Comment vraiment booster la performance de vos employés?

Publié le 25/11/2013 à 05:26, mis à jour le 02/12/2013 à 14:54

Comment vraiment booster la performance de vos employés?

Publié le 25/11/2013 à 05:26, mis à jour le 02/12/2013 à 14:54

BLOGUE. Aujourd'hui, je vais vous parler d'une étude qui va faire jaser. Si, si… Je vais en effet vous parler de la performance au travail des… garagistes! Et vous allez voir que ce qui se passe dans le garage le plus proche de chez vous peut tout aussi bien se passer, en ce moment-même, dans votre entreprise, au sein de votre propre équipe.

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L'étude en question s'intitule Reducing moral hazard in employment relationships: Experimental evidence on managerial control and performance pay. Elle est signée par : Kirabo Jackson, professeur de développement humain et de politique sociale à l'Université Northwestern (États-Unis); et Henry Schneider, professeur d'économie à l'École de management Johnson de l'Université Cornell (États-Unis).

L'idée des deux chercheurs était toute simple. Ils ont étudié de près, de très près même, une chaîne américaine de 11 garages. Ils ont recueilli à leur sujet une tonne de données, entre 2008 et 2013 : la liste complète des clients, de chacune de leurs visites, de chaque réparation faite, et du montant de chacune de leurs factures, tout comme la liste de chaque mécanicien, de chacune de leurs réparations, du temps que celles-ci leur ont pris, et de chacune des factures émises. Bref, ils disposaient des moindres détails liés, par exemple, à n'importe quel changement d'huile ou réalignement des roues. Tout tout tout.

Mieux, ils ont pu intervenir directement dans le management des garages durant ces cinq années-là. Ils en ont profité pour mener quelques petites expériences, en plaçant les mécaniciens dans des conditions de travail différentes :

 > Checklists. Certains des mécaniciens ont dû travailler avec des checklists, un peu à l'image de ce que font déjà, entre autres, les pilotes d'avion avant de décoller et les médecins au moment d'opérer un patient. Ils devaient donc désormais suivre à la lettre la procédure indiquée dans le document correspondant à l'intervention à effectuer. À noter que lorsque cela ne les tentait pas de se servir de la checklist, ils avaient le droit de la mettre de côté, pourvu qu'ils le signalent.

 > Primes à la performance. Certains des mécaniciens ont pu bénéficier de primes, si leur performance au travail était soudainement remarquable. Cela se traduisait, en fait, par une hausse de la commission qu'ils touchaient sur chaque facture liée à leur travail.

 Résultats? Commençons par ce qui concerne les checklists…

 > 1 fois sur 3. Les mécaniciens soumis aux checklists s'en sont servis en moyenne 1 fois sur 3.

 > Bond des revenus. À chaque fois qu'un mécanicien se servait d'une checklist, cela lui a permis d'accroître les revenus d'en moyenne 20,2%. Oui, vous avez bien lu : +20,2%.

 > Retour à la case Départ. Quand l'expérience des checklists a été arrêtée, aucun mécanicien ne s'en est plus spontanément servi, même si elles étaient encore à leur disposition. Et en conséquence, les revenus dégagés par chacun d'eux sont redevenus exactement les mêmes que ce qu'ils étaient auparavant.

 Poursuivons maintenant par ce qui concerne les primes à la performance…

 > Bond des revenus. Chaque fois qu'on augmente de 1 point de pourcentage la commission touchée par un mécanicien, les revenus dégagés par celui-ci grimpent d'en moyenne 11,7%.

 Les deux chercheurs ont analysé davantage leurs données, afin de découvrir ce qui expliquait, dans les deux cas de figure, les bonds de revenus observés. C'est alors qu'ils ont découvert quelque chose de fantastique :

 > Checklists. Dans le cas de figure des checklists, les gains en revenus provenaient du fait que les mécaniciens effectuaient sur la voiture plus de réparations que d'habitude – ce qui gonflait la facture du client – et du fait qu'ils se mettaient à travailler plus d'heures par semaine qu'auparavant.

 > Primes à la performance. Dans le cas de figure des primes à la performance, les gains en revenus découlaient du fait que les mécaniciens ne faisaient plus de réparations mineures pour pouvoir consacrer leur temps aux réparations majeures – ce qui gonflait la facture du client. Et eux, ne se sont pas mis à travailler plus d'heures par semaine, ni à accroître le nombre de réparations effectuées sur chaque voiture qui passait entre leurs mains.

 Autrement dit, l'instauration de checklists a été bénéfique pour tout le monde :

 > Le travail était mieux fait. Car les mécaniciens, contraints de regarder partout, trouvaient des réparations à faire qui, sinon, leur auraient échappé.

 > Le garage était gagnant. Car il engrangeait davantage de revenus. Et il voyait ses mécaniciens motivés comme jamais, puisqu'ils travaillaient plus d'heures que d'habitude.

 > Les clients étaient vraisemblablement satisfaits. Car les réparations avaient gagné en qualité (quitte, certes, à payer un peu plus cher que d'habitude à chacune de leurs visites…).

 Quant aux primes à la performance, leur instauration n'a pas été tout aussi bénéfique :

 > Des gains douteux. Les gains en revenus ont crû, c'est vrai, mais moins que pour la checklist. Mais surtout, elles ont amené les mécaniciens à adopter des comportements indésirables. De fait, ils ont laissé tomber les réparations mineures, mais pourtant cruciales lorsqu'on entend offrir au client un service de qualité. Ils n'ont plus traqué que les réparations majeures, sachant qu'elles étaient les plus lucratives pour eux. Enfin, ils n'en pas été motivés au point de travailler plus d'heures qu'auparavant.

 Alors? Faut-il en conclure qu'il faut mettre des checklists partout où cela est possible et supprimer toute forme de prime à la performance? Non, bien sûr. Les meilleures solutions ne sont jamais les solutions radicales. On le sait bien.

 Les deux chercheurs ont une suggestion : un mix des deux. «Nos données montrent que les deux politiques de gestion du capital humain sont complémentaires. Checklist et primes à la performance, c'est le cocktail gagnant. Reste à trouver le bon dosage pour chaque entreprise ou équipe», disent-ils dans leur étude.

 Voilà. À vous, donc, de voir ce qui conviendrait le mieux à votre propre réalité au travail.

 En passant, Simone de Beauvoir a dit dans Mémoires d'une jeune fille rangée : «Toute réussite déguise une abdication».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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