Quand un bon gestionnaire se brûle à jouer avec la Bourse

Publié le 04/05/2013 à 00:00, mis à jour le 02/05/2013 à 10:41

Quand un bon gestionnaire se brûle à jouer avec la Bourse

Publié le 04/05/2013 à 00:00, mis à jour le 02/05/2013 à 10:41

Francis Chou, qui gère une famille de fonds éponyme, est un excellent investisseur. Son principal fonds, dont l'actif dépasse les 400 millions de dollars, le Chou Associates, a réalisé un rendement de 27 % en 2012. Sur cinq, dix et quinze ans, il performe mieux que les indices de comparaison. Son fonds Chou RRSP (fonds REER) s'est apprécié de 34,2 % l'an dernier, et il bat les indices sur trois, cinq et quinze ans. Ce fonds a un actif de plus de 110 M$.

Francis Chou a une autre qualité rare dans le monde financier : il est candide. Il n'a pas peur de parler de ses erreurs. C'est ainsi qu'il raconte dans son rapport annuel de 2012 une gaffe intéressante.

Pour comprendre le contexte, il faut savoir qu'en vertu des règlements de l'industrie des fonds communs, aucun titre ne peut représenter plus de 10 % de l'actif d'un fonds, sur la base du prix d'achat.

Par exemple, le fonds qui a un actif de 100 M$ ne peut pas investir plus de 10 M$ dans un titre. Le problème, c'est lorsque le titre perd de la valeur en Bourse, de façon significative. «En principe, cela devrait être une occasion de profiter du prix plus bas en achetant encore plus d'actions», explique M. Chou dans son rapport.

En effet, bien des grands du placement vous diront que, si vous êtes prêt à acheter des actions d'un titre qui se vend à 60 % de sa valeur intrinsèque, vous devriez être prêt à acheter encore davantage lorsque ce titre se retrouve à 40 % de sa valeur intrinsèque.

Sauf que, si le gestionnaire a placé 10 % de son actif dans ce placement, il ne peut plus acheter, même si ce titre représente maintenant, sur la base de sa valeur marchande actuelle, seulement 3 ou 4 % de l'actif du fonds. «Une façon de gérer cette contrainte réglementaire est de vendre le titre pour réaliser notre perte et d'attendre 30 jours pour ensuite racheter davantage d'actions à un cours plus bas», souligne le gestionnaire.

C'est ce qu'il a fait dans son fonds Chou Associates avec les bons de souscription de Bank of America.

«Hélas, mon beau plan s'est retourné contre moi», d'admettre Francis Chou. Au lieu de ne pas performer en Bourse, le titre s'est apprécié de façon considérable pendant la période d'attente de 30 jours et «nous n'avons pas été capables de racheter nos bons de souscription à un meilleur prix».

M. Chou poursuit en disant que, même à ce prix plus élevé, le titre était sous-évalué, mais qu'il ne s'est pas senti capable d'acheter à un prix beaucoup plus élevé que le prix auquel il avait vendu.

Tripoter à court terme

Vous avez là deux graves erreurs parmi les plus coûteuses pour tous les investisseurs.

La première est cette tentation quasi irrésistible de tripoter, de jouer au plus fin avec la Bourse. C'est ce qu'a fait Francis Chou lorsqu'il a décidé de vendre son titre en se disant que dans 30 jours il serait probablement au même prix ou, s'il est chanceux, à meilleur prix.

Même un investisseur chevronné comme lui est incapable de prédire le comportement d'un titre à court terme.

Ce genre d'erreur arrive également dans plusieurs situations, comme celle où un investisseur a le sentiment qu'un titre est essoufflé et qu'il en profitera pour vendre avant le recul pressenti, en se disant qu'il le rachètera plus tard à meilleur prix.

Pour qui se prend cet investisseur, qui n'a qu'une connaissance superficielle des marchés financiers, pour prédire le marché ?

Se fixer sur les prix et les fluctuations

L'autre erreur est cette incapacité de se détacher des prix historiques. M. Chou admet qu'il n'a pas été capable d'accepter de payer plus cher ses bons de souscription, même s'il croit que c'est encore un bon placement.

Dans le jargon de l'économie comportementale, on appelle cela de l'ancrage. Par exemple, vous avez acheté un titre 10 $ il y a un an et il est maintenant à 20 $. Votre analyse vous dit que c'est encore un achat, mais vous êtes incapable de payer 20 $, parce que vous êtes ancré sur le prix historique que vous avez payé. Vous avez l'impression qu'il est «trop» cher, alors que le fait qu'il ait été à 10 $ dans le passé n'a aucune importance.

Ce qui importe, ce sont ce que le titre vaut aujourd'hui et ses perspectives.

Vous avez le même piège dans la situation inverse, lorsque le titre acheté 10 $ en vaut 5 $. Comme vous comparez le cours actuel au prix payé, vous avez l'impression que c'est une aubaine. Or, la réaction rationnelle est d'ignorer ces deux cours pour vous concentrer sur l'analyse fondamentale de la société afin de répondre à cette question difficile : quelle est sa valeur intrinsèque ?

DE MON BLOGUE

Technos

Apple nous laisse sur notre appétit

En tenant compte des attentes, les résultats financiers d'Apple pour son deuxième trimestre, clos le 31 mars, ont été corrects. Par contre, si la direction a voulu impressionner les investisseurs par son annonce, à savoir qu'elle veut distribuer davantage d'argent à ses actionnaires, elle n'a pas réussi. La société doublera le montant qu'elle distribuera à ses actionnaires d'ici la fin de 2015, entre autres en faisant passer son programme de rachat d'actions de 10 G$ US à 60 G$ US. Lorsque j'ai vu que, pendant le trimestre récent, vous savez ce trimestre pendant lequel le titre a fondu d'environ 20 %, Apple avait racheté pour zéro de ses actions, les deux bras m'en sont tombés tellement j'étais abasourdi...

Vos réactions

«Je crois qu'à la première annonce de rachat d'actions en 2012, on disait que ça aurait pour effet d'annuler les nouvelles actions d'un programme d'émission d'actions aux employés.»

- dan.gagnon

«Ça fait un bout de temps que j'annonce qu'Apple sera rejoint par la concurrence.»

- SB

«Augmenter le dividende engendre une promesse de dépense récurrente qui peut difficilement être diminuée sans attiser les foudres de Wall Street.»

- clempo

bernard.mooney@tc.tc

blogue > www.lesaffaires.com/bernard-mooney

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