Quand des administrateurs se confient

Publié le 06/10/2012 à 00:00

Quand des administrateurs se confient

Publié le 06/10/2012 à 00:00

Quatre présidents de conseil, trois hommes et une femme, abandonnent leur devoir de réserve. Ils exposent leurs états d'âme et le fond de leur pensée.

Comment se sont sentis les administrateurs de Bell et d'Astral pendant les audiences du CRTC ? Impuissants ? Contrariés ? Et ceux de Rona, comment ont-il vécu l'offre d'achat hostile de Lowe's ? Ont-ils des regrets ? Et comment accueillent-ils la menace d'une intervention activiste ? Nous n'aurons jamais de réponses à ces questions, devoir de réserve oblige. Mais qu'on ne s'y trompe pas : les administrateurs ont leurs états d'âme.

Le 19 septembre dernier, Robert Chevrier (président des conseils de Westburne et Uni-Sélect), Hélène F. Fortin (Loto-Québec, Bikini Village, Infrastructure Québec), Pierre Laurin (Atrium Technologies) et Samuel Minzberg (HSBC Canada) ont confié les leurs. Ils étaient en confiance, devant leurs pairs, lors du « talk-show annuel » de l'Institut des administrateurs de sociétés.

Une contrariété : le manque de solidarité

« Congédier un pdg est la tâche la plus difficile qu'un administrateur ait à réaliser, confie Samuel Minzberg. Surtout lorsque vous êtes le seul membre du conseil à prendre conscience que votre pdg est incompétent. » Samuel Minzberg a siégé au CA de la française Vivendi sous le règne de Jean-Marie Messier. Une époque houleuse, qui a mené au congédiement de celui qu'on a surnommé J2M ainsi qu'à des démissions en nombre au CA.

À l'époque, Samuel Minzberg représentait l'actionnaire le plus important, la famille Bronfman. « J'ai rencontré chaque administrateur en tête-à-tête pour soulever l'incompétence de M. Messier. En privé, on me donnait des appuis, mais une fois en réunion, personne n'ouvrait la bouche », raconte-t-il, visiblement irrité.

Ce qui les inquiète : les offres d'achat

« L'intérêt des actionnaires doit toujours primer, insiste Robert Chevrier. Car, un jour ou l'autre, vous devrez rendre des comptes. » Les transactions que vous ne réalisez pas reviendront vous hanter, insiste-t-il. « Si vous ne vendez pas, vous avez intérêt à ce que les actionnaires en aient pour leur argent par la suite. Sinon, vous aurez à rebâtir les ponts avec eux. »

La gestion du risque

« Nous ajoutons toujours des contrôles pour les risques que nous venons de vivre, confie Mme Fortin. Mais le plus grand risque auquel nous sommes exposés est celui auquel nous n'avons pas pensé. »

La façon de gérer

Les paroles s'envolent, mais les écrits restent. « Aucun des membres de mon CA ne fait l'objet d'une évaluation écrite, reconnaît Pierre Laurin. Imaginons qu'un activiste ou un journaliste parcoure une évaluation peu flatteuse d'un de mes administrateurs ; cela pourrait mettre l'entreprise dans l'embarras ».

Robert Chevrier, lui, a éliminé les évaluations chiffrées. « À quoi ça sert de savoir qui mérite un 7, un 8 ou un 9 ? Tout cela est subjectif. » Son évaluation se limite à trois questions : notre CA est-il efficace ? Performant ? Comment peut-on l'améliorer ?

Que faire des dissidents ? « Il faut distinguer celui qui refuse de se rallier de celui qui pense autrement et enrichit la discussion », estime Hélène F. Fortin. Un bon président de conseil n'abdique pas devant la dissidence, ajoute-t-elle. « Après une discussion franche, j'ai déjà ramené à la table un administrateur qu'on avait éjecté, mais qui pouvait encore contribuer. »

Quand la tension monte...

« Vous ne trouvez pas que Roger a l'air fatigué ? » Certaines questions ou commentaires ne peuvent pas être formulés devant un pdg. C'est pourquoi on a inventé le huis clos. Le pdg quitte le conseil, et les langues se délient.

« Le huis clos donne lieu à beaucoup de commérages, reconnaît Robert Chevrier. Mais ce n'est pas mauvais, la tension doit être évacuée régulièrement. » De façon disciplinée, ajoute Hélène F. Fortin, « sinon le huis clos peut durer des heures ! » Parfois, les commérages se transforment en revendications structurées. Il faut alors « rappeler le pdg et avoir le courage de rouvrir le dossier que l'on croyait clos », dit-elle.

La limite d'âge

« Je m'oppose à l'imposition d'une limite d'âge pour les administrateurs, dit Pierre Laurin. La seule raison de se départir d'un administrateur est de faire en sorte qu'il ne contribue plus. » Mme Fortin reconnaît, elle, avoir modifié la limite d'âge deux fois pour conserver des administrateurs. Une décision que ni Robert Chevrier ni Samuel Minzberg n'approuvent. « Renouvelez vos conseils ! Cela devient un problème majeur », lance Robert Chevrier.

Excuse my French

Les dix membres d'un conseil parlent français. Un onzième, qui ne parle qu'anglais, se joint au groupe. Quelle langue parlera-t-on aux réunions ? Tout dépend s'il s'agit d'une entreprise internationale - ou qui aspire à le devenir - ou d'une entreprise qui réalise des affaires à l'étranger « par accident ».

« Dans le premier cas, le conseil doit accepter que la langue d'une société internationale soit l'anglais, répond Pierre Laurin. Dans le second, on explique au nouveau membre qu'on s'attend à ce que, d'ici quelques mois, il se débrouille en français. »

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