Un train nommé reprise

Publié le 23/03/2013 à 00:00, mis à jour le 21/03/2013 à 10:23

Un train nommé reprise

Publié le 23/03/2013 à 00:00, mis à jour le 21/03/2013 à 10:23

Le Québec n'a pas le luxe d'ignorer la relance qui se profile aux États-Unis. Surtout pas au moment où son économie, elle, marque le pas. Plusieurs entreprises d'ici ont réussi à sauter à bord du train de la reprise américaine. Notamment grâce à une meilleure productivité.

Les boisés La Fleur ont durement subi les contrecoups de la crise américaine. La PME de Victoriaville, qui fabrique des feuilles de placage pour les fabricants de meubles et d'armoires de cuisine, tirait 85 % de ses revenus des États-Unis. Elle a vu ce ratio baisser à 70 % ces dernières années, tandis que le nombre d'employés est passé d'environ 50 à moins de 30. L'entreprise entrevoit toutefois des jours meilleurs.

«Je n'ai pas de boule de cristal, mais 2013 s'annonce mieux. L'an dernier, on s'attendait à une bien meilleure année, et elle a seulement été légèrement supérieure à 2011», dit le pdg Louis Lafleur.

Les boisés La Fleur n'est pas la seule entreprise à espérer un réveil du géant américain : le Québec ne compte plus que sur un nombre restreint de sources de croissance, note Benoît Durocher, économiste principal au Mouvement Desjardins.

Le repli du marché immobilier résidentiel québécois, qui a été accentué par l'introduction de nouvelles règles hypothécaires, est appelé à se poursuivre au cours des deux prochaines années. L'endettement élevé des ménages annonce par ailleurs une croissance modeste de la consommation.

Pourtant, «il y a de bonnes raisons d'être optimistes à propos de l'économie américaine», note Peter Hall, vice-président et économiste en chef de l'agence Exportation et développement Canada (EDC). Les économistes s'attendent à une croissance du PIB américain de 2 % cette année, tandis qu'au Québec on table sur un maigre 1 % de croissance.

Les entreprises américaines n'ont jamais été en aussi bonne posture, indique aussi EDC. Elles afchent des bénéces sans précédent de 1,9 billion de dollars et disposent de liquidités de 1,8 billion de dollars, le plus haut taux depuis les années 1950.

«S'il y a une reprise, on ne la voit pas encore vraiment», dit Bastien Lapierre, commissaire industriel au Conseil économique de Beauce.

Contrairement aux autres lendemains de sortie de crise en sol américain, l'économie québécoise pourrait ne pas tirer autant parti du réveil des États-Unis. «Certains secteurs vont profiter de la relance, mais, dans l'ensemble, les résultats pourraient être en deçà des attentes», dit Benoît Durocher.

Exportations stagnantes

Les exportations québécoises vers les États-Unis, qui comptent pour près de 70 % du total, tardent à remonter la pente depuis la chute enregistrée lors de la récession de 2008-2009. Elles ont manqué de vigueur en 2012, avec une légère progression de 1,1 %. Une tendance guère encourageante, selon le Mouvement Desjardins. Le solde commercial international du Québec est déficitaire depuis 2004, et ce déficit ne cesse de croître.

«Les exportations québécoises stagnent et les perspectives demeurent incertaines», note Sébastien Lavoie, économiste en chef adjoint chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne. D'autant, dit-il, que la reprise américaine se fait surtout sentir dans le sud des États-Unis, tandis que le Québec est surtout présent dans les marchés du nord-est.

Une situation dont profite surtout le Mexique. Le Canada n'est plus le seul à profiter de l'ALENA, dit M. Lavoie.

Autre contrainte importante : «la compétitivité des entreprises québécoises demeure un enjeu majeur», dit Audrey Azoulay, directrice, affaires publiques, chez les Manufacturiers et Exportateurs du Québec.

Innovation et productivité

Les entreprises qui vendent des produits haut de gamme, à forte valeur ajoutée ou à haut degré technologique ont de meilleures chances de faire bonne figure. «Bon nombre d'entreprises se sont ajustées à la hausse du dollar canadien en se lançant dans des produits de niche ou en améliorant leur productivité», dit M. Hall, chez EDC.

Il y a deux ans, Les boisés La Fleur ont investi 3,5 millions de dollars dans la construction d'une nouvelle usine et l'achat d'équipements afin d'être prêts pour la reprise américaine. «On a fait des gains de productivité de 18 %», explique Louis Lafleur.

La crise de 2008 a aussi amené Produits métalliques PMI, de Rimouski, à investir pour l'achat d'équipements afin d'améliorer sa productivité. «Il ne faut pas répéter les erreurs du passé et se fier à la faiblesse du dollar pour espérer vendre aux États-Unis. Il faut être plus performant», dit Jean Pouliot, président de cette PME qui fabrique entre autres des tours de télécommunications et des tours pour éoliennes.

Certaines entreprises devront aussi entrer de plain-pied dans le nouveau millénaire. «Il y a des entreprises qui attendent les commandes devant leur télécopieur, tandis que d'autres ont pris le virage numérique et partent avec leurs tablettes pour rencontrer les clients», note Bastien Lapierre.

C'est le cas de Garaga, le fabricant beauceron de portes de garage, qui a lancé une application iPad et un centre de design virtuel qui permet aux clients de visualiser et personnaliser les produits offerts. «Il faut adapter ses outils marketing et ses stratégies de commercialisation aux besoins d'aujourd'hui», dit le directeur des ventes, Martin Gendreau.

Quand la construction va...

Après des années difficiles sur le marché américain, l'industrie québécoise des produits du bois et autres fournisseurs du secteur de la construction commence à voir la lumière au bout du tunnel.

«On sent un regain d'activité», note Jacques Girard, vice-président, ventes, marketing et développement de produits chez Produits Forestiers Lamco. La PME de Saint-Félicien au Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui fabrique des produits structuraux et d'apparence en bois d'ingénierie pour les marchés résidentiel, commercial et industriel, s'attend à ce que le marché américain génère 50 % de ses revenus en 2013. Ses revenus en provenance des États-Unis atteignaient 35 % au milieu des années 2000, avant de décliner à la suite de la crise.

La tendance haussière du marché américain de l'habitation, amorcée l'an dernier, se poursuivra en 2013 alors que les mises en chantier devraient croître de 40 %.

Portées par 1,05 million de mises en chantier aux États-Unis, par rapport à 760 000 unités l'an dernier, les exportations de produits forestiers à destination des États-Unis devraient gagner 7 % l'an prochain, estime Exportation et développement Canada.

«Mais on est encore loin des sommets de plus de 2 millions enregistrés en 2005 et 2006», note Martin Gendreau, directeur des ventes chez Garaga, le fabricant de portes de garage de Saint-Georges. L'entreprise, qui vend ses produits dans le nord-est des États-Unis, note une légère augmentation des ventes aux États-Unis depuis deux mois. Martin Gendreau ne s'emballe pas pour autant. «On verra si la tendance se maintient. Mais l'impact de la récession se fait encore sentir», dit-il.

pierre.theroux@tc.tc

«Les moteurs internes de croissance s'essoufflent. Nous sommes rendus au point où il est nécessaire d'avoir un apport positif du sud de la frontière pour soutenir notre croissance économique.»

- Sébastien Lavoie, économiste en chef adjoint chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne

À la une

Trois actions pour une réelle transition énergétique

Il y a 9 minutes | Pierre Graff

EXPERT. Le Québec devrait investir dans l'innovation pour la production d'énergie et diversifier son approvisionnement.

À surveiller: Apple, Groupe CGI et Air Canada

Il y a 4 minutes | Jean Gagnon

Que faire avec les titres d'Apple, CGI et Air Canada? Voici quelques recommandations d'analystes.

Bourse: Wall Street commence en hausse poursuivant l'élan de fin de semaine

Mis à jour il y a 19 minutes | lesaffaires.com, AFP et Presse canadienne

REVUE DES MARCHÉS. La Bourse de Toronto a également commencé dans le vert.