Des banques plus petites aux États-Unis: meilleur pour la société?

Publié le 05/06/2016 à 16:39

Des banques plus petites aux États-Unis: meilleur pour la société?

Publié le 05/06/2016 à 16:39

(Photo: Bloomberg)

Depuis la crise financière, nous entendons constamment le même refrain à l’effet qu’il faut réduire la taille des grandes banques aux États-Unis. Il existe toujours une perception négative fortement ancrée chez les citoyens par rapport à tout ce qui touche la finance, et particulièrement «Wall Street». Ainsi, même si JP Morgan (N.Y., JPM) n’était nullement menacée par la crise «subprime», elle fut l’objet de critiques constantes de la part des régulateurs et de la société en général. Son principal défaut? Être gros, en plus d’être une banque.

Dick Bove de Rafferty Capital, raconte dans son livre «Guardians of Prosperity» que les États-Unis ont fortement bénéficié de la prospérité des grandes institutions financières américaines au cours de son histoire. Personnellement, nous pensons qu’elles contribuent certes à l’essor d’un pays. Il suffit de lorgner du côté des actionnaires de celles-ci. Si une majorité de citoyens d’un pays possèdent les actions d’une banque qui brassent de grosses affaires à l’échelle internationale, on peut facilement imaginer qu’ils gagnent beaucoup à participer à leurs profits.

Est-ce que la taille des grandes banques d’un pays importe autant qu’il le prétend? Difficile de se prononcer sur la question. Au début des années 90, les banques les plus imposantes en termes d’actifs dans le monde se trouvaient surtout au Japon. Une crise, suivie d’une longue période de croissance anémique dans ce pays eut raison de leur domination dans ce palmarès des plus grandes institutions financières. Aujourd’hui, la Chine domine le tableau, alors que son économie commence à démontrer des signes de fatigue. Par conséquent, l’imposante présence de ces financières ne reflète peut-être que l’atteinte d’un sommet dans leur cycle économique.

Un problème plus important

Nous observons toutefois un phénomène bien plus grave qui ne touche pas seulement les «gros monstres» que sont ces banquiers. La nouvelle réglementation a frappé tout le secteur, des plus petites institutions jusqu’au plus importantes. Le nombre total de banques américaines a dégringolé lors des dernières décennies. Dans les années 80, la FDIC répertoriait plus de 15 000 banques. Aujourd’hui, il en reste entre 5000 et 6000. Plusieurs facteurs pourraient expliquer cette chute, comme la venue de l’internet, qui rend caduque l’existence de certaines succursales qui ont pignon sur rue. Toutefois, la loi Dodd-Frank est venue hausser la barrière à l’entrée pour les nouvelles entreprises, et ce, de façon considérable.

Brent Peter, chef de la direction de la banque Bird-in-Hand en Pennsylvanie, s’attendait à un processus pénible pour créer à nouveau une banque. Ses attentes furent surpassées. Malgré son expérience acquise en participant à la fondation d’une autre institution financière au début des années 1990, il a dû travailler fort et être très convaincant pour obtenir l’acceptation des autorités en 2013. Selon l’avocat qui prépara l’application pour démarrer la banque, de 8 à 16 pouces d’épaisseur de papier furent nécessaires. Ces procédures coûtèrent 800 000$US, lorsque l’on inclut toutes les dépenses à défrayer en attendant l’acceptation. Pas étonnant que l’on assiste à très peu de nouveaux candidats ces dernières années. Selon la FDCI, le nombre décevant de nouvelles applications depuis 2010 aurait été causé simplement par la crise. Pourtant, David Baris de la firme BuckleySandler, qui participa à la création de plus de 30 banques durant sa carrière, avise maintenant ses clients de s’abstenir de se lancer dans un tel projet. Selon lui, les exigences de capitaux de la FDIC rendent les perspectives de rendement peu intéressantes.

Fin des financières de taille modeste?

Le dirigeant de la petite banque Empire National Bank (OTC, EMPK), Douglas Manditch, offrit une entrevue intéressante à ce sujet (cliquer ici pour y accéder). M. Manditch pense que la réglementation va enrayer les petites banques. Au moment de l'entrevue, la réglementation grugeait 16% des revenus de son entreprise! Par conséquent, il estime que les petites institutions doivent fusionner ensembles pour survivre, et ainsi atteindre une taille d’au moins un milliard de dollars d’actifs.

Quelle ironie! D’un côté, on souhaite réduire la taille des grandes institutions. On instaure donc un tas de règles pour les inciter à penser davantage en termes de «small is beautiful» (vaut mieux être plus petit et efficace). D’un autre côté, cela semblerait être plutôt «too small, you’re doomed» (vous êtes cuits si vous êtes trop petits).

Donc, en sommes, nous comprendrions les autorités de s’attaquer aux grandes institutions en élaborant des exigences uniquement à leur endroit, si le désir réel constitue la réduction de tout risque systémique. Leur acharnement vis-à-vis les plus petits nous laisse perplexe. La reprise économique américaine serait bien plus robuste si les incitatifs aidaient les petites banques, et par ricochet, les petites entreprises qui dépendent d’elles pour leur financement.

Heureusement, nous avons vu des changements se produire depuis 2015, en faveur d'une réglementation plus clémente à leur endroit. Espérons que ces changements se poursuivront!

Au sujet des auteurs du blogue: Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

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