Le secret de la réussite en Bourse

Offert par Les Affaires


Édition du 20 Juin 2015

Le secret de la réussite en Bourse

Offert par Les Affaires


Édition du 20 Juin 2015

Il y a deux semaines (NDLR: l'article a été écrit en juin 2015), j'ai annoncé aux dirigeants de Les Affaires que cette chronique serait ma dernière. Il ne s'agit pas d'une pause estivale, mais bien d'une fin à ma carrière de journaliste financier. Après 30 ans, il est temps pour moi de passer à autre chose.

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Je songe à la retraite depuis au moins deux ans. Dans l'intervalle, je n'ai cessé de me demander ce que je dirais à mes lecteurs si je devais leur écrire une dernière fois. La première chose serait certes de les remercier très chaleureusement pour leur fidélité et leur appui au fil des ans. Merci, vous m'avez choyé.

La seconde serait de leur décrire ce qu'il faut pour réussir en Bourse, le secret pour y amasser une fortune. C'est ce que je vais tenter de faire dans les prochaines lignes.

Mon secret comporte deux parties complémentaires, quasi évidentes : la qualité et le long terme. Commençons par ce dernier concept.

Le long terme

Pour réussir en Bourse, il faut constater et ne jamais oublier que, lorsqu'on achète des actions, on investit dans des entreprises. Les actions doivent être considérées comme des entreprises et rien d'autre. Comme il faut du temps pour qu'une société réalise son potentiel, il faudra du temps avant de faire vraiment de l'argent. Des années dans ce cas.

Penser à long terme, même si ça semble monotone, est la seule façon de se démarquer en tant que petit investisseur. Et c'est également l'approche la plus rationnelle : vous achetez des entreprises, et celles-ci se développeront au fil des ans, pas en 30 minutes !

Parler d'investir à long terme, dans notre monde actuel, est un peu l'équivalent de prêcher l'abstinence dans un bordel. Bien des gens n'ont aucune idée de ce que signifie l'investissement à long terme. Il faut donc des exemples. En voici un percutant.

L'exemple de Quincaillerie Richelieu


Dans mes conférences, j'ai souvent parlé de Berkshire Hathaway (NY, BRK.B, 140 $ US), la société de Warren Buffett. À juste titre, car sa performance à long terme a été extraordinaire.

Mais il y a de bons exemples plus près de nous, comme celui de Quincaillerie Richelieu (Tor., RCH, 62,74 $). Cette entreprise québécoise est active dans l'importation, la distribution et la fabrication de quincaillerie spécialisée. Entrée en Bourse en 1993, l'entreprise montréalaise a vraiment attiré mon attention en 1996 lorsque la direction a racheté 20 % de ses actions. Je suis allé à l'assemblée annuelle et j'ai rencontré son président, Richard Lord, qui m'a impressionné.

J'ai donc acheté des actions et j'ai oublié que j'étais actionnaire... Pas tout à fait, mais presque.

Lorsque j'ai acheté des actions, Richelieu avait des revenus de 91 millions de dollars et réalisait un bénéfice de 4,6 M$. La société avait une valeur boursière d'environ 50 M$.

Regardez maintenant où en est l'entreprise. Au terme de son plus récent exercice (novembre 2014), elle a enregistré un chiffre d'affaires de près de 646 M$, un bénéfice net de près de 53 M$, et Richelieu jouit maintenant d'une valeur boursière dépassant le milliard de dollars !

Il y a maintenant 19 ans que je suis actionnaire, et ça a été un bon placement ! En ajustant celui-ci pour tenir compte des deux fractionnements d'actions, j'ai payé 1,75 $ par action. En 2014, Richelieu a réalisé un bénéfice par action (2,63 $ pleinement dilué) supérieur à mon prix d'achat.

Le titre se vend environ 63 $, ce qui signifie que j'ai fait 36 fois mon argent.

Richelieu paie actuellement un dividende de 0,15 $ par action chaque trimestre. Par rapport à mon prix d'achat, cela donne un rendement en dividende de 34 %. Voilà un exemple concret de la puissance du long terme.

