Secrets de productivité

Publié le 04/12/2010 à 00:00

Secrets de productivité

Publié le 04/12/2010 à 00:00

Par Suzanne Dansereau

Si nous ne sommes pas productifs, " nous sommes morts ", lance Christian Roy, associé chez la firme d'experts en management Secor.

De fait, alors que la concurrence des pays émergents s'intensifie et que le dollar canadien frise des sommets, les entreprises québécoises doivent impérativement augmenter leur productivité.

C'est ce qu'a réussi à faire Genfoot, qui fabrique les bottes Kamik. En investissant dans du nouvel équipement, l'entreprise trouve un nouveau souffle dans le secteur pourtant dévitalisé de la chaussure.

Un cas inspirant, tout comme ceux d'IBM à Bromont, de Teknion Roy & Breton et même de la CSST, qui misent aussi sur une productivité accrue.

IBM Bromont

Solution > Former ses employés pour atteindre l'excellence opérationnelle et l'innovation

Résultat > Gains de productivité de plus de 10 % par année

L'usine de Bromont figure parmi les plus productives d'IBM dans le monde. Ce n'est pas pour rien que le siège social lui a confié, en 2006, le mandat mondial d'assemblage des microprocesseurs qu'on retrouve, entre autres, dans les consoles de jeux vidéo de Sony, Microsoft et Nintendo, ainsi que dans le moteur de recherche Google.

Pour demeurer concurrentielle, IBM Bromont ne joue pas sur les coûts de main-d'oeuvre, mais sur la qualité et les délais de fabrication, grâce au développement de ses compétences à l'interne. À l'heure actuelle, chacun des 2 700 employés de l'usine bénéficie chaque année de trois jours de formation en compétences transversales, lesquels s'ajoutent à la formation reçue dans le cadre de leur travail.

" Je me promets de porter ce nombre à cinq jours ", dit Raymond Leduc, directeur de l'usine. Cela dépasse, et de loin, l'exigence légale de 1 % du coût de la masse salariale en formation.

Des programmes visant à stimuler l'innovation chez les employés existent dans l'entreprise depuis 1994, bien avant que le concept devienne à la mode. Au début, l'approche était ad hoc et individuelle - chaque employé qui présentait des suggestions était récompensé et soutenu par la direction. On est ensuite passé à une formule d'équipe, puis à une méthode visant l'innovation ciblée.

Depuis trois ans, l'usine a adopté la démarche de production allégée (lean) et l'innovation en continu, pour laquelle une équipe multidisciplinaire spéciale a été formée. En outre, la direction organise depuis 1998 des formations " Qualité dictée par le marché ", où les employés acquièrent une foule de compétences dans le cadre, notamment, de simulations d'entreprise. Les employés ont aussi accès à un réseau virtuel d'apprentissage et bénéficient du programme 3X10, qui les invite à changer de travail au moins trois fois en 10 ans.

" La différence, ici, c'est les gens, explique Raymond Leduc. Nous investissons dans nos employés et, en retour, ils nous apportent des réductions de coût. "

Depuis cinq ans, les gains de productivité s'élèvent à plus de 10 % par année. Dans le secteur DSP de l'usine (acronyme de dice/sort/pick, dont le mandat est de transformer les tranches en puces en utilisant des lasers et des scies à diamant), la capacité de production a augmenté de 15 % entre 2007 et 2009, tandis que les dépenses ont baissé de 20 % et les coûts unitaires, de 33 %. Le temps de cycle (temps requis pour produire une unité) a fondu de 70 %.

Claire Langan, chef de l'excellence opérationnelle et de l'innovation, expose la philosophie de la haute direction : " Son rôle n'est pas de commander et de contrôler, mais de simplifier le travail des employés et de les soutenir pour qu'ils deviennent excellents. "

Et heureux, s'il faut se fier au taux de roulement, inférieur à 2 %. Raymond Leduc, qui vient d'être nommé conseiller au Conseil national de recherches du Canada (CNRC), est un exemple probant : il oeuvre auprès d'IBM Bromont depuis 31 ans !

