Jeu vidéo : la bataille du recrutement fait rage

Publié le 14/05/2011 à 00:00

Jeu vidéo : la bataille du recrutement fait rage

Publié le 14/05/2011 à 00:00

L'industrie québécoise du jeu vidéo n'est pas en crise. Mais si elle ne parvient pas à recruter rapidement des centaines de virtuoses des TI, sa croissance phénoménale pourrait bien l'envoyer droit dans le mur. Et ce, tant à Montréal qu'à Québec.

La pénurie de " vétérans " pourrait amener l'industrie du jeu vidéo de Montréal à subir le sort de celle de Vancouver, où plusieurs studios ont fermé leurs portes récemment, a averti Yannis Mallat, président d'Ubisoft Montréal, il y a quelques semaines, devant la Chambre de commerce de Montréal.

Cette année, 1 361 postes devraient être créés dans les technologies de l'information (TI), selon le comité sectoriel TECHNOCompétences. Pour une industrie dont le nombre d'employés est passé de 1 200 à 6 602 en 8 ans, ce rythme d'embauche est insoutenable. Non pas parce que les jeunes rejettent les métiers du jeu vidéo, bien au contraire, mais parce les studios montréalais recherchent des candidats d'expérience. Résultat : les grands studios se livrent une guerre féroce en matière de recrutement.

Trop de grands studios ?

Le gouvernement du Québec, en amenant des studios à s'installer à Montréal, pourrait être en partie responsable du problème. En 2010, l'implantation à Montréal des studios Warner Bros Games et THQ, qui ont annoncé leur intention de créer 300 et 400 emplois, respectivement, a ainsi contribué à la raréfaction de la main-d'oeuvre : " Il faut peut-être ralentir l'arrivée de nouveaux studios, car sinon, on va directement dans le mur ", prévient Francis Baillet, vice-président des ressources humaines chez Ubisoft Montréal.

Martin Carrier, chef du studio montréalais de Warner Bros, soutient quant à lui que la venue de studios comme le sien à Montréal est bénéfique pour l'industrie : " Je pense que la concurrence est saine : elle nous oblige à innover. Après tout, nous occupons des métiers de créativité. "

Recruter à l'étranger

Malgré la pénurie évoquée par son patron, Francis Baillet a embauché quelque 300 travailleurs pour Ubisoft en 2010. Un tiers d'entre eux ont été recrutés à l'étranger, une proportion qui correspond au taux d'employés expatriés chez Ubisoft. Quant à Warner Bros, environ 25 % des employés ont été recrutés à l'étranger, mais Martin Carrier soutient que le but poursuivi par son employeur en ouvrant un studio à Montréal est de recruter sur place : " À Montréal, avec les programmes de formation, il y a un environnement qui favorise le développement du talent local ", insiste-t-il.

Chez Behaviour Interactive, le plus important studio indépendant du Canada, la proportion d'employés recrutés à l'étranger se situe entre 5 et 10 %. L'entreprise établie à Montréal ressent moins la pénurie que ses homologues plus gourmands à l'égard de l'embauche. Elle est toutefois soumise à une certaine pression : " Ça peut-être tentant pour les employés d'aller voir du côté des grands studios, et c'est une réalité qui a été exacerbée par l'arrivée de nouveaux acteurs à Montréal ", explique Geneviève Guité, vice-présidente aux ressources humaines chez Behaviour.

Installé à Québec, le studio Beenox subit la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée aussi durement que les studios de Montréal : " Pour recruter des juniors, je dirais qu'être à Québec est un avantage, car on a de bonnes écoles ici ", explique Alexandra Beaulieu, directrice des ressources humaines chez Beenox. Par contre, lorsqu'il est question de candidats d'expérience, il n'est pas facile pour le studio de recruter des candidats à Montréal : " Au courant de la dernière année, environ 50 % des candidats d'expérience que nous avons recrutés étaient issus de pays étrangers ", confie Mme Beaulieu, avant d'ajouter que la beauté de la ville de Québec a un certain pouvoir de séduction auprès des candidats d'outre-mer.

Recruter grâce à des projets emballants

Dans l'industrie du jeu vidéo, les conditions de travail et les salaires sont tout particulièrement concurrentiels. Ubisoft offre d'ailleurs toute une gamme de services sur les lieux de travail, dont une garderie à 7 $ par jour, une clinique médicale, un gymnase et même des cours de yoga.

Toutefois, ces avantages pèsent peu dans la décision d'un candidat d'accepter ou non une offre d'emploi.

