Le vrai travail des analystes

Publié le 04/08/2010 à 10:24

Le vrai travail des analystes

Publié le 04/08/2010 à 10:24

Blogue. Le but de mon blog précédent était de décrire la façon dont les analystes arrivent à leurs prévisions financières. Toutefois, il ne faut pas oublier que ce n’est là qu’une partie de leur travail.

La plus importante partie de leur travail est de maintenir une bonne relation avec leurs clients, soit les gestionnaires et analystes des caisses de retraite (comme la Caisse de dépôt et placement du Québec) et des fonds communs. Pour y arriver, ils font une vigie constante sur les sociétés sous leur couverture.

Le but est d’arriver à générer de l’information inédite valable pour leurs clients.

Par exemple, je suis analyste et j’ai sous ma couverture la société ABC active dans la fabrication de bidules électroniques. C’est une société à forte croissance qui a très bien fait en Bourse. Le titre se transige maintenant à plus de 20 fois les profits car les attentes de croissance sont élevées.

Or, en parlant à plusieurs intervenants d’ABC, entre autres un sous-traitant en Asie, je perçois un net ralentissement dans ses commandes. Oups. En faisant quelques hypothèses dans mon chiffrier électronique, je constate qu’ABC ne fera pas son trimestre (dans le jargon financier, cela signifie que ses résultats seront loin des attentes). Loin de là.

Alors, je prends le téléphone et j’appelle mes meilleurs clients pour leur divulguer mes trouvailles. Par la suite, probablement le lendemain, je publierai un rapport sur le titre, abaissant mes prévisions de profits, mon cours-cible et probablement ma recommandation de Acheter à Conserver.

Il faut bien comprendre que lorsque vous lirez ce rapport, tous les investisseurs institutionnels importants auront déjà été mis au courant. Ce ne sera pas une nouvelle.

Quelques semaines plus tard, la société ABC publie des résultats désastreux. Mes clients constatent que je leur ai fait sauver beaucoup d’argent. Certains même surperformeront leur indice de référence grâce à mon coup de fil, empochant un boni de performance pour le trimestre.

Ils m’aiment, ce qui a comme conséquence directe qu’ils ont plus de chance de faire passer leurs transactions importantes par le biais de notre service institutionnel. Ma firme empoche des commissions, ce qui grossit le «pool» de commissions à partir duquel les bonis aux analystes sont versés.

Mes clients n’évalueront donc pas nécessairement mon travail par la précision de mes prévisions financières. Que ABC fasse 0,15 $ pendant le trimestre alors que j’avais prédit 0,16 $, ils n’en ont rien à foutre. Ce qu’ils veulent, c’est faire de l’argent avec le titre ABC. Et si je les aide dans cette tâche, ils me récompenseront.

Autre exemple : si je considère que tel titre est beaucoup trop cher, je n’ai pas besoin de publier un rapport avec la recommandation Vendre. Je n’ai qu’à le chuchoter à certains clients et le tour est joué (et je n’ai pas offensé la direction de cette société!).

Je décris cet aspect en détail car il est souvent méconnu des petits investisseurs qui ne voient que les conflits d’intérêt entre le département de recherche et celui du financement corporatif.

Ces conflits sont réels car les firmes de courtage font beaucoup d’argent lorsqu’elles participent aux financements et aux émissions. Mais ce n’est pas un facteur si important, si présent dans la vie quotidienne de l’analyste. Et cela n’a pas tant d’importance par rapport à ce qui se passe à la Bourse à chaque jour.

Bernard Mooney

P.S. Si vous vous demandez comment le petit investisseur peut faire de l’argent en Bourse dans ce monde dominé par les institutions et les gros investisseurs, vous n’avez pas bien lu….BM

 

 

Blogues similaires

Canada Goose : le coup de froid

Édition du 26 Janvier 2019 | François Pouliot

CHRONIQUE. Le Canada a bon nom Ă  l'Ă©tranger. Utilisons-le pour tenter de donner du levier Ă  nos produits. Bonne ...

Shopify: prochaine victime de la malédiction boursière canadienne?

BLOGUE INVITE. Shopify est-elle différente des Nortel, Research in Motion, Valeant, Barrick Gold et autres?

Encore trop tôt pour sauter dans l’arène

Édition du 14 Juin 2023 | Dominique Beauchamp

ANALYSE. Les banques canadiennes pourraient rester sur le banc des pénalités quelque temps encore.