Bourse: faut-il courir aux abris?

Publié le 09/02/2018 à 08:00

Bourse: faut-il courir aux abris?

Publié le 09/02/2018 à 08:00

Comme bien des gens, vous attendez peut-être à la fin février pour contribuer à votre REER, ou encore peut-être avez vous reçu un boni de votre patron, et vous vous demandez aujourd’hui s’il serait avisé d’investir en Bourse.

La secousse de lundi, puis celle d’hier vous rendent nerveux, ce qui est normal, et les chroniqueurs boursiers ont rarement affiché une aussi franche unanimité. Qu’est-ce qu’on était mûr pour une correction, je vous le chantais plus tôt cette semaine. En d’autres mots, il y aurait plus à perdre qu’à gagner à court terme.

L’année dernière, après plus de huit ans de marché haussier, on nous avait servi le même avertissement pour constater des mois plus tard la brillante performance qu’avaient finalement connue les actions américaines. Les rendements offerts par la bourse canadienne n’ont pas été aussi fameux, mais positifs tout de même.

Avec l’importante baisse d’impôt accordée aux sociétés américaines par l’administration Trump, tout cela a ragaillardi l’optimisme de bien des experts au tournant de l’année. Certains d’entre eux affirmaient il y a deux semaines à peine que le marché américain avait encore de quoi carburer un an. Les mêmes, sans doute, qui nous disaient l’année dernière que la Bourse était trop chère.

Vous l’aurez compris, même pour ceux dont c’est le métier d’y voir clair, la Bourse représente un épais brouillard. Cependant, on peut affirmer raisonnablement ceci au sujet des marchés boursiers: ils sont cycliques, mais sur de longues périodes, ils montent. Les corrections boursières et les krachs ne sont que des brèches plus ou moins profondes sur une inexorable pente ascendante.

Sachant cela, que faire de son argent ? Rester sur la ligne de côté? Investir progressivement? Tout investir ?

À observer le climat en ce moment, vous choisirez sans doute l’une des deux premières options, et plus probablement la deuxième, à savoir injecter une petite somme chaque mois dans votre portefeuille au cours de la prochaine année. Beaucoup de conseillers le recommandent, de même que d’estimés confrères.

Si la Bourse encaisse un recul de 20% en cours de route, vous n’aurez pas le regret d’avoir tout misé en début d’année. Si au contraire elle monte de 10%, vous vous consolerez en vous disant que vous n’êtes pas resté à l’écart du marché. Quant à celui ou celle qui vous aura conseillé en toute bonne foi de procéder ainsi, il aura limité son risque d'avoir l'air con.

Si vous aviez la certitude que la Bourse allait descendre durant les 12 prochains mois, vous ne mettriez pas d’argent dans les actions. Au contraire, vous y mettriez tout si vous saviez d’avance qu’elle allait monter en cours d’année.

Mais l’avez-vous déjà su? C’est la raison pour laquelle d’ailleurs on répartit son argent dans différentes classes d’actifs.

La plupart des recherches sur la question démontrent que tout investir d’un coup procure des rendements supérieurs à l’approche progressive (dollar-cost averaging). Le réputé professeur de finances Milosh Milevky a étudié la question et expose ses résultats ici. Deux fois sur trois, l’investissement unique l’emporte sur l’investissement réparti sur 12 mois, selon une étude de Vanguard publiée plus récemment. Si l’investissement est étalé sur 36 mois, l’approche par étapes perd 92 % du temps. Ce n’est pas sorcier, la prise de risque récompense l’investisseur par des rendements plus élevés. Les actions, je ne vous apprends rien, sont plus performantes que l’argent liquide.

Qui peut prévoir le moment d’un krach, d’un marché baissier ou d’une correction? À supposer que nous avons l’assurance de connaître un tel événement en 2018 (correction, check!), celui qui aurait choisi l’approche graduelle serait perdant si la Bourse chutait à la fin de l’année plutôt qu’au début. Autrement dit, une personne disposant d’une somme appréciable qui décide de répartir son investissement sur douze mois parie sur une chute imminente de la Bourse.

Je discutais de tout ça avec Daniel Laverdière, un expert avec qui je parle souvent vous l’aurez remarqué, surtout de la fluctuation de notre poids et de nos efforts pour combattre l’accumulation de tissus adipeux. Daniel aime bien les chips, moi le vin. Sur la question qui nous intéresse ici, il me faisait remarquer qu’à long terme, une somme investie à un sommet (donc au pire moment) finit toujours par donner des petits, à condition qu’on n’y touche pas. Par exemple, un investissement réalisé juste avant le krach de 2008-2009 aurait procuré jusqu'ici l’équivalent de 4,07 % de rendement par année (avant frais). Un autre investissement fait au mois de mars suivant aurait généré 11 %. Pour arriver à ces résultats, il aurait fallu connaître le moment où la Bourse atteint un sommet. Et quand elle touche un creux.

En réalité, on n’investit pas une somme unique, on le fait plusieurs fois dans la vie et rarement à un sommet ou à un creux.  

L’approche progressive atténue le risque et les rendements. Si elle s’avère nécessaire pour qu’une personne ose investir, cette personne doit s’interroger sur sa tolérance au risque. Il est possible que la répartition d’actifs de son portefeuille ne soit pas conforme à son profil d’investisseur.

Alors, qu’est-ce que je conseille?

Je ne veux pas avoir l'air con. 

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.