Une bonne année en vue

Publié le 16/02/2013 à 00:00

Une bonne année en vue

Publié le 16/02/2013 à 00:00

Après les transactions majeures annoncées l'an dernier par Couche-Tard, CGI, Cogeco, Genivar et autres, que nous réserve 2013 ? Pour le savoir, Les Affaires a rencontré trois hommes qui ont «les mains dedans». Ils ne peuvent évidemment pas fournir de renseignements détaillés sur les dossiers en cours, mais ils ont quand même accepté de nous donner le pouls du marché.

L'AVOCAT

Philippe Bourassa, associé, Blakes

Les Affaires - Comment se porte-t-on, dans le marché ?

Philippe Bourassa - L'année 2012 avait commencé de façon plutôt tranquille, même s'il y a eu quelques belles transactions d'envergure. Il y a eu beaucoup plus de transactions dans la deuxième moitié d'année que dans la première parmi les moyennes entreprises, dont les transactions sont souvent gardées confidentielles. En ce moment, plusieurs clients examinent des cibles. Est-ce qu'on reviendra au niveau d'activités transactionnelles d'avant la crise de 2008 ? Peut-être pas cette année, mais ça continue de s'améliorer.

L.A. - De quelle taille sont les entreprises les plus actives ?

P.B. - Les grosses transactions attirent plus d'attention, mais en réalité, ce sont les moyennes entreprises qui ont réalisé le plus de transactions l'an dernier. On verra de grandes transactions cette année encore, mais plusieurs de moyennes tailles sont déjà amorcées.

L.A. - Où souhaitent acheter les entreprises que vous conseillez ?

P.B. - La grande majorité se tourne vers les États-Unis. Il y a aussi beaucoup d'intérêt pour l'Amérique latine depuis quelques années - Brésil, Colombie, Mexique -, particulièrement dans les infrastructures. L'Europe est aussi un marché de choix, quoique l'instabilité a probablement ralenti les ardeurs de certains. Les entreprises envisagent aussi la Chine, l'Inde et l'Afrique, souvent avec un partenaire. L'examen des cibles d'acquisition est assez global.

L.A. - Quelles sortes de transactions les entreprises envisagent-elles ?

P.B. - C'est très varié et ça dépend des secteurs. Il y a des acquéreurs stratégiques, comme Couche-Tard, qui veulent poursuivre leur expansion. Beaucoup d'entre eux ont plutôt besoin de diversifier leurs activités et leurs risques, par exemple ceux qui sont liés aux marchés géographiques ou à une industrie. Il y a aussi plusieurs investisseurs institutionnels dans le marché. Les fonds de pension, notamment, sont très actifs dans la recherche de cibles d'acquisition. Ils cherchent des sources de revenus stables sur de longues périodes, donc ils s'intéressent de près aux infrastructures et à l'immobilier. Dans l'ensemble, il y aura des transactions dans différents secteurs.

L.A. - Vous travaillez en partie dans les ressources naturelles. Les entreprises de ce secteur ont-elles le pied sur le frein ?

P.B. - Certains projets continuent de se développer, alors que d'autres ont été arrêtés avant les fêtes. Ce n'est pas tant attribuable au changement de gouvernement, qu'à la conjoncture économique mondiale. L'intérêt, cependant, est toujours là : les gens examinent ces projets, en discutent. Peut-être que des informations plus claires sur la question des redevances permettront une accélération de leur mise sur pied. Pour préparer un plan d'affaire, il faut savoir à quoi s'en tenir à long terme.

LE FINANCIER

Luc Bachand, vice-président du conseil de BMO Marchés des capitaux et responsable des activités au Québec

Les Affaires - Comment est le moral des entreprises québécoises ?

Luc Bachand - Les entreprises sont en bonne santé : leur bilan est sain, elles sont très peu endettées, et elles affichent une bonne capitalisation. Les conseils d'administration sont positifs et sont sans aucun doute prêts à utiliser leurs liquidités pour faire des transactions et des projets d'expansion. De plus, le dollar canadien est fort, les taux d'intérêt sont faibles, les banques veulent prêter, et les entreprises européennes et américaines se négocient à des multiples inférieurs à ceux des sociétés québécoises. On peut facilement dire que 2013 sera aussi prolifique sur le plan des transactions que 2012. D'ailleurs, plusieurs entreprises envisagent de gros projets. Reste à voir s'ils se concrétiseront.

L.A. - Le contexte économique mondial ralentit-il encore les ardeurs ?

