Apple et le coût du secret

Publié le 07/09/2011 à 07:00, mis à jour le 07/09/2011 à 07:50

Apple et le coût du secret

Publié le 07/09/2011 à 07:00, mis à jour le 07/09/2011 à 07:50

BLOGUE. Si j’avais à écrire le scénario du prochain James Bond, en créant une intrigue vaguement inspirée de l’air du temps, l’une des missions de James consisterait probablement à réussir à voler un secret industriel à Apple.

Ce serait quelque chose d’« important », de vraiment « crucial », comme la couleur de l’endos du prochain iPhone ou la distance entre la lentille de sa caméra et le rebord.

On s’en fout, dites-vous? Bien d’accord avec vous, mais apparemment non. C’est autour de détails du genre que se multiplient les spéculations sur toute une panoplie de sites Internet. Il faut dire que l’expression « iPhone 5 » a probablement aujourd’hui autant d’impact sur les statistiques de fréquentation d’un site que pouvait autrefois en avoir le nom de Pamela Anderson.

En contrepartie, Apple se fait maladivement jalouse de la moindre information sur ses produits futurs. Aucune autre entreprise ne se rapproche de ce degré de paranoïa. J’ai souvent dit, à la blague, qu’être porte-parole d’Apple est le métier le plus facile au monde. La séance de formation doit durer 10 secondes : « Tu vois le téléphone? Quand il sonne, tu prends le combiné, tu dis « No comment » et tu raccroches. C’est clair? On va pratiquer une fois pour être vraiment certains. »

La question se pose à savoir si cette paranoïa obsessive n’est pas un peu elle-même responsable de la recherche obsessive d’informations par le grand public… et par les concurrents, sans doute. C’est un peu le piège de l’œuf et la poule.

À n’en pas douter, cette stratégie a des avantages importants pour l’entreprise. Chaque rumeur se transforme en publicité gratuite. Surtout, les conférences de presse au cours desquelles l’entreprise lève finalement le voile sur un ou plusieurs nouveaux produits prennent des allures de messe et font la Une de tous les grands journaux, ce qui semble toujours à la fois naturel et étrangement exagéré.

Mais elle a aussi un coût, dont on ne parle pas souvent. On en a un bon exemple sous les yeux présentement. Pour la deuxième année consécutive, il semble qu’un employé ait égaré un prototype du prochain iPhone dans un bar.

Ce genre d’événement anecdotique doit survenir régulièrement chez d’autres entreprises. Mais la culture du secret entourant Apple les encourage en quelque sorte en conférant une valeur hors du commun à l’appareil en question.

S’il joue bien ses cartes, l’individu qui l’a entre les mains peut probablement le vendre pour le prix d’un Picasso (un petit, mais bon…). « Allo? Samsung? »

L’incident met aussi en lumière un paquet d’autres « frais cachés » dus à cette obsession d’Apple. D’abord l’existence d’une escouade de sécurité privée lancée à ses trousses, quoique cela ne soit pas rare.

Ensuite les coûts en termes de relations publiques du débarquement de cette escouade, accompagnée de façon un peu suspecte par la police de San Francisco, dans une résidence privée où on avait géolocalisé l’appareil, mais d'où on est repartis bredouilles.

Puis les nombreux obstacles à la conception elle-même de l’appareil, qu’on devine déjà bien assez compliquée comme cela. Ainsi, non seulement faut-il développer l’iPhone 5 lui-même, il faut aussi en concevoir une version « prototype » qui ressemble suffisamment à un iPhone 4 pour ne pas attirer l’attention, mais qui doit quand même être assez proche du iPhone 5 pour que les tests soient valides.

Inévitablement, le processus de conception s’en trouve ralenti.

Il faut aussi faire signer au moindre partenaire un contrat à signer avec leur sang, ou presque. Et leur acheminer des versions d’essai accompagnées de mesures de sécurité extraordinaires, comme des boîtes scellées.

Pour l’instant, l’historique de l’entreprise démontre presque hors de tout doute que les bénéfices de la stratégie du secret surclassent les inconvénients. Mais peut-être qu’un certain relâchement ne nuirait pas non plus.

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À propos du blogue "Réseau sans filtre" :

Jean-François Codère suit les entreprises et les produits technologiques depuis maintenant 12 ans, pour le compte de diverses publications Web, imprimées et télévisées. Il s'intéresse particulièrement aux stratégies des entreprises et à l'innovation, la vraie, celle qui est accessible à tous, qui fait écarquiller les yeux et qui, petit à petit, change le monde.

 

 

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