Rebâtir une économie, une moule à la fois

Publié le 25/10/2008 à 00:00

Rebâtir une économie, une moule à la fois

Publié le 25/10/2008 à 00:00

Les moules bleues du Québec sont arrivées, et avec elles, un arôme de renouveau pour l'Est du Québec, qui en a bien besoin. Car cette fichue crise économique frappe durement les régions ressources, qui voient les secteurs primaire et secondaire s'effriter.

Mais voici qu'après bien des désillusions et des faux départs, nous commençons à notre tour à cultiver la mer.

Pourquoi est-ce important ? Parce que, pour survivre, et ensuite pour prospérer, une région comme la Gaspésie doit à tout prix stimuler un nouvel entrepreneuriat.

On ne peut plus se fier aux traditionnels moulins à scie, qui ne sont plus capables de tenir le coup. Il faudrait un miracle pour relancer l'industrie minière. Le tourisme surnage, mais il a déjà connu de meilleurs moments. Il y a de l'espoir du côté des énergies nouvelles, l'éolien à Matane et à Gaspé, et maintenant le solaire à Sainte-Anne-des-Monts, mais le plus grand potentiel vient de la mer. Les perspectives sont fabuleuses. Il faut cependant apprendre à bien l'exploiter.

Dans ce cas-ci, il vaut mieux, au départ, aimer les moules... J'en suis.

Il y a quelques années, j'avais appris, lors d'une activité organisée par la Fédération des chambres de commerce du Québec, qu'on produisait bel et bien des moules ici, mais que le volume n'était pas suffisant pour qu'on se risque à les commercialiser sous leur véritable identité.

Elles prenaient donc le chemin de l'Île-du-Prince-Édouard, où elles étaient intégrées dans la production locale et mises en marché sous cette appellation qui a acquis une belle notoriété : Moules de l'Île-du-Prince-Édouard.

Puisqu'il était en retard, le Québec devait ainsi se faire adopter par la plus petite province canadienne.

C'était une situation gênante, pour ne pas dire honteuse. Au moment où la planète se tournait vers les produits de la mer, nous en étions encore réduits à nous lamenter sur la disparition des bancs de morue et à espérer que le même sort ne frappe pas les homards. Et il n'était pas question de diversifier l'offre.

Vous ne le savez peut-être pas, mais il y a à peine une trentaine d'années, sauf exception, les pêcheurs gaspésiens rejetaient les crabes à la mer, parce que personne dans cette région ne s'occupait de les commercialiser.

Pendant ce temps, des entrepreneurs de Caraquet devenaient millionnaires en misant sur cette ressource. Ici, on n'était pas près de déranger les habitudes, sauf sur la Côte-Nord, où des usines ont été aménagées pour alimenter le marché... japonais, avec un financement venu de l'Orient.

C'est dire à quel point il a fallu de travail et de persévérance pour constituer un groupe de myticulteurs - producteurs de moules - et de transformateurs assez audacieux pour se lancer à l'assaut du marché québécois avec son propre label. On compte maintenant une douzaine de myticulteurs répartis en Gaspésie, aux Îles-de-la-Madeleine et sur la Côte-Nord. Ils ont accompli un bon boulot. Leurs moules sont arrivées dans les supermarchés, et sont appuyées par une solide campagne de promotion. Elles sont bonnes et ne coûtent pas cher. Et si vous êtes néophyte en la matière, une recette est même imprimée sur l'emballage.

L'aquaculture québécoise est en train de relever la tête. Les acteurs les plus importants viennent de se réunir à Grande-Rivière, en Gaspésie, lors d'un forum. On s'est entendu de part et d'autre pour intensifier les efforts, en réalisant qu'il n'est plus possible, au 21e siècle, de laisser le hasard déterminer l'avenir de ceux qui vivent de la mer.

Mais il y a davantage : dans ces régions qui ne veulent pas vivoter, qui ne savent plus comment retenir les jeunes attirés par les promesses de la grande ville, réinventer le rapport avec la mer peut être hautement stimulant.

Ce n'est pas le seul défi enlevant, mais si on veut motiver des jeunes à se lancer dans les affaires et à sortir du cercle infernal de la dépendance, il faut vendre du rêve en même temps que des perspectives de marché.

La recette s'applique partout, encore plus dans les régions de l'Est du Québec, qui vivent une crise démographique. C'est un milieu dans lequel l'État peut et doit intervenir, de façon plus intelligente qu'avec la relance manquée de Papiers Gaspésia, en reconnaissant qu'il en va de l'intérêt commun.

Vive les moules bleues du Québec ! Prochaine cible : les huîtres. On ne me fera pas croire qu'il faut absolument et jusqu'à la fin des temps les importer des Maritimes. À quand une Saint-Omer, une Havre-Aubert ou une Forillon ?

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