L'insoutenable coût des inondations supporté par les contribuables

Publié le 05/05/2023 à 17:30

L'insoutenable coût des inondations supporté par les contribuables

Publié le 05/05/2023 à 17:30

«Les inondations de 2017 et 2019 au Québec ont affecté respectivement 293 et 240 municipalités.» (Photo: 123RF)

Bernard Deschamps, candidat au doctorat en sciences de l’environnement à l’UQÀM

COURRIER DES LECTEURS. Les Québécois.es sont grandement exposé.e.s aux conséquences économiques des inondations. Et la fréquence et l’ampleur de celles-ci ne donnent aucun répit aux contribuables. Cette croissance fulgurante du coût des dommages est largement attribuable à l’augmentation de la population dans les zones inondables. Ces inondations s’ajoutent aux phénomènes météorologiques extrêmes, tels que les tornades et les pluies diluviennes. Un nouveau mode de partage plus équitable du coût de ces dommages pour les contribuables, impliquant les municipalités, est donc devenu nécessaire.

Environ 80% des municipalités canadiennes sont établies dans des zones inondables. Cette statistique peut s’expliquer par le développement historique des communautés le long des cours d’eau. En raison de la croissance démographique, nous estimons qu’aujourd’hui 20% des résidences sont situées dans une zone inondable répertoriée. Le phénomène ne fait que s’amplifier.

Une cartographie vétuste et déficiente

Cependant, ce chiffre de 20% demeure largement sous-estimé puisqu’il repose sur une cartographie des zones inondables désuète. Par exemple, en 2019, plus de la moitié des lots inondés au Québec étaient situés à l’extérieur des zones inondables répertoriées. Les cartes actuelles ne tiennent pas compte non plus des obstructions possibles par la glace, de la rupture de digues ou de barrages ou encore des phénomènes météorologiques extrêmes.      

Le fait de concevoir de nouvelles cartes de zones inondables conduit inévitablement à un élargissement des zones à risque. Cela peut ainsi limiter le potentiel de développement d’un territoire et réduire considérablement la valeur des terrains. Dans ce contexte, certain·e·s élu·e·s font preuve d’aveuglement volontaire. L’opposition du monde municipal à l’ajout de nouvelles zones inondables par le gouvernement du Québec démontre à quel point la cartographie du risque d’inondations est un enjeu politique.

L’aménagement du territoire: source de conflits d’intérêt

Toutefois, les déficiences en matière de cartographie n’expliquent pas à elles seules l’augmentation de la population dans les zones inondables. Les municipalités jouissent d’une grande discrétion en matière d’aménagement du territoire. Les élus municipaux jouent donc le rôle d’arbitres entre la réduction du risque d’inondations et les avantages économiques et de bien-être individuel d’une minorité de la population. Ainsi, un conflit d’intérêt survient lorsqu’une municipalité priorise le développement immobilier sur son territoire au détriment du risque d’inondations. Toutefois, cette responsabilité d’occupation des zones inondables est partagée avec les individus. En effet, ce même conflit d’intérêt existe lorsqu’un citoyen ou une citoyenne occupe une zone inondable sachant que les programmes d’aide gouvernementaux viendront l’indemniser en cas d’inondations.

 

L’ampleur du phénomène

 Les inondations de 2017 et 2019 au Québec ont affecté respectivement 293 et 240 municipalités. Le gouvernement du Québec a déboursé près de 1 milliard de dollars et les assureurs privés ont versé 500 millions de dollars en indemnités. L’ampleur des dommages a ravivé le débat quant à qui incombe la responsabilité d’abord de payer pour ces catastrophes successives et ensuite de la mise en œuvre des mesures de réduction des risques. La situation est telle que la pérennité des divers programmes gouvernementaux d’aide post-catastrophe est remise en question. Dans le régime actuel, le gouvernement fédéral assume plus de 70% de la facture lors de catastrophes majeures par le biais des Accords d’aide financière en cas de catastrophe (AAFCC). La proportion restante est payée par la province et dans une moindre mesure par les assureurs privés. Ainsi, l’ensemble des contribuables participe au financement des indemnités à répétition qui sont versées à une minorité grandissante de sinistrés.

Les solutions proposées

En réaction, le ministère de la Sécurité publique du Canada vient d’annoncer la création d’un programme national d’assurance pour les résidences situées dans les zones à haut risque. L’objectif de ce programme est de réduire le coût des AAFCC et de faire contribuer directement les résident·e·s des zones inondables. Pour sa part, le gouvernement du Québec a récemment réduit les indemnités prévues à son Programme général d’indemnisation et d’aide financière lors de sinistres réels ou imminents. Cette nouvelle version impose une limite à vie aux sinistrés et vise à les décourager de reconstruire dans des zones inondables. Quant aux assureurs privés, ils n’offrent que des protections partielles pour les résidences dans les zones à faible risque et demeurent absents des zones à haut risque.

De nouvelles perspectives

En conséquence, les occupant.es des zones inondables assumeront une plus grande partie du risque financier. Même si ces initiatives sont un pas dans la bonne direction, freiner la croissance de la population dans ces zones ne peut reposer que sur une contribution financière additionnelle des occupant·e·s. Les municipalités ont peu d’incitatifs à réduire le risque d’inondations puisqu’elles ne participent pas aux indemnités versées aux victimes. Ainsi, faire participer les municipalités dans le financement du coût des dommages pourrait constituer un incitatif à freiner la croissance de la population dans les zones inondables. Ce qui aurait pour effet de réduire l’exposition financière des contribuables et ainsi rendre plus équitable le partage du risque financier lié aux inondations.

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