Chez Warner Bros Games, où la nourriture est gratuite, Martin Carrier explique que le principal facteur d'attraction des futurs employés, c'est le projet sur lequel ils seront appelés à travailler. Un amateur des Batman et autres Superman aura plus tendance à accepter une offre de Warner : " Il faut être concurrentiel en matière de salaires, mais les marques sont très importantes et, chez Warner, nous avons des marques fortes comme DC Comics. "

Geneviève Guité, de Behaviour, a quant à elle été surprise de découvrir cette dynamique en arrivant dans l'industrie : " Les employés ont tendance à être beaucoup plus engagés à l'égard des jeux sur lesquels ils travaillent qu'envers les entreprises qui les emploient ", dit-elle.

Les programmeurs manquent à l'appel

L'effet de Batman, Spiderman et Assassin's Creed déborde largement l'industrie du jeu vidéo. Toutes les entreprises qui ne peuvent se passer des services d'un programmeur, que ce soit Ubisoft, Bombardier, CAE ou la Banque Nationale, doivent lutter contre le pouvoir d'attraction de ces marques : " Le problème de recrutement en TI est aussi aigu, sinon plus, en dehors de l'industrie du jeu ", dit Sylvie Gagnon, directrice générale de TECHNOCompétences.

Dans un contexte où il y a une pénurie de programmeurs, l'industrie du jeu vidéo, plus attrayante pour les jeunes, tire son épingle du jeu. Pour continuer à attirer des candidats d'exception, les dirigeants des studios n'ont ainsi pas le choix : ils doivent mettre en branle des projets qui marqueront l'imaginaire des amateurs de jeux vidéo... et de leurs futurs employés.

" Aujourd'hui, dans le jeu vidéo, un environnement de travail sexy ne suffit plus à se différencier. Sans un projet emballant à offrir, ça ne sert à rien. "- Francis Baillet, d'Ubisoft

7 Pour chaque employé expert ou intermédiaire du jeu vidéo au Québec, on compte 7 employés débutants en moyenne, selon Sylvie Gagnon, dg de TECHNOCompétences.

40 000 Nombre d'heures de formation dispensées chez Ubisoft Montréal en 2010.

CINQ FAÇONS DE S'EMPARER DES MEILLEURS

Instaurer un programme rigoureux de formation en entreprise qui permet aux employés de s'épanouir personnellement et de peaufiner leur expertise

Mettre à contribution les employés les plus expérimentés de l'entreprise pour faire progresser les plus jeunes et pour créer du matériel pédagogique sur mesure

Recruter à l'étranger en insistant sur la qualité des projets développés ici et sur le coût de la vie raisonnable au Québec

Se tourner vers des candidats non conventionnels qui, à défaut d'avoir de l'expérience dans le jeu vidéo, sont des programmeurs ou des artistes graphiques au talent exceptionnel

Concevoir des jeux de notoriété internationale ou adapter des marques reconnues mondialement, de manière à retenir les travailleurs talentueux au Québec et à en attirer de nouveaux

LES CHASSEURS DE TÊTES S'ACTIVENT

La pénurie de candidats de haute voltige dans l'industrie du jeu vidéo ne connaît pas de frontières. Les studios québécois, comme ceux du reste du monde, ont non seulement des recruteurs à leur emploi, mais ils font appel à des chasseurs de têtes indépendants pour mettre la main sur les meilleurs.

Objectif : amener au Québec une main-d'oeuvre de pointe. " La demande est plus importante que l'offre, et la main-d'oeuvre est ouverte à l'idée d'immigrer pour travailler sur un projet qui l'intéresse ", explique David Smith, directeur général d'Interactive Selection, une agence londonienne de recrutement spécialisé dans le jeu vidéo, qui compte des clients dans 40 pays, dont le Canada.

" La pénurie est mondiale, explique Frédérick Brassard, président de l'agence montréalaise 3Pod, une boîte de recrutement qui réalise quelque 70 % de son chiffre d'affaires grâce aux studios du Québec. Un programmeur PS3 est en demande aussi bien à Budapest qu'à Montréal. "

Montréal, pôle d'attraction

Ce chasseur de têtes, qui a commencé sa carrière chez Ubisoft en 1997, a déjà placé un concepteur ukrainien... dans un studio ukrainien. Il envisage d'ouvrir un second bureau en Californie. Bien que les meilleurs de l'industrie se voient offrir des postes partout dans le monde, M. Brassard dit qu'il est facile de convaincre des travailleurs de déménager à Montréal : " C'est la plaque tournante de l'industrie du jeu dans le monde, et ce n'est pas difficile de convaincre un Américain de venir travailler à Montréal si on lui offre l'occasion de collaborer à un projet qui l'intéresse. " Le salaire annuel offert à un programmeur varie le plus souvent entre 80 000 et 100 000 $, dit M. Brassard.

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