L'entreprise entre maintenant dans une nouvelle ère : en plus d'investir dans ses talents à l'interne, elle financera les meilleurs cerveaux à l'extérieur de ses murs. À la fin de 2011, elle ouvrira à Bromont un Centre de recherche et d'innovation ouverte en microélectronique, en partenariat avec l'Université de Sherbrooke et le fabricant de capteurs Dalsa. Ce centre attire déjà l'intérêt de plusieurs instituts de recherche universitaires et privés situés dans le corridor Nord-Est américain (Montréal - Boston - New York).

Genfoot

Solution > Investir dans du nouvel équipement et conquérir de nouveaux marchés

Résultat > Augmentation de 34 % de la production des bottes Kamik

Les bottes Kamik se vendent comme des petits pains chauds. Ses nouveaux modèles de bottes de pluie à motifs imprimés évoquant l'époque gogo des années 1960 font un tabac au Québec, au Canada et aux États-Unis auprès des jeunes qui les portent même s'il ne pleut pas. Le manufacturier montréalais qui les fabrique, Genfoot, a augmenté sa production de 34 %. Voilà ce que donne, moins d'un an plus tard, l'achat d'équipement performant et le développement de nouveaux segments de marchés, dans un secteur où les Chinois font du dumping.

Les deux nouvelles machines à injection que Genfoot a acquises l'an dernier au coût de 2 millions de dollars produisent 15 % plus de bottes à l'heure que les anciennes, et elles tombent moins souvent en panne. Genfoot s'est également équipée de nouveaux moules qui permettent d'éliminer une opération, celle du débavurage de la botte. Résultat : le montage des bottes requiert une équipe réduite de quatre à trois employés. De plus, des opérateurs à l'esprit innovant ont muni les moules d'un système de refroidissement qui permet d'économiser sur le matériau de base et d'écourter le cycle d'injection.

Autre innovation qui augmente la productivité : Genfoot a acquis de l'équipement de nettoyage utilisé dans une autre industrie, qui permet de nettoyer les moules sur place avec de la glace sèche. Le nouveau système n'endommage pas les moules et fait gagner beaucoup de temps; avant, il fallait les enlever, les acheminer dans la salle d'outils, les nettoyer avec un solvant et les remonter.

" La seule façon de battre les Chinois qui inondent le marché, c'est d'être plus productif et d'innover ", explique le vice-président à la fabrication Joe Bichai. Cela n'empêche pas Genfoot de recourir à la main-d'oeuvre asiatique pour la fabrication de tiges de bottes d'hiver, qui demande beaucoup de coutures. L'entreprise emploie toujours 250 personnes au Québec.

Voilà maintenant trois ans que Genfoot a lancé ses bottes de pluie à motifs. Cette valeur ajoutée lui a permis de demeurer concurrentielle malgré la vigueur du dollar canadien, constate M. Bichai. " Depuis, les Chinois nous ont imités. Mais leurs bottes ne sont pas d'aussi bonne qualité et le poids de celles-ci est plus grand, car ils utilisent du caoutchouc, plus lourd et non recyclable. Leur délai de livraison est allongé. Et Genfoot, qui fonctionne en juste-à-temps, n'a pas de stocks. "

CSST

Solution > Optimiser sa gestion et numériser pour réduire ses coûts

Résultat > Économies attendues de 90 millions de dollars par année d'ici cinq ans

Le secteur public aussi se met à l'heure des gains de productivité. À la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec (CSST), les efforts consentis à la prévention au cours des 10 dernières années ont réduit de 33 % le nombre de lésions. Prochain défi : raccourcir la durée des indemnités versées aux accidentés du travail. Comment ? En revoyant la gestion de leurs dossiers de façon à ce qu'ils soient soignés plus rapidement et éviter ainsi que leur cas ne se transforme en maladie chronique. Les maladies chroniques constituent seulement 5 % des lésions, mais représentent 75 % des coûts du régime. En diminuant les risques de chronicité, on réduit le nombre d'indemnisations, leur durée ainsi que le taux d'absentéisme.