La qualité

J'ai écrit énormément au sujet de la qualité. J'en ai fait mon concept de base dans mon premier livre sur la Bourse, intitulé Investir à la Bourse et s'enrichir. Ce que j'y ai décrit est toujours aussi vrai. Toutefois, ma vision de la qualité en 2015 est encore beaucoup plus intimement liée au concept d'investissement à long terme.

Avant de vous en parler, résumons les principales caractéristiques d'une société de qualité.

Les critères quantitatifs sont assez simples. Je veux investir dans des entreprises qui accroissent leurs revenus et leurs bénéfices année après année, et qui ont le potentiel de maintenir cette croissance longtemps.

Également, je cherche des sociétés rentables, c'est-à-dire dont chaque dollar de revenu procure le plus de bénéfices possibles et représente le meilleur rendement possible du capital investi. Enfin, je privilégie les entreprises qui ont des bilans immaculés.

Les aspects qualitatifs

Une entreprise est composée d'êtres humains, et c'est pour cela qu'on ne pourra jamais les décrire tout à fait grâce aux chiffres. Ainsi, du côté qualitatif, les deux principaux éléments à étudier sont les avantages concurrentiels de l'entreprise et ses dirigeants.

Il faut se demander jusqu'à quel point la société étudiée est à l'épreuve de la concurrence.

En outre, je cherche des dirigeants compétents, ambitieux et intègres. La dernière qualité est essentielle, mais, je l'admets, elle est difficile à déterminer de façon objective.

En résumé, mon objectif est de cibler des entreprises exceptionnelles à tous les échelons pour bâtir un portefeuille d'une vingtaine de titres dans le but de les conserver le plus longtemps possible. Si je paie un prix raisonnable et que je choisis les «bonnes» sociétés, je devrais réaliser de bons rendements.

Les préjugés concernant le prix

J'ai commencé à investir en cherchant les aubaines, soit les titres déprimés, qui se vendent à des ratios cours/bénéfice peu élevés. Plus tard, j'ai évolué vers ce qu'on pourrait appeler la recherche de titres de croissance à prix raisonnable.

Aujourd'hui, je vous dirais que ma plus grande erreur reste ma réticence à payer le prix pour la qualité, lorsque celle-ci est évidente.

C'est une idée cruciale qui s'intègre puissamment à l'approche du placement à long terme. Pour établir le lien, je dois faire un détour en vous expliquant un aspect négligé.

Il s'agit de cette qualité rare qu'ont certains dirigeants à gérer le capital et à bien l'investir. Un exemple simple me servira à illustrer ce concept. Supposons une société A qui enregistre des bénéfices d'un million de dollars et qui verse tout cet argent à ses actionnaires chaque année. Combien seriez-vous prêts à payer pour une telle entreprise ?

10 M$ ? 50 M$ ? 100 M$ ?

Si vous répondez et que je suis votre professeur, je vous fais échouer, sans hésitation ! Pourquoi ? Parce qu'il vous manque au moins une information pour répondre intelligemment.

En effet, vous pouvez difficilement évaluer cette entreprise sans savoir combien de capital y est investi pour générer ces bénéfices.

Si elle réalise son million avec seulement un million en capital, elle vaut plus que celle qui a besoin de 100 M$.

Maintenant, rappelez-vous que la société en question verse tous ses bénéfices à ses actionnaires. Que pensez-vous de la société qui verse son million de profits réalisés avec seulement un million de capital ? Elle enregistre un rendement de 100 % sur son capital.

Il me semble que si elle est capable d'obtenir un tel rendement, il serait préférable qu'elle conserve tous ses bénéfices pour enrichir ses actionnaires à long terme.

C'est ici que le facteur le plus important du placement entre en jeu. En effet, la différence entre une société extraordinaire et les autres, c'est le potentiel de réinvestissement des bénéfices à long terme à des taux de rendement élevés.

Et pour cela, vous avez besoin d'une société qui évolue dans un secteur au potentiel de croissance illimitée et aussi de dirigeants capables de gérer adroitement le capital généré.

L'exemple de Berkshire Hathaway

Il n'y a pas de meilleur exemple de la mise en oeuvre de cette idée que Berkshire Hathaway. Lorsque Warren Buffett a pris le contrôle de Berkshire, en 1965, le titre se vendait 19 $ US. Aujourd'hui, on s'entend pour dire que le titre, maintenant de plus de 200 000 $ US, a été un placement prodigieux.