L.B. - Il y a encore de l'incertitude, surtout en Europe et aux États-Unis, sauf que ça semble mieux contrôlé. Ça ne freine donc pas les entreprises d'ici, au contraire. Pour une entreprise bien évaluée, qui a des liquidités et du financement, c'est le moment de faire une acquisition. Si elle attend que tout soit beau, elle paiera pas mal plus cher ! Une acquisition transformationnelle, comme celle de Genivar, doit être analysée sur 10 ans.

L.A. - Y a-t-il des entreprises québécoises à vendre ?

L.B. - C'est très rare qu'une entreprise se mette en vente un bon matin. C'est plutôt une autre entreprise qui flaire une occasion, par exemple lorsqu'elle sent que l'autre se cherche. Si le conseil peine à trouver comment créer de la valeur, il peut décider d'entamer le dialogue avec ces entreprises qui ont fait des approches amicales. Et oui, en ce moment, il y en a qui s'interrogent sur la pertinence de changer de dirigeants, de se faire acheter ou de vendre une division.

L.A. - Rencontrez-vous des entreprises qui se préparent à entrer en Bourse ?

L.B. - Il y a de moins en moins de premiers appels publics à l'épargne. C'est tout simplement parce qu'il y a moins d'entreprises qui veulent être cotées, et non parce que le marché est fermé. Il a de belles sociétés privées qui pourraient le faire, mais qui n'en ressentent pas le besoin, puisqu'elles réussissent à financer leur croissance autrement. Aldo en est un bon exemple. Il reste que, même s'il y a peu d'intéressées potentielles, certaines sont susceptibles de le faire un jour. Elles peuvent vouloir faire le saut parce qu'elles souhaitent obtenir des liquidités, permettre à un actionnaire de sortir ou réaliser des acquisitions par échange d'actions. On peut penser à Bombardier Produits Récréatifs ou Camoplast, par exemple.

LE COMPTABLE

Nicolas Marcoux, leader canadien, transactions, PwC

Les Affaires - Quel est l'état du marché ?

Nicolas Marcoux - Si on récapitule, on peut dire que 2008 a été un tsunami financier, 2009 et 2010 ont été plutôt tranquilles, 2011 a montré une certaine reprise et 2012 a été encore plus forte. Je suis très optimiste pour 2013. Les institutions financières souhaitent prêter de l'argent, et c'est l'ingrédient essentiel aux transactions.

L.A. - Vous dites observer une nouvelle tendance depuis la mi-2012...

N.M. - On sent une volonté de la part des institutions financières québécoises, comme la Banque Nationale, la Caisse de dépôt et placement du Québec et le Fonds de solidarité FTQ, de garder ici nos belles sociétés québécoises. Par exemple, lorsque Gaz Métro a vendu sa participation dans Hydro Solutions, c'est un acteur local [Groupe Confort] qui l'a achetée, grâce au financement du Fonds de solidarité et de la Caisse de dépôt. Le Groupe Athos a acquis les salons funéraires Urgel Bourgie, une transaction elle aussi financée par des institutions financières québécoises. Ces dernières aident aussi nos sociétés florissantes à faire des acquisitions dans des marchés qui sont propices en ce moment, notamment l'Europe. C'est positif, selon moi.

L.A. - Quels secteurs sont les plus actifs ?

N.M. - Tout ce qui est lié à l'alimentation est très convoité, parce que le secteur est considéré comme étant à l'abri des récessions et de la concurrence chinoise. On voit aussi beaucoup d'activités dans les technologies, l'aérospatiale et tout ce qui touche les consommateurs, parce qu'il y a une certaine reprise de la confiance. Les services financiers pourraient également être un bon secteur sur le plan transactionnel en 2013, de même que les matériaux de construction. Avec la reprise de l'immobilier américain, plusieurs entreprises chercheront à consolider ce secteur.

L.A. - Selon vous, y a-t-il beaucoup d'entreprises étrangères qui cherchent à réaliser des acquisitions ici ?

N.M. - Au Canada, beaucoup de sociétés chinoises cherchent à acheter dans le domaine minier. Il y a aussi des sociétés indiennes très agressives dans les technologies et les sciences de la vie, deux secteurs où le Québec a un bon bassin d'entreprises. On voit aussi les Américains revenir à la charge, particulièrement les fonds d'investissement, sans toutefois que ce soit aussi fort qu'avant la crise. Ce sera intéressant de voir si nos sociétés québécoises seront en mesure de rester ici où si elles seront la cible de sociétés américaines.

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