Le choc de la réalité, le test de la crédibilité

Publié le 24/11/2012 à 00:00, mis à jour le 22/11/2012 à 09:23

Le choc de la réalité, le test de la crédibilité

Publié le 24/11/2012 à 00:00, mis à jour le 22/11/2012 à 09:23

Encore un peu et on aurait pu croire que la décision de Cliffs de suspendre les travaux d'agrandissement de la mine du Lac Bloom, à Fermont, pouvait servir de mise en garde à Nicolas Marceau, qui présentait dès le lendemain son premier budget à titre de ministre des Finances. «Gare aux ambitions de redevances plus élevées...»

Mais Cliffs ralentit en même temps la production dans ses mines américaines. Et de toute façon, le gouvernement du Parti québécois avait déjà décidé de baisser le ton face aux minières, comme il avait manifestement compris qu'il lui fallait repenser certains de ses engagements les plus percutants de la dernière campagne.

Le premier budget de l'ère Marceau est ainsi bien moins antagoniste qu'on aurait pu l'imaginer il y a deux mois, surtout si on remonte aux toutes premières déclarations du gouvernement nouvellement élu, qui semblait avoir le couteau entre les dents.

Dans les faits, le Québec ne peut pas se permettre de faire peur. Il lui faut à la fois maintenir des projets d'investissement et ne pas montrer la porte aux «riches» à qui on va finalement en demander un peu plus, sans dépasser ce seuil fatidique de 50 % de taux d'imposition. Voilà pourquoi c'est du côté de la réduction du budget d'infrastructures que viendra une grosse partie de l'effort colossal (1,5 milliard de dollars par an) pour en arriver effectivement à l'équilibre budgétaire dans 16 mois.

La réalité a rattrapé M. Marceau. Il se défend bien de faire marche arrière, parle plutôt de réaménagements, voire de compromis, mais dans les faits, la taxe santé demeure, tout comme la hausse de tarifs du bloc patrimonial (par l'indexation). Ces revenus accrus profiteront au Fonds des générations. Il avait été conçu pour lutter contre l'accroissement de la dette et il survivra alors qu'on avait évoqué sa disparition.

Le gouvernement veut aussi changer son image de Bonhomme Sept-Heures pour le milieu des affaires, et dit vouloir encourager l'investissement avec des crédits d'impôt pour les grands projets et ceux dans les régions ressources. Selon Luc Godbout, professeur d'économie à l'Université de Sherbrooke, le choc de la réalité a modelé le discours budgétaire. Encore faut-il qu'il réussisse au test de la crédibilité.

Apparemment, il réussira. Le retour au déficit zéro est toujours dans la mire pour 2014. Le ministre Marceau demeure prudent en prévoyant que la croissance sera de 1,5 % en 2013, un taux plausible dans la mesure où l'économie mondiale, à commencer par celle des États-Unis, amorce sa remontée. Il se dit conscient du risque que représente la hausse éventuelle des taux d'intérêt pesant sur la dette québécoise. Et il s'engage à limiter la hausse des dépenses publiques à 1,8 %. Les projets d'infrastructures seront mieux contrôlés pour éviter les explosions systématiques de coûts. Ce sera la fin des «tant qu'à y être», déclare le président du Conseil du trésor, Stéphane Bédard. Si on ne faisait qu'atteindre ce dernier objectif...

Des mesures pelletées par en avant

Mais le diable est dans les détails. Le ministre des Finances doit forcément pelleter certaines mesures par en avant pour que ses chiffres tiennent. Sur le coup, ces reports ne paraissent pas déterminants, mais ils peuvent faire mal. C'est le cas des dispositions fiscales qui touchent les travailleurs âgés : le précédent gouvernement attribuait des avantages tant aux particuliers qu'aux entreprises décidées à les garder. Le vieillissement de la population entraînera inexorablement le déclin du nombre de travailleurs, donc de l'assiette fiscale.

C'est d'autant plus embêtant que, comme société, le Québec est déjà moins porté que les autres provinces à employer ces gens expérimentés. Le retard est significatif, et tout indique qu'il le demeurera maintenant que disparaissent les mesures incitatives.

En fait, c'est le dilemme du Québec, qui ne peut se permettre de gaspiller la moindre cartouche. Sa situation financière est trop précaire pour qu'il puisse procéder par essais et erreurs. L'ennui, c'est que les dernières semaines ont été plutôt chaotiques. On se demandait avec raison ce que croyait vraiment ce gouvernement et où il avait l'intention d'aller.

Le ton finalement plus conciliant de ce budget signale que les dogmes bien carrés, populaires en campagne électorale, finissent par s'arrondir quand vient le moment d'exercer le pouvoir. On pourrait le déplorer au nom de la pureté idéologique, mais il faut certainement s'en réjouir au nom de la realpolitik.

DE MON BLOGUE

Énergie

La péréquation à risque avec le refus du gaz de schiste

Le Québec a ouvert une boîte de Pandore en refusant d'exploiter le gaz de schiste sur son territoire. C'est ce que soutient un chercheur canadien qui signale que les provinces ayant accepté, elles, la mise en valeur de cette ressource pourraient fort bien s'impatienter et exiger que la péréquation retirée par le Québec soit amputée.

Vos réactions

«Vous savez, juste avec notre consommation de gaz naturel, c'est un peu plus de 2 milliards de dollars qui quittent la province chaque année. Si nous exploitions notre gaz à seulement 10 % de redevances, nous aurions 200 millions par année et aussi tous les impôts et taxes qui suivraient.»

- bit

«La politique environnementale du Québec ne peut pas être dictée par d'autres provinces. Imagine-t-on les conséquences d'un tel précédent ? Il s'agirait d'un véritable coup de force. On ne peut absolument pas permettre une telle chose.»

- mortderire

rene.vezina@tc.tc

blogue > www.lesaffaires.com/rene-vezina

À la une

La condo-crise de logement abordable

Mis à jour il y a 28 minutes | Gabriel Marcu

EXPERT INVITÉ. La vie dans les condos n'est pas la panacée à tous nos problèmes de logement et d'étalement urbain!

Bourse: ce qui bouge sur les marchés avant l'ouverture lundi 29 avril

Mis à jour il y a 31 minutes | lesaffaires.com, AFP et Presse canadienne

REVUE DES MARCHÉS. Les marchés boursiers sont orientés en hausse.

Le Canada perd de son lustre aux yeux des travailleurs internationaux

Mis à jour il y a 59 minutes | Catherine Charron

RHÉVEIL-MATIN. La baisse de clics n’est pas anodine selon l'économiste principal d'Indeed, Brendon Bernard.