COP28, un sentiment de déjà-vu

Publié le 20/12/2023 à 15:20

COP28, un sentiment de déjà-vu

Publié le 20/12/2023 à 15:20

Alors que le mercure planétaire grimpe, que des transformations de notre économie sont inévitables, est-ce utopique de croire que la convention aura réussi à convaincre les nations à sortir des énergies fossiles? (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. La COP28 est maintenant dernière nous et a été conclue avec une entente qualifiée d’historique, nous laissant toutefois un sentiment de déjà-vu. En somme, on s’est entendu qu’il fallait suivre une entente passée, soit l’accord de Paris. Cette fois-ci, les bottines suivront-elles les babines?

Cette année, la COP28 à Dubaï fut présidée par le président d’Adnoc, la société d’État pétrolière des Émirats arabes unis. Aucun conflit d’intérêts ici… Aussi bien avoir le président d’une compagnie de tabac pour un sommet sur le cancer du poumon, ou même Willy Wonka sur le diabète!

La COP aura ainsi débuté dans la controverse. Le président affirmait la première journée qu’aucune science ne démontrait que se départir des énergies fossiles freinerait le réchauffement climatique. À se demander à quoi bon tenir la COP? Il aura fallu peu de temps pour le convaincre, car 12 jours plus tard, on annonçait une entente historique entre les membres, soit celle de transitionner des énergies fossiles: le début de la fin. Malheureusement et comme le charbon à Glasgow à la COP26, un phase-out n’aura pas réussi à s’inscrire dans l’entente. Qui l’eût cru?

Maintenant que les dignitaires sont chargés à bloc à la suite de cette conférence, est-ce que cette énergie se dissipera le temps du vol de retour? Les genoux fléchissent facilement lorsqu’il vient le temps d’annoncer des changements à la population. Le plus dur est devant eux, soit faire face à leur électorat respectif, lorsqu’il y en a (vraiment) un. Il est plus qu’évident que les gouvernements doivent intervenir davantage pour initier de tels changements drastiques.

 

Tensions géopolitiques encore vives

Le principe de l’avantage concurrentiel en économie est que les pays ayant une capacité spécifique ou un positionnement avantageux par rapport aux autres devraient l’exploiter. Cela crée une économie globale plus efficace à travers les échanges et permet à tous de prospérer. Cela a bien fonctionné dans l’histoire moderne, tant qu’on réussit à s’entendre.

La mondialisation facilitait les échanges et diminuait les tensions entre les pays, mais le contraire est aussi vrai. Dans un contexte où la lutte aux changements climatiques est un effort global, le défi est colossal alors que les relations entre les pays sont à leur plus bas niveau depuis la Guerre froide, voire pire.

Il fut un temps où le secteur industriel a connu une croissance par l’accessibilité à une main-d’œuvre à coût moindre. La révolution industrielle et l’essor des pays émergents en sont la preuve. Alors que le coût de la main-d’œuvre est le principal facteur dans plusieurs industries, beaucoup d’entreprises ont déménagé leur production vers l’Asie. Mais avec la robotisation et dans un contexte où des réglementations sur les émissions se resserrent, les priorités pourraient changer rapidement.

Il est probable que nous observions une migration d’entreprises vers des pays où l’électricité produite est plus verte avec l’arrivée de nouvelles normes. Peut-être que notre belle province saura bien se positionner, et espérons sans avoir à faire des chèques colossaux chaque fois!

Étant donné la taille de leur économie, la majorité du combat climatique réside entre les mains de la Chine, l’Inde et les États-Unis. En aucun cas cela ne veut dire que le Canada doit arrêter ses efforts, loin de là. Il faut seulement reconnaître que tant que ces géants ne bougent pas significativement, il y a peu d’espoir de changer la trajectoire du climat.

 

Risque réglementaire à surveiller

Il y a toujours plusieurs types de risque autour de l’environnement d’une entreprise, mais pour les prochaines années, le risque réglementaire sera sans doute un des éléments à surveiller attentivement pour plusieurs industries. Certaines entreprises devront être prêtes à se métamorphoser pour répondre aux exigences gouvernementales, à la demande des actionnaires et à celle des clients qui seront de plus en plus intransigeants. Ceux qui pourront s’adapter rapidement sauront saisir les occasions, les autres auront peine à survivre.

Transformer ses opérations, modifier ses produits et altérer sa chaîne de valeur comprend des coûts énormes en capital, qui devront être absorbés par les actionnaires. Dans un contexte où les taux d’intérêt ont rapidement gonflé, difficile de trouver que le moment est idéal malgré l’ultimatum. Si nous n’étions pas capables d’agir alors que le capital était facilement accessible, imaginez dans le contexte actuel!

 

Fonds de pertes et dommages climatiques

De bonnes choses auront tout de même émergées de la COP28. Un fonds de pertes et dommages pour des dégâts irréversibles pour les pays les plus vulnérables a été mis en place et a reçu 700M$ US de différents pays. Un nouveau médicament, ou plutôt un baume, mais la prévention restera toujours le meilleur remède.

Alors que le mercure planétaire grimpe, que des transformations de notre économie sont inévitables, est-ce utopique de croire que la convention aura réussi à convaincre les nations à sortir des énergies fossiles? Le temps file, mais les émissions de carbone sont toujours en hausse globalement. Finies les ententes historiques, passons maintenant aux actions tangibles!

 

 

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À propos de ce blogue

Mathieu Blais est cofondateur et gestionnaire de portefeuille chez BeeQuest, une firme de gestion d’actifs spécialisée dans la conception de stratégies d’investissement responsable sur mesure autour des valeurs de chaque client. Avant de fonder BeeQuest, il a travaillé pendant plusieurs années chez un gestionnaire d’actifs d’envergure international où il a cumulé plusieurs fonctions, notamment celle de chef de la mise en place et de l’exécution des investissements. Au fil des années, sa vaste expérience lui a permis d’acquérir une forte compréhension des marchés des capitaux ainsi que de la construction de portefeuille. Mathieu Blais est également conférencier-enseignant aux étudiants de deuxième cycle de HEC Montréal sur la gestion de portefeuille responsable. Il détient un baccalauréat en génie de l’École Polytechnique de Montréal, un D.E.S.S. en gestion et une maîtrise en finance de HEC Montréal. Il est également détenteur des désignations Chartered Financial Analyst (CFA) et Chartered Alternative Investment Analyst (CAIA).

Mathieu Blais

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