Six solutions pour relancer nos usines

Publié le 11/02/2012 à 00:00

Six solutions pour relancer nos usines

Publié le 11/02/2012 à 00:00

Electrolux, Papiers White Birch, Mabe... Le secteur manufacturier québécois a perdu des centaines d'emplois en l'espace de quelques mois. Si la tendance se maintient, le poids du secteur manufacturier dans l'économie québécoise, qui a déjà diminué de 23,6 % à 16,3 % du PIB de 2000 à 2010, pourrait poursuivre sa descente jusqu'à 13,5 % en 2015 et 11,1 % en 2025.

Toutefois, ceux qui veulent lancer la serviette devraient y penser à deux fois. «Nous sommes tous manufacturiers», lance Louis Duhamel, associé de la firme Deloitte, pour souligner que des centaines de milliers d'emplois dans les secteurs primaires et tertiaires dépendent du bilan de santé du névralgique secteur manufacturier.

Abandonner le secteur manufacturier nuirait grandement au développement du Québec, affirme une vaste étude menée par Deloitte sur l'avenir de l'industrie manufacturière. À preuve : près de 50 % des dépenses totales de R-D dépendent du secteur manufacturier qui, bon an mal an, génère aussi 90 % des exportations du Québec.

Ces chiffres témoignent de «l'incapacité du secteur des services à se substituer au secteur manufacturier», affirme M. Duhamel.

Plusieurs solutions s'offrent au Québec pour renverser la tendance.

1. Retrouver la fierté

Il faut d'abord redonner au secteur sa fierté et sa place. «C'est un secteur déprimé, qui vit dans la morosité et qui a perdu le goût du risque», note Louis Duhamel.

«Le branding «Fabriqué au Canada» est un atout et doit être valorisé, au même titre que les produits allemands devenus synonymes de qualité ou les produits italiens associés au luxe et design», poursuit-il.

2. Attirer les jeunes

Il faut aussi rendre le secteur plus attrayant auprès des jeunes. Un sondage CROP réalisé en 2009 montre que 81 % des étudiants québécois ne sont pas ou peu intéressés par le secteur manufacturier qui, pourtant, «offre tout ce que les jeunes aiment, notamment l'innovation, la créativité, les voyages à l'international, et des emplois à forte valeur ajoutée», note Louis Duhamel, qui propose le lancement d'une campagne de promotion des emplois industriels.

Il souligne un grand paradoxe : il y a des licenciements massifs dans un secteur qui souffre pourtant d'une pénurie de main-d'oeuvre. À Montmagny, l'entreprise Ressorts Liberté, qui fournit les grands constructeurs automobiles, a dû refuser des contrats et freiner son expansion l'an dernier faute de main-d'oeuvre spécialisée.

3. Innover !

Autre piste de solution : les entreprises manufacturières sont condamnées à améliorer leur productivité et à innover. «Celles qui ne le font pas vont disparaître», clame Simon Prévost, président de Manufacturiers et exportateurs du Québec.

Certaines branches de secteurs traditionnels en déclin, notamment les industries du bois et du textile, revivent grâce à des entreprises qui ont pris le chemin de l'innovation et des produits à plus grande valeur ajoutée.

L'étude de Deloitte propose l'introduction d'un crédit d'impôt à la commercialisation pour «soutenir les entreprises dans leurs efforts de commercialisation de l'innovation, ce qui fait présentement défaut».

Certaines entreprises devraient aussi se regrouper pour développer des technologies qui leur permettraient de mieux concurrencer, ensemble, les entreprises étrangères. La collaboration entre grappes industrielles est également suggérée.

4. Investir dans l'équipement

Le secteur manufacturier requiert aussi d'importants investissements en automatisation. Or, malgré l'appréciation du dollar ces dernières années, les investissements dans les équipements ont décliné de 66 % depuis leur sommet en 2000.

5. Se distinguer par la traçabilité... manufacturière

«Le Québec a une expertise en matière de traçabilité des aliments. Pourquoi ne pas transposer le modèle dans le secteur manufacturier», dit Louis Duhamel. La traçabilité des pièces et composantes manufacturières permettrait de remonter la chaîne de valeur pour réagir rapidement à un manque de qualité ou à un bris touchant un produit livré.

6. Faire du secteur une priorité collective

L'étude de Deloitte note que les pays qui ont un parti-pris pour l'industrie manufacturière, notamment l'Allemagne et la Suède, sont en meilleure santé économique grâce au dynamisme de leurs exportations, tandis que d'autres qui l'ont délaissée, comme les États-Unis et le Royaume-Uni, ne connaissent pas la reprise espérée.

«Il est urgent que le gouvernement et tous les acteurs économiques reconnaissent l'urgence de la priorité manufacturière», plaide Simon Prévost.

Louis Duhamel, qui prône l'adoption d'une politique manufacturière au Québec, est aussi d'avis que la responsabilité incombe également «aux entreprises manufacturières, aux secteurs financiers et de l'éducation, et aux différents organismes d'appui présents au Québec».

LE BOIS, MATÉRIAU HIGH-TECH

De la peinture, des bioplastiques, des produits textiles et même du rouge à lèvres composés de fibres de bois ! Tel est le nouveau pari de Domtar qui, grâce aux fruits de la recherche de son partenaire FPInnovations, désireux de donner un second souffle à l'industrie forestière, vient d'inaugurer la première usine de nanocellulose cristalline du monde.

