Salaires: oui à la transparence, mais à une condition

Offert par Les Affaires


Édition du 03 Juin 2017

Salaires: oui à la transparence, mais à une condition

Offert par Les Affaires


Édition du 03 Juin 2017

(Photo: 123rf.com)

Le 25 mai, le Sénat irlandais a approuvé un projet de loi travailliste qui, s’il est adopté par la Chambre, imposera à toutes les moyennes et grandes entreprises, publiques comme privées, de publier les salaires de l’ensemble de leurs employés.

Dans le même esprit, en Allemagne, les salariés d’entreprises de 200 employés ou plus pourront, dès janvier 2018, consulter la rémunération de leurs pairs: salaires, bonus, véhicule de fonction, etc.

Ces lois visent à combler l’écart de salaires qui subsiste entre les hommes et les femmes. Pour mémoire, au Canada, l’écart demeure de 19%, selon PwC. En Irlande, sans le Gender Pay Gap Information Bill 2017, il faudrait encore 170 ans (!) pour réduire l’écart, selon un promoteur de la loi cité par le Irish Examiner.

Des projets de lois similaires ont été défaits récemment en Louisiane et en Nouvelle-Zélande, par exemple. On redoutait notamment que ces initiatives ne provoquent un nouveau cauchemar bureaucratique.

Il n’empêche, le mouvement est en marche. Il est poussé par la réglementation(d’après Bloomberg, il y avait en avril dernier par moins de 60 projets de lois du genre dans une vingtine d’États américains), mais aussi par la technologie. L’automne dernier, LinkedIn lançait LinkedIn Salary, qui permet de comparer son salaire à la moyenne du marché, au salaire le plus élevé et au salaire le plus bas.

Plus l’utilisateur consent à partager d’informations sur sa propre rémunération, plus les données d’agrégation qu’il obtient sont précises. D’autres outils de comparaison de salaire, comme Glassdoor et Payscale, permettent aussi de comparer sa rémunération au marché. Les développeurs se heurtent encore à la qualité des jeux de données qu’ils utilisent, mais ils progressent.

Les avantages d’une transparence accrue en matière de salaires ont été démontrés ces dernières années. En particulier, les chercheurs Peter Bamberger, de l’Université de Tel-Aviv, et Elena Belogolovsky, de l’Université Cornell, ont prouvé qu’entretenir le secret à propos des salaires mine la performance des employés, et surtout celle des employés les plus performants!

Mais la transparence est-elle toujours pour le mieux?

Réponse courte : non.

Ainsi, ces mêmes chercheurs ont publié une nouvelle étude en avril dans le Journal of Applied Psychology qui montre que dans certaines conditions, savoir qu’un collègue gagne plus que nous peut nous dissuader de lui donner un coup de main. Chacun pour soi!

Même si nous sommes tous pour la vertu, celle de détecter et corriger les écarts fondés sur le genre, l’origine ethnique, l’orientation sexuelle ou une quelconque autre discrimination inacceptable, la recherche montre que l’humain est ainsi fait qu’il veut récolter le fruit de ses efforts à lui tout seul.

Des chercheurs de l’Oklahoma State University ont peut être trouvé la clé en scrutant 10 ans d’histoire salariale dans la Ligue de baseball majeur. En analysant la rémunération des joueurs et leurs performances sur le terrain entre 1990 et 2000, ils ont découvert que si l’employeur est capable de montrer le lien entre salaire et performance, les moins payés passeront plus facilement par dessus leur jalousie et travailleront efficacement en équipe. Et les auteurs de conclure: la transparence salariale doit aller de paire avec celle de la performance.

Julie Cailliau
Rédactrice en chef, Groupe Les Affaires
julie.cailliau@tc.tc

À propos de ce blogue

Julie Cailliau est éditrice adjointe et rédactrice en chef du Groupe Les Affaires, dont l’équipe de journalistes chevronnés publie le journal Les Affaires, le site lesaffaires.com et le magazine Les Affaires Plus. Elle est également présidente du conseil d’administration de la Fondation des prix pour les médias canadiens. Diplômée de l’École supérieure de journalisme de Lille, en France, Julie a pratiqué le métier de journaliste au sein de plusieurs publications françaises et québécoises. Dans une vie précédente, elle a œuvré à titre d’ingénieure en biotechnologies. Son « why », c’est d’apprendre et d’informer afin de nous permettre de faire les bons choix. La prise de conscience de l’urgence environnementale et l’émergence de l’entrepreneuriat social comptent pour elle parmi les tendances les plus réjouissantes actuellement.