirmé que les échanges commerciaux avec la Russie représentent «moins de 1%» des importations et exportations canadiennes.

13h35 | Le Canada se retire du Conseil de l'Arctique

 Le Canada, les États-Unis, la Norvège, l’Islande, la Suède, le Danemark et la Finlande ont annoncé qu’ils ne participeront pas aux travaux du Conseil de l’Arctique et qu’ils n’assisteront à aucune de ses réunions jusqu’à nouvel ordre.

 Le Conseil de l’Arctique est actuellement dirigé par la Russie.

 Le Conseil est le principal organisme international qui rassemble toutes les nations du Nord pour discuter des questions d’environnement et de développement.

 Il comprend des groupes autochtones en tant que participants permanents.

 L’organisation a été fondée à Ottawa en 1996.

13h30 | Ottawa demande de suspendre la Russie d'Interpol.

Ottawa — Le gouvernement du Canada appelle à la suspension de la Russie d’Interpol, l’organisation internationale de police criminelle, a annoncé jeudi le premier ministre Justin Trudeau.

 «La coopération internationale en matière d’application de la loi dépend d’un engagement collectif envers la Déclaration universelle des droits de l’homme et du respect mutuel entre les membres d’Interpol», a-t-il expliqué en marge d’une annonce d’aide aux petites entreprises.

 

Justin Trudeau a précisé que d’autres États font également cette demande de retrait de l’organisation qui compte 195 pays membres, sans toutefois préciser lesquels.

 

13h00 | Freeland annonce des tarifs contre la Russie

Le Canada impose des tarifs de 35 % aux exportations de la Russie et de la Biélorussie, annonce l’envoi de nouveau matériel militaire à l’Ukraine et déploie une nouvelle voie d’accès pour accueillir des Ukrainiens.

La vice-première ministre Chrystia Freeland a indiqué, en point de presse jeudi, que le Canada est le premier pays à révoquer à la Biélorussie et à la Russie leur statut enviable de partenaire commercial en vertu du droit canadien.

«Nous travaillons de près avec nos alliés pour les encourager à faire les mêmes pas», a déclaré celle qui est aussi ministre des Finances.

La ministre a expliqué que cela signifie que la Russie et la Biélorussie n’auront plus droit aux tarifs commerciaux avantageux dont bénéficient les membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les deux pays sanctionnés feront plutôt face à des tarifs atteignant 35%, selon ce qu’a précisé Chrystia Freeland.

«Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que le président Poutine, ses complices, ceux qui lui permettent d’agir et l’économie russe paient le prix de cette grave erreur», a-t-elle insisté en faisant référence à l’invasion de l’Ukraine.

Québec

Au Québec, dans le cas de la Russie, ces tarifs de 35%  toucheront surtout les importations d’engrais minéraux, d’huiles de pétrole, de cuivre affiné, d’argent ainsi que de pneus, selon les données de Statistique Canada.

Du reste, les importations du Québec en provenance de la Russie ne sont pas élevées, atteignant 877,8 millions de dollars canadiens en 2021.

Les importations en provenance de la Biélorussie sont minimes, s’élevant seulement à 12,4 M$ l’an dernier.

Dans le cas de la Biélorussie, les principaux groupes de produits importés de ce pays sont des huiles de pétrole, des meubles (et leurs parties), des constructions d’aluminium (tôles, barres, etc.), des scies à mains ainsi que des livres/brochures imprimés.  Crédit: François Normand

Défense 

La ministre de la Défense, Anita Anand, a de son côté fait savoir que le Canada bonifiait ses envois de matériel militaire vers l’Ukraine. Il expédiera davantage d’aide létale, dont jusqu’à 4500 lance-roquettes et jusqu’à 7500 grenades à main.

Ottawa versera également un million de dollars à l’Ukraine pour l’acquisition d’images satellites de haute résolution modernes, dans le but d’aider les militaires ukrainiens à mieux suivre les déplacements de l’armée russe.

«Il est de notre travail de protéger autant de vies que possible avec nos alliés de l’OTAN», a dit la ministre Anand. 

Immigration: moins d’obstacles pour les Ukrainiens

Le ministre de l’Immigration, Sean Fraser, qui était aussi présent au point de presse, a annoncé un nouveau programme visant à faciliter les démarches d’Ukrainiens souhaitant rejoindre le Canada dans leur fuite de la guerre.

Ceux qui choisissent ainsi le Canada comme refuge pourront avoir recours à «l’autorisation de voyage d’urgence Canada-Ukraine», a dit l’élu fédéral.

C’est «la façon la plus rapide d’accepter autant d’Ukrainiens que possible», a assuré Sean Fraser, mentionnant qu’Ottawa ne se fixera pas de seuil pour le nombre d’Ukrainiens pouvant être accueillis au pays.

«Nous levons la plupart des exigences qui existent en vertu des visas traditionnels», a-t-il ajouté. Un formulaire «simple» devra donc être rempli par ceux qui veulent se prévaloir du nouveau programme et fournir des données biométriques.

Interrogé à savoir pourquoi une levée complète des visas n’était pas faite par le Canada, le ministre a répondu que cela signifierait que tout citoyen ukrainien pourrait venir au pays. Il a affirmé qu’une levée complète «ouvre également la porte à d’autres qui pourraient passer par les mailles du filet».

Le gouvernement est préoccupé par des gens «comme ceux qui ont appuyé et ont combattu l’armée ukrainienne dans les huit dernières années dans le Donbass et d’autres qui travaillent contre les Ukrainiens et aident les troupes russes».

Le recours aux mesures biométriques permettra de filtrer ce type de demandes pour protéger le Canada de ce «risque de sécurité», a soutenu le ministre Fraser.

 

 

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