François Pouliot: le marché de l'argent est-il manipulé?

Publié le 11/11/2010 à 09:20, mis à jour le 11/11/2010 à 08:54

François Pouliot: le marché de l'argent est-il manipulé?

Publié le 11/11/2010 à 09:20, mis à jour le 11/11/2010 à 08:54

Les allégations veulent que JP Morgan (Bear Stearns) et HSBC se soient construit d'importantes positions à découvert en utilisant des dérivés afin de tenter de faire baisser les prix. (*)

Il est notamment allégué qu'à l'été 2008, à elles deux, JP Morgan et HSBC "détenaient 85% des positions commerciales nettes à découvert de la COMEX et 25% de toutes les positions à découvert".

Officiellement, les deux banques n'ont pas réagi. Mais certains citent un dirigeant de HSBC qui aurait déclaré que l'institution se livrait à des opérations de "hedging" dans le cours de ses activités. En d'autres mots, qu'elle ne faisait que protéger d'autres positions contre un risque de chute du marché.

Qu'en penser?

On ne sait trop. Mais si les deux banques tentaient vraiment de manipuler le marché à la baisse, on ne peut pas dire qu'elles y aient très bien réussi.

Le seul épisode fortement baissier des cinq dernières années dure moins de six mois, entre le printemps et l'automne 2008, alors que l'argent passe de 20$ à 10$ US l'once. Le reste du temps, les cours sont à tendance haussière.

Qu'il s'agisse d'une manipulation baissière ou d'une simple stratégie d'acteurs importants, beaucoup s'entendent cependant pour dire que le nombre de positions à découvert était élevé sur le marché de l'argent ces derniers mois. Et il se pourrait bien que l'on soit maintenant (en fait depuis quelque temps) en train de récolter les résultats et le contrecoup d'une nouvelle manipulation, haussière celle-là.

Celle d'un dénommé… Ben Bernanke.

En imprimant plus d'argent, la FED se trouve à faire grimper la valeur d'actifs, comme le métal argent.

Télégraphiée depuis quelque temps, l'opération n'était sûrement pas de nature à laisser un investisseur à découvert sur ses positions (plus le prix du métal argent monte, plus il perd). Il ne serait donc pas étonnant que l'on assiste actuellement à des opérations de couverture (rachats) qui dopent la demande pour le métal. Des opérations vraisemblablement fortifiées par d'autres ordres d'achat de spéculateurs qui croient qu'un complot pour maintenir les prix bas est en train de s'effondrer.

Mieux vaudrait être prudent. Une fois les rachats effectués, la demande risque en effet d'être beaucoup moins forte.

D'autant que si certains actifs comme le métal argent grimpent trop et menacent de créer une nouvelle bulle, monsieur Bernanke n'aura d'autre choix de mettre fin à sa nouvelle manipulation.

-----

* Un investisseur fait appel à la vente à découvert lorsqu'il croit qu'un produit va baisser. Il peut par exemple emprunter du métal argent qu'il ne possède pas, le vendre immédiatement au marché (disons à 20$ US), et le retourner plus tard au prêteur après l'avoir racheté au marché. S'il rachète à un prix plus bas que celui auquel il avait vendu (15$), il retourne le métal et garde la différence de prix dans ses poches (5$); s'il rachète à un prix plus élevé (25$), il encaisse une perte (5$).

Des opérations concertées de ventes à découvert sont évidemment susceptibles de faire tomber les prix en permettant à l'offre de déborder la demande.

 

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

Blogues similaires

Encore trop tôt pour sauter dans l’arène

Édition du 14 Juin 2023 | Dominique Beauchamp

ANALYSE. Les banques canadiennes pourraient rester sur le banc des pénalités quelque temps encore.

Shopify: prochaine victime de la malédiction boursière canadienne?

BLOGUE INVITE. Shopify est-elle différente des Nortel, Research in Motion, Valeant, Barrick Gold et autres?