Ce " Projet Synchro " vient tout juste de commencer. S'il fonctionne comme prévu, la CSST économisera 90 millions de dollars par année d'ici cinq ans. Une économie de 5 % sur un budget total d'indemnisations de 1,8 milliard de dollars. La CSST entend en faire profiter les employeurs. Leurs cotisations devraient baisser de 2,75 $ à 2,19 $ par tranche de 100 $ de salaire assurable.

Grâce au " Projet Synchro ", les services aux accidentés seront centralisés dans deux centres d'appels, et leurs dossiers seront informatisés. Peu importe leur lieu de résidence, leurs dossiers seront traités par des équipes de spécialistes nouvellement formées. Les employés de la CSST auront des formations pour mieux détecter les risques de chronicité.

La CSST est également en négociations avec ses fournisseurs de soins de santé pour écourter les délais de chirurgie et pour offrir des traitements multidisciplinaires aux accidentés qui en ont besoin. Plutôt que de consulter seulement un type de professionnel, l'accidenté pourra en voir plusieurs en même temps, si son cas le nécessite. " Cela augmentera les coûts d'un côté, mais nous en fera économiser de l'autre si on réduit la durée de l'invalidité ", explique le pdg de la CSST, Luc Meunier. Il ajoute que c'est ce que la Colombie-Britannique et l'Alberta ont fait, avec de bons résultats. Le but est de bien gérer le dossier d'un accidenté du travail pour qu'il retourne au boulot le plus rapidement possible.

" Non seulement la CSST fera des gains de productivité, mais en traitant les cas de lésions de façon plus efficace, elle favorisera la productivité du travail au Québec ", explique M. Meunier. Il a aussi nommé une directrice responsable de tous les projets liés au " Projet Synchro ". Elle relèvera directement de la présidence et fera rapport au comité de gouvernance du CA de la CSST.

Teknion Roy & Breton

Solution> Revoir sa logistique

Résultat> Diminution de 4 % des coûts de transport

Automne 2008. À la veille de la récession, c'est le boom pour ce fabricant de mobilier de bureau. Le nombre de commandes est 30 % plus élevé qu'en 2007. Sentant que ses employés sont débordés, la direction décide de faire un exercice d'analyse de la chaîne de la valeur ajoutée (value stream mapping, en anglais). Un total de 40 superviseurs sont mobilisés pour quatre sessions au cours desquelles tous les segments de la chaîne sont revus, de l'entrée des matériaux jusqu'à la livraison aux clients. " Nous voulions voir quels étaient les leviers dont nous disposions pour faire face à la croissance, si elle se poursuivait ", explique le pdg Jacques Alain.

La croissance ne s'est pas poursuivie. Mais grâce à cet exercice, le groupe a pu voir où se situaient les maillons faibles de la chaîne : l'ordonnancement des pièces à l'étape de la fabrication et leur transport entre les différentes usines.

Les pratiques de travail ont été standardisées dans les cinq usines. Les méthodes d'emballage ont été revues afin de maximiser le remplissage des camions-remorques. En revanche, Teknion Roy & Breton s'est lancée dans la construction d'un centre de consolidation et de distribution à Lévis. " En pleine récession, c'était un grand défi de convaincre le siège social à Toronto d'investir, mais la rentabilité était prouvée et le soutien d'Investissement Québec a donné un coup de pouce ", explique M. Alain. Résultat : les coûts de transport ont baissé de 4 % et les délais de livraison ont été réduits de 7 à 4 semaines.

Depuis deux mois, Teknion est revenue à des volumes de ventes comparables à ceux affichés à la veille de la récession. Son ratio coûts de main-d'oeuvre/ventes s'est amélioré. " En 2008, c'était difficile de répondre à la demande. Aujourd'hui, ce ne l'est pas. La réduction des délais de livraison nous rend plus concurrentiels, car on sert mieux les clients. "

+ 2 %

Croissance de la productivité du travail au Québec en 2009.

+ 1,05 %

Croissance moyenne annuelle de la productivité du travail au Québec, de 1981 à 2008.

20e

Rang du Québec en matière de productivité, sur les 23 pays de l'OCDE.

5 000 $

Si la productivité des Québécois reste la même, ils gagneront en moyenne 5 000 $ de moins en 2026.

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