«L'avenir est certes riche de promesses. La nanocellulose ouvre de nouveaux débouchés pour la pâte», affirme Jean Moreau, président et chef de la direction de CelluForce, cette nouvelle entreprise née du savoir-faire manufacturier de Domtar et des connaissances scientifiques du centre de recherche FPInnovations. Son produit vedette est issu du processus de fabrication de la pâte de bois.

L'usine de Windsor, dans les Cantons-de-l'Est, construite au coût de 33 millions de dollars, amorce ses activités avec l'objectif d'atteindre en cours d'année une production quotidienne d'une tonne de nanocellulose cristalline. Des essais intégrant la nanocellulose dans le processus de fabrication de différents produits sont en cours dans le cadre d'ententes de collaboration entre CelluForce et quinze sociétés qui sont situées au Canada, aux États-Unis, en Europe et en Asie, et qui oeuvrent dans les secteurs des peintures et revêtements ainsi que des textiles et composites.

UNE ENTREPRISE PLEINE DE RESSORTS

Richard Guimont est actuellement en Asie. Le président de Ressorts Liberté, une entreprise de Montmagny dont les ressorts de précision équipent un véhicule sur deux produit annuellement dans le monde, est de passage en Corée, au Japon et en Chine «pour parler innovation avec ses fournisseurs et ses clients», précise M. Guimont, qui dit collaborer étroitement avec ses partenaires pour prévoir les besoins de l'industrie et développer des produits haut de gamme et sur mesure.

Comment une PME québécoise qui oeuvre dans un pays comptant peu de fabricants automobiles a-t-elle réussi à se démarquer auprès de clients prestigieux comme BMW, Toyota, Honda, GM, Porsche ou Aston Martin ? Comment tire-t-elle son épingle du jeu depuis 25 ans dans un secteur où la concurrence vient d'Allemagne et du Japon ? «En proposant des produits innovateurs. Nous n'avons pas le choix, il faut des produits de niche, sinon nous n'existerions pas», répond M. Guimont, en précisant que l'entreprise consacre une part substantielle de ses revenus à la recherche et au développement. L'entreprise de 300 employés, dont des ingénieurs et des techniciens spécialisés, travaille aussi avec des centres de recherche, comme l'Institute of Spring Technology en Angleterre.

Ressorts Liberté possède également trois autres sites de fabrication, à Toronto, en Chine et au Mexique. «C'est pour être près de nos clients, à leur demande», explique M. Guimont.

LE QUÉBEC, TRÈS DÉPENDANT DE SES EXPORTATIONS

(Pourcentage des biens manufacturés qui sont exportés, moyenne 2005-2009)

Suisse 67 %

Québec 56 %

Suède 56 %

Allemagne 54 %

Canada 49 %

France 42 %

Royaume-Uni 41 %

Japon 21 %

États-Unis 18 %

35 %

En moyenne, en 2007, les salaires dans le secteur manufacturier étaient de 35 % supérieurs à ceux consentis dans les autres secteurs (53 177 $ par rapport à 34 563 $) et ils ont augmenté plus vite. Cela tient au fait que ces emplois sont de haute qualité et exigent des qualifications de plus en plus spécialisées.

12,5 %

Baisse moyenne des marges des entreprises manufacturières québécoises entre 2004 et 2009. Il en découle une réduction des investissements et une diminution des dépenses en innovation.

162 000Entre le sommet atteint en novembre 2002 et 2011, le secteur manufacturier a perdu 162 000 emplois, pour chuter à 487 400 emplois.

LES PLUS GRANDS PERDANTS : LE TEXTILE, L'ÉLECTRONIQUE ET LA TRANSFORMATION DES MÉTAUX

(Variation de l'emploi manufacturier par industrie, TCAC 1999-2009)

Fabrication de produits du pétrole et du charbon 2,01 %

Fabrication d'aliments 0,44 %

Fabrication de produits métalliques -0,14 %

Fabrication de produits minéraux non métalliques -0,23 %

Fabrication de machines -0,39 %

Fabrication de matériel de transport -1,31 %

Fabrication de produits en caoutchouc et en plastique -1,52 %

Fabrication de papier -1,63 %

Fabrication de matériel, d'appareils et de composants -1,96 %

Fabrication de meubles et de produits connexes -2,23 %

Impression et activités connexes de soutien -2,59 %

Fabrication de produits chimiques -2,62 %

Total industrie -2,77 %

Activités diverses de fabrication -2,99 %

Fabrication de produits en bois -3,01 %

Première transformation des métaux -4,51 %

Fabrication de boissons et de produits du tabac -4,69 %

Fabrication de produits informatiques et électroniques -6,33 %

Usines de produits textiles -8,48 %

Fabrication de produits en cuir et de produits analogues -9,53 %

Fabrication de vêtements -11,55 %

Usines textiles -12,22 %

LA FABRICATION, UN SECTEUR AUSSI IMPORTANT QUE LA FINANCE POUR L'ÉCONOMIE DU QUÉBEC

(Part des différents secteurs dans l'économie en 2011)

2 % Agriculture, foresterie, chasse et pêche, et extraction minière, de pétrole et de gaz

4,5 % Services professionnels

6 % Construction

12 % Autres services

16 % Fabrication

17