Immobilier et Airbnb: et puis soudain, une forte odeur de boules à mites!

Publié le 15/09/2017 à 08:33

Immobilier et Airbnb: et puis soudain, une forte odeur de boules à mites!

Publié le 15/09/2017 à 08:33

Acheter un triplex pour faire de l’argent grâce à la location traditionnelle? C’est toujours possible, mais quand le prix des immeubles fluctue en fonction du libre marché alors que celui des loyers est strictement contrôlé, l’investisseur part avec deux prises contre lui.

Le prix des plex à Montréal a presque triplé au cours des 15 dernières années, mais c’est loin d’être le cas de celui des loyers, qui a augmenté en moyenne au rythme de l’inflation. Le prix d’un appartement de 4 pièces et demi montréalais est passé de 552 $ en 2002 à 790 $ en 2016, selon des données de la SCHL. Évidemment, il y a des quartiers centraux où la situation est tout autre, mais ce sont dans ces quartiers où les immeubles sont justement les plus chers.

Ce n’est pas pour rien qu’en investissement immobilier, la règle d’or consiste à trouver un vendeur prêt à laisser aller son actif à bon prix. Autrement, il n’y a pas de gros profits à espérer. Et des vendeurs motivés, ce n’est ce qui court dans les rues.

A-t-on parlé des coûts d’entretien? Un propriétaire ne peut augmenter le prix d’un logement que de 2$ par tranche de 1000$ investis en rénovations ou en entretien. Celui qui injecterait 50 000 $ pour refaire le toit, les balcons et les escaliers, par exemple, il lui faudra tout recommencer deux fois avant qu’il ait amorti son premier apport en capital. Il ne faut pas s’étonner que certains immeubles tombent en ruine.

Acheter un immeuble à revenu, ce n’est plus tant un investissement qu’une vocation. Il faut aimer son prochain. Moi, j’aime mon prochain, mais pas tant que ça. Et surtout, pas n’importe lequel. Alors, ne me demandez pas si ça me tente d’acheter un plex. «Cette activité suscite moins d’intérêt. Il y a de plus en plus de gens qui achètent dans le but de faire un gain en capital. Ils convertissent les appartements en condos ou ils font des flips», dit Hans Brouillette, de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec.

D’autres se tournent vers Airbnb, comme je vous l’expliquais mardi. À l’instar de Frank, ce Français de 34 ans qui a développé un petit modèle d’affaires qui n’est pas mal tout. Il a acheté cinq condos sur le Plateau Mont-Royal qu’il loue à des étudiants étrangers, pour des périodes allant de trois mois à un an. Ses condos comptent deux ou quatre chambres, offertes à un prix un peu plus élevé que celui de la location à long terme, mais moins cher qu’en courte durée pour des touristes: 500 $ la chambre par mois.

«Il y a quatre universités dans un périmètre restreint. Avec le bassin d’étudiants sur le Plateau et dans Ville-Marie, je ne manque pas de clients», dit-il. Et puis, il ne croit pas trop au modèle de location à court terme à Montréal, la saison creuse étant abyssale. «On n’est pas à San Francisco ou à Barcelone. Et le ménage à tous les trois jours, très peu pour moi!»

Puisqu’il s’agit de location de plus de 31 jours, il n’est pas touché par les règles de Tourisme Québec: pas d’attestation à obtenir, pas de taxes d’hébergement à récolter, ni de TPS et de TVQ. Il fait même signer des baux de la Régie du logement à ceux qui le veulent.

À une autre époque, il aurait plutôt utilisé des sites de petites annonces comme Kijiji ou Easyroomate. Mais en se faisant connaître sur Airbnb, il accède à une plateforme qui offre moult avantages, dont le mode de paiement par carte de crédit. «Je dis aux gens qu’ils peuvent ainsi accumuler des points s’ils ont une carte de récompenses ou de remises en argent», dit-il.

Marc-Antoine, lui, n’est pas rebuté à l’idée de devoir livrer un appartement «nickel» à de nouveaux touristes tous les trois jours. Ça lui permet de rencontrer des gens en vacances, et ça le rend de bonne humeur.

À 23 ans, il a déjà 15 portes. Il loue deux appartements en mode Airbnb dans un immeuble qui en compte quatre, en basse-ville de Québec. Contrairement à la très vaste majorité des locateurs Airbnb, lui et ses partenaires se plient scrupuleusement à la réglementation. Ils sont conformes aux règles de zonage de la municipalité, ils ont reçu leur attestation de Tourisme Québec et ils paient les taxes d’hébergement. Comme la ville considère leurs activités commerciales, les taxes foncières sont trois fois plus élevées qu’au moment où l’immeuble était classé résidentiel.

Mais c’est un moindre mal, les deux appartements en location à court terme génèrent trois fois plus de revenus que les deux autres. Il les loue 110 ou 120 $ la nuit et ils sont presque toujours occupés. Alors, devinez quoi? Ça ne sera pas long avant que l’immeuble soit entièrement en location Airbnb. «C’était notre objectif au moment d’acheter le plex, dit-il. C’est pourquoi on a cherché dans un secteur où la location à court terme était permise.»

Pas Jean-François, qui loge aussi des touristes à Québec, mais dans des quartiers où ce n’est pas permis. Il ne donne pas la mesure de ses actifs immobiliers en nombre de portes, mais en comptant ses locataires: 43. C’est qu’il exploite des maisons de chambres, dont une est occupée par 10 vieux garçons, précise-t-il. L’autre compte 16 chambres, louées en longue durée.

À cela s’ajoutent des plex, aussi exploités de manière traditionnelle. Et des maisons qu’il loue par Airbnb, entre 230 et 280 $ la nuit.

Il projette maintenant de convertir un étage de sa plus grande maison de chambres en location Airbnb. Ce qu’il apprécie le plus, comme bien d’autres, c’est la plateforme. «C’est simple, quand je dois faire affaire avec la Régie du logement, j’ai l’impression de retourner à l’âge de pierre», dit-il.

Jean-François ne parle pas particulièrement de la fixation des prix, mais des délais pour régler les conflits. Lorsqu’un différend oppose un locataire et un propriétaire, il faut des mois et des mois avant d’obtenir un jugement. Et après, bonne chance pour le faire exécuter.

Les enjeux ne sont certes pas les mêmes qu’avec le dossier Uber. On loge des gens ici, on ne les transporte pas en taxi. Toutefois, il y a cette similitude frappante: d’un coup, une entreprise californienne révèle tout l’archaïsme de nos façons de faire: des baux; des chèques; de l’avocasserie, de la lourdeur bureaucratique. On perçoit soudainement cette odeur de boules à mites.

Encadrer l’hébergement par l’intermédiaire d’Airbnb? Je suis d’accord! Mais d’un autre côté, il faudrait songer aussi à moderniser l’autre volet de la location, celui à long terme, pour rendre cette activité un peu plus intéressante pour les propriétaires.

Mais bon, mon avis est que le dossier du taxi était de la petite bière en comparaison de celui-là.

Lire aussi: Airbnb à la rescousse des investisseurs immobiliers

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.