Les parents, l'école, le système, ensemble contre le décrochage

Publié le 27/11/2010 à 00:00

Les parents, l'école, le système, ensemble contre le décrochage

Publié le 27/11/2010 à 00:00

Appelons-la Martine. Adolescente, elle habite la région de Québec et espère obtenir un DEP (diplôme d'études professionnelles) en assistance dentaire. L'ennui, c'est que le cours est contingenté dans l'école qu'elle fréquente : on n'accepte que 22 candidats sur les quelque 100 élèves qui souhaitent s'inscrire à cette formation. On peut parier que, des 78 qui seront refusés, plusieurs se décourageront et décrocheront.

Martine, elle, a déjà passé un examen et une entrevue. Un ultime examen décidera ces jours-ci de son sort. Chaque étape entraîne des frais à assumer.

"Je veux bien que Jean Charest reproche aux parents de ne pas s'investir suffisamment, mais il faut aussi reconnaître que le système scolaire n'aide pas vraiment les jeunes", me disait son père, un animateur de radio de Québec, alors que nous débattions en ondes de la question, il y a quelques jours. "On veut revaloriser les métiers, le Québec court le risque d'une pénurie, et regardez comment on agit", ajoutait-il.

Souhaitons bonne chance à Martine et, surtout, encourageons-la à ne pas abandonner, qu'elle soit acceptée ou non. Le Québec continue d'être affligé par le taux de décrochage le plus élevé du pays : 30 % des jeunes de 20 ans ou moins quittent l'école sans avoir obtenu le moindre diplôme (34 % des garçons et 22 % des filles). Vrai, certains reviennent plus tard et finissent par terminer leurs études, mais ce seul retard est déjà coûteux. Imaginez les autres, qui affronteront le 21e siècle les mains vides.

Une perte pour la société

Ce coût est considérable, tant individuellement que collectivement. Rappelons l'évaluation qu'en faisaient les auteurs de Savoir pour pouvoir : entreprendre un chantier national pour la persévérance scolaire, familièrement appelé le Rapport Ménard, du nom du président de BMO Groupe financier (Québec), L. Jacques Ménard, publié en mars 2009.

Les décrocheurs paient le prix de leur abandon prématuré. À la fin de leur vie active, leur manque à gagner s'élèvera à 440 000 $, comparativement à ceux et à celles qui ont au moins décroché un diplôme d'études secondaires. Dans le lot, certains vont mieux s'en tirer, mais leurs chances de réussite sont évidemment moins bonnes.

Le Québec, comme société, y perd également beaucoup. Sur le plan fiscal, ce sont des centaines de millions en impôts et en taxes qui lui échappent, parce que ces contribuables ne gagnent pas beaucoup... Pire, ils courent le risque de devoir faire appel à l'aide sociale et à toute autre forme de soutien gouvernemental. C'est du gaspillage à l'état brut.

Sans compter que, faute d'augmentation de la population active, le Québec devra s'en remettre à des gains de productivité pour assurer la croissance de son économie. Ces jeunes, mal qualifiés, ne pourront pas aider autant qu'on le voudrait.

Que Jean Charest ait raison ou non d'interpeller les parents, il a au moins le mérite de remettre le sujet à l'ordre du jour. La question de l'éducation avait d'ailleurs été désignée "priorité nationale" en préparation à l'événement Focus stratégique Québec 2010, organisé par la firme Secor le 8 novembre. C'est dans ce cadre que le premier ministre a été appelé à s'exprimer et qu'il en a rajouté sur le rôle de toutes les parties prenantes.

Certains parents l'ont mal pris et ont souligné, par exemple, qu'il peut être difficile de motiver un enfant aux prises avec un déficit d'attention. Mais ce n'est pas tant eux que les autres qui sont en cause : ceux qui ne prennent pas la peine d'assister aux réunions convoquées par l'école, qui ne regardent même pas les bulletins que rapportent leurs enfants à la maison, ou qui ne se préoccupent pas de leur développement scolaire. Mais on n'aime pas en parler.

Un ami, qui a évoqué le problème sur Facebook, a notamment eu comme réponse celle-ci : "Je ne connais pas un seul parent, personnellement, qui n'a pas à coeur la réussite scolaire de ses kids. Pas un." Désolé, mais il y en a, et bien plus qu'on ne veut l'admettre.

À qui revient l'essentiel de la responsabilité ? Les parents ? L'école ? Le système dans son entier ? Si on dit : "À tout le monde", rien ne se passera. Il faut d'abord inculquer le goût de la réussite aux jeunes. Expliquer que l'école est une voie royale vers le succès. Puis, convaincre l'école d'être à la hauteur de ses obligations, tout comme l'État. Et finalement, reconnaître qu'il est scandaleux que le Québec soit encore et toujours le champion canadien de cette catastrophe qu'est le décrochage scolaire.

DE MON BLOGUE

Les parents et le décrochage

L'école ne peut pas tout faire, pas plus que l'État. C'est à la maison que l'idée même de la réussite doit germer. Qu'on sente le besoin de nous le rappeler montre que nous avons du chemin à faire (suite sur le blogue).

Vos réactions

"En tant que journaliste, j'ai fait une recherche sur le sujet il y a quelques mois, parce que personne ne parlait du principal facteur qui explique le décrochage : le niveau de scolarisation des parents. Quand les parents sont sous-scolarisés ou analphabètes, comment voulez-vous qu'ils aident adéquatement leurs enfants ?"

- iducas

"C'est moins le niveau d'alphabétisation des parents qui est le facteur décisif que leur attitude. Si un parent ne valorise pas les études chez l'enfant, la probabilité que l'enfant décroche augmente considérablement."

- bbern

"Le système d'éducation actuel est une fraude monumentale : 1) On n'apprend pas grand-chose; 2) Il n'y a aucun cours d'économie."

- kingkal4

www.lesaffaires.com/rene-vezina

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