L'amour passe-t-il par le compte conjoint?

Publié le 18/08/2015 à 11:50

L'amour passe-t-il par le compte conjoint?

Publié le 18/08/2015 à 11:50

La semaine dernière, l’amie de mon collègue a fait une visite au bureau en compagnie de sa fille. Elles étaient venues voir mononcle François (Pouliot). L’exubérance de la maman et de sa progéniture a créé un centre d’attraction dans la salle de rédaction engourdie par les vacances estivales.

L’enfant est à l’âge des princesses. Volubile, elle racontait qu’elle s’était mariée avec un prince. Quand François a manifesté sa déception de ne pas avoir été invité à l’événement, la jeune fille a répliqué du tac au tac qu’il le serait à son prochain mariage, la semaine suivante! Tiens, une petite émule d’Elizabeth Taylor, me suis-je dit.

C’est mignon, mais ça va lui passer. Qui croit encore au prince charmant? Qui fantasme encore à l’idée de se marier? OK, Julie et Pierre-Karl. Et les abonnées de Mariage Québec. Les Québécois préfèrent l’union libre, c’est connu.

Mais alors, comment officialiser notre amour si nous ne croyons plus au mariage? Je vous le donne en mille: le compte conjoint.

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Selon un sondage TD Canada Trust mené en 2013, 55% des Québécois engagés dans une relation stable partagent un compte bancaire avec leur conjoint et 40% ont une carte de crédit en commun. Je fais partie de la minorité. Je n’ai jamais eu de carte ni de compte conjoint, et ce malgré que j’aie déjà partagé une hypothèque.

Sur la question, les opinions divergent. Je suis un partisan de l’indépendance totale, mais ça n’a pas vraiment à voir avec les bonnes pratiques en finances personnelles, ni l’amour du reste. Bien que je n’aie rien à cacher, je préfère garder le contrôle sur mes affaires. Je suis un peu comme ça dans la cuisine, et même au boulot.

À l’autre extrémité du spectre, il y a les couples «fusionnels». Ceux-là mettent tout en commun, comme si, du point de vue financier, ils ne formaient qu’une seule personne. Les deux salaires sont versés dans le même compte, la carte et la marge de crédit sont aux deux noms. Il n’y a plus de plaisirs coupables, mais que des dépenses communes, que ce soit la brosse à dents, l’inscription au yoga, ou la soirée de gars à la Cage aux sports.

Je ne comprends pas ce qui peut motiver un couple à fusionner à ce point et à renoncer à toute indépendance et à son jardin secret. Je balance entre la confiance aveugle et le manque total de confiance. En tout cas, tout semble mis en place pour alimenter frictions, suspicion et conversations oiseuses. En général, ce qui nous fait plaisir coûte toujours plus cher dans les yeux de l’autre. La vérification des relevés de compte deviendra forcément un exercice pénible et irritant. «C’est quoi cette dépense? Était-ce nécessaire?» Les sujets de discorde ne manquent pourtant pas dans les ménages, pourquoi en rajouter?

Et quand finalement ces palabres sur les dépenses respectives auront raison du couple, ce sera plus compliqué de démêler les affaires de chacun le jour de la séparation. Bref, je n’y vois que des défauts.

Entre les deux extrêmes, il y a ceux que j’appelle les «esprits pratiques». Certains diront qu’ils veulent écononiser des frais bancaires, mais ce n’est pas très convaincant. Il n’y a qu’une seule bonne raison d’ouvrir un compte conjoint: éviter de comptabiliser tous les mois les dépenses communes. Et encore, il faut suffisamment de ces dépenses pour justifier l’ouverture d’un compte à deux, un niveau qu’on n’atteint pas avant l’achat d’une maison et la naissance d’un enfant.

Elles comprennent l’hypothèque, les paiements de voiture, les assurances, les services publics, les taxes municipales, les réserves en cas de bris sur la maison, les dépenses des enfants et, à la limite, les vacances. C’est tout!

Les vêtements, les restos, les abonnements, les loisirs, les cadeaux devraient être payés à partir de son compte personnel. Si cette frontière n’est pas clairement tracée et respectée, le couple s’expose inutilement aux embrouilles. Et d’ailleurs, pourquoi fonctionner autrement?

Mais ce qui est le plus étonnant, c’est que bien des couples soient si prompts à mettre leurs affaires en commun, mais qui, en même temps, parlent si peu de leurs objectifs financiers et de leurs valeurs à l’égard de l’argent. Faut-il vraiment scruter les affaires de l’autre pour en avoir une idée?

***

Quelques faits sur le compte conjoint:

Les titulaires du compte conjoint sont responsables à parts égales du compte;

Un des titulaires peut vider le compte, et l’autre a peu ou pas de recours;

En cas de décès de l’un des titulaires, les fonds reviennent généralement à l’autre, mais les fonds sont gelés temporairement;

Il est impossible de cacher des transactions à l’autre titulaire;

Pour que ce soit équitable, le compte conjoint devrait être alimenté au prorata du revenu des conjoints;

Au moment de la séparation, la première chose à faire est de fermer ce compte.

À la suite de la lecture de ce billet, le planificateur financier Éric Brassard, auteur de plusieurs livres sur les finances personnelles, a voulu apporter un éclairage supplémentaire. Je me permets de reprendre intégralement son commentaire:

«Pour ceux qui ont un compte « fusionnel», comme vous le dites, et qu'un des conjoints n'a pas de revenu, il ne faut pas oublier qu'en cas de décès, le compte est fermé, y compris la marge de crédit liée à ce compte. Le conjoint sans revenu aura des petits problèmes durant quelques semaines s'il n'a même pas accès à une marge de crédit personnelle lui-même. C'est toujours un point que l'on souligne à nos clients en planification successorale. La façon d'y faire face est de joindre une marge de crédit au compte personnel du conjoint et de la faire endosser par le conjoint qui a des revenus. En cas de décès, les institutions ne feront pas le lien avec le conjoint endosseur décédé et ça pourra tenir quelques semaines, le temps que la succession règle les aspects de base, dont l'assurance vie.»

 

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.