Le cidre «terriblement local»


Édition du 16 Juin 2021

Le cidre «terriblement local»


Édition du 16 Juin 2021

(Photo: 123RF)

INDUSTRIE DE L'ALCOOL. Le vent souffle sur la vente des alcools québécois. Que ce soit le vin, la bière ou les spiritueux, les consommateurs sont prêts à payer le juste prix pour boire local. Cet engouement se fait particulièrement sentir dans une catégorie encore toute jeune : le cidre québécois. 

« Son essor est fou ! observe Julien Niquet, cofondateur de la cidrerie Alma, à Frelighsburg, en Montérégie. C’est la branche des alcools québécois qui connaît la plus importante expansion. » 

L’entrepreneur, qui a aussi cofondé la microbrasserie Glutenberg, la brasserie et distillerie Oshlag ainsi que le distributeur de bières Transbroue, sait de quoi il parle. Depuis l’ouverture de sa cidrerie en 2017, il a vu la croissance de son produit quintupler ; la production de 2020 a atteint 150 000 litres. Lui et sa conjointe, Justine Therrien, exploitent pour la cidrerie Alma le verger qui se trouve sur la terre de 56 hectares qu’ils ont acquise il y a quatre ans, avant tout pour y cultiver des vignes. D’ailleurs, les premières vendanges de la Maison agricole Joy Hill, le vignoble en question, ont été faites l’automne dernier, et les 12 000 bouteilles — déjà toutes vendues — sortiront cet été. 

L’avantage du cidre, c’est qu’il est « terriblement local », constate Marc-Antoine Lasnier, propriétaire et directeur général de la Cidrerie Milton, à Sainte-Cécile-de-Milton, également en Montérégie. « On est un terroir de pommes, donc lorsqu’on boit un cidre, on est assuré d’acheter québécois », précise-t-il. 

Même si la part de marché de la catégorie d’alcool demeure la plus faible de la province, avec un tout petit 0,4 litre consommé par habitant en 2018, elle est celle avec la hausse la plus marquée en 2019, soit 19 %, comparativement à 2 % pour la bière et une baisse de 1 % pour le vin, selon les données de la firme de recherche marketing Nielsen. 

Cela dit, un défi persiste : éduquer les consommateurs. « On doit marteler que le cidre est un produit peu transformé, fait avec des pommes du Québec, ce qui demeure flou pour le consommateur moyen », déplore Marc-Antoine Lasnier, également président de l’association des Producteurs de cidre du Québec. 

Quoi qu’il en soit, la Société des alcools du Québec (SAQ) perçoit une montée de l’intérêt pour le cidre québécois. Elle enregistre une augmentation de 6 % des ventes par rapport à l’année précédente, pour un total de 7,3 millions de dollars (M$) entre avril 2020 et mars 2021. « Il s’agit d’une croissance de 31 % en volume, précise Stéphane Denis, directeur des vins et des cidres à la SAQ. Et la demande est plus grande que l’offre. »

 

Des chiffres parlants

Si cette montée de la popularité est vraie pour cette boisson de pommes, ça l’est aussi pour les autres types d’alcools québécois. La SAQ observe d’ailleurs une hausse de 28,5 % des ventes au cours de sa dernière année, toutes catégories confondues, pour atteindre environ 594 000 M$. 

La vente de vin a par exemple augmenté de 143 % depuis la création de l’identification « Origine Québec », en 2014, pour atteindre 11,4 M$ en 2019. Pour l’année qui vient de terminer, la société d’État a enregistré une hausse de 36,8 %.

La vente des spiritueux québécois montre quant à elle une augmentation de 28 % comparativement à l’année dernière, pour un total de 404 M$, et de 75 % pour les prêts-à-boire, soit 39 M$. Une poussée qui est notamment due à la popularité des gins locaux. « C’est la catégorie la plus dynamique, avec une croissance de 57 % », fait valoir Simon Bourbeau, directeur des spiritueux et des produits de célébration à la SAQ. 

C’est justement la présence de plus en plus importante des distillateurs sur le sol québécois — 78 permis en vigueur en mai, selon le registre public de la Régie des alcools, des courses et des jeux — qui a motivé la société d’État à créer l’an dernier les identifications « Préparé au Québec » et « Embouteillé au Québec », lesquelles permettent de distinguer plus facilement les produits à saveur locale, ajoute Stéphane Denis. 

Contrairement à « Origine Québec », réservée aux produits élaborés par des artisans québécois avec des ingrédients locaux, du grain à la bouteille, ces deux dernières identifications englobent des alcools préparés à la fois au Québec et ailleurs dans le monde, ou ceux uniquement embouteillés ici après importation. 

La première catégorie représente un peu plus de 5 % des ventes totales de produits québécois en 2020-2021, pour un total de 32 188 M$. « Préparé au Québec » et « Embouteillé au Québec » représentent respectivement près de 13,7 % et 81 % des ventes totales.

 

La pandémie au service de l’achat local

On ne peut parler d’alcool québécois sans faire mention des bières, qui ont connu une impressionnante explosion au cours des dernières années. Le nombre de permis de brasseurs – tous types confondus – a plus que triplé en 10 ans pour atteindre 276 en avril, selon les données de l’Association des microbrasseries du Québec (AMBQ). « Et le rythme ne s’essouffle pas », constate Marie-Ève Myrand, directrice générale de l’AMBQ. 

Or, la pandémie affecte de façon inégale les différents détenteurs de permis, poursuit-elle. Jusqu’à tout récemment, les producteurs artisanaux pouvaient uniquement vendre leurs bières sur leur lieu de production. Depuis l’adoption du projet de loi 72, en décembre dernier, ils peuvent désormais offrir leurs produits en épicerie, un droit auparavant réservé aux producteurs industriels. 

« C’est une belle ouverture, mais en résultera-t-il une croissance ou simplement un déplacement des ventes ? demande Marie-Ève Myrand. Les consommateurs, qui ont perdu l’habitude de se rendre sur les terrasses ou dans les pubs, s’approvisionnent maintenant dans des « one-stop shops ». Et c’est quand même difficile pour les producteurs artisanaux de se frayer une place sur les tablettes déjà pleines. » Elle reconnaît toutefois que la COVID-19 a conscientisé les consommateurs à l’achat local. 

Julien Niquet abonde dans le même sens. « Les gens se rendent compte qu’en plus de nous encourager, les produits sont délicieux. » Il est persuadé que l’initiative du Panier bleu, lancée en 2020 par le gouvernement du Québec pour promouvoir les entreprises locales, a eu une incidence positive sur l’économie québécoise, et ce, même s’il ne considère pas cette plateforme — un simple bottin d’entreprises — comme un outil efficace. « L’annonce du Panier bleu a redonné aux Québécois le patriotisme économique qui leur manquait et, à partir de ce moment, ils se sont mis à réaliser des efforts pour encourager les entreprises d’ici », estime l’entrepreneur. 

Même son de cloche chez Geneviève Laforest, agente de développement à l’Union québécoise des microdistilleries. « Les gens s’identifient beaucoup à leur distillerie locale et en sont fiers, assure-t-elle. La concurrence pour les tablettes, elle ne s’effectue pas entre nous, mais contre les Smirnoff de ce monde. »

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