Faire 10 000 fois son argent en 49 ans, soit environ 20 % annuel composé, est hors du commun. Le titre de Berkshire en 1965 était une aubaine, c'est-à-dire sous sa valeur comptable et à moins de 10 fois les bénéfices (lorsque la société en faisait !).

L'entreprise était un fabricant à coûts élevés dans une industrie - le textile - en déclin. Sous cet angle, son avenir était peu reluisant, dans le meilleur des scénarios. Le seul objectif alors d'acheter le titre était de le revendre un peu plus tard à meilleur prix.

À moins d'avoir à sa tête un dirigeant comme Warren Buffett. Ce dernier a pris le contrôle et a vite compris que les activités traditionnelles de Berkshire n'avaient aucun avenir. Il a donc pris l'argent généré par celles-ci et l'a réinvesti ailleurs, entre autres dans les activités d'assurance. Il n'a jamais cessé de faire cela, année après année, en cherchant les endroits les plus payants pour investir son capital. Le reste est de l'histoire... une histoire fantastique et pratiquement sans égal dans le monde des affaires.

On pourrait en parler longtemps, mais le point capital, selon moi, est que Berkshire Hathaway, sans Warren Buffett en 1965, était un placement horrible (en fait, même à 19 $ US, sous sa valeur comptable, il était probablement surévalué), tandis qu'avec M. Buffett, c'était un placement glorieux, presque sans égard au prix.

En effet, même si vous aviez payé 10 fois plus, soit 190 $ US en 1965, vous auriez, 50 ans plus tard, un placement avec un rendement annuel composé de 15 %. On parle ici d'une performance exceptionnelle.

Ce qui me fait dire que, quand vous tombez sur ce genre de dirigeants exceptionnels, le prix payé est secondaire.

C'est pourquoi je considère que mon travail est de tenter de déterminer ces dirigeants extraordinaires, car le reste est bien moins important.

Le dernier point est décisif : il n'est pas suffisant de cerner une société exceptionnelle dirigée par un dirigeant supérieur. Il faut, pour en profiter au maximum, rester avec lui longtemps.

En effet, mettez-vous dans la peau de l'investisseur qui a acheté des actions de Berkshire Hathaway à 20 $ US et qui a vendu à 40 $ US, tout fier d'avoir doublé son argent. En 2014, il a laissé 200 000 $ par action sur la table ! Ouf !

Se concentrer sur ce qui est important

La principale conséquence pratique de mon secret pour réussir en Bourse, c'est qu'il ne faut pas s'occuper de la Bourse. Vous n'investissez pas à la Bourse au sens large, du moins si vous avez compris mon secret. Vous investissez dans des sociétés et non dans le marché boursier.

Pour encore mieux comprendre, je reviens à l'exemple de Quincaillerie Richelieu. Savez-vous combien il y a eu de corrections boursières depuis mon achat en 1996 ? Tellement qu'on ne peut pas les compter, et ce, sans mentionner les crises, les guerres, les marchés baissiers, les paniques, etc. Il y a eu entre autres l'éclatement de la plus importante bulle spéculative de l'histoire. Il y a eu aussi la plus grave crise financière depuis 1930, tellement grave que tout notre système économique a été menacé d'effondrement.

Tous d'excellents prétextes pour vendre, non ? Imaginez que je vende en 1998 mes actions parce que je viens de lire une chronique fort convaincante selon laquelle une correction se prépare. Quelle erreur fantastique et coûteuse, n'est-ce pas ?

Avec le recul, on sait que tout cela n'avait aucune importance, car ces événements n'ont pas empêché Richelieu de prospérer.

Mon secret pour réussir en Bourse implique nécessairement que vous devez vous préoccuper à 100 % des éléments importants concernant vos entreprises. Ne vous laissez pas distraire par les fluctuations et les nombreux bruits boursiers.

Alors, au lieu de dépenser votre précieux temps à lire sur ce qui se passe dans les marchés, investissez complètement ce temps à suivre vos sociétés, pour mieux les connaître et mieux les comprendre. Merci encore et bonne chance dans vos placements.

Pour relire les blogues de Bernard Mooney : www.lesaffaires.com/blogues/bernard-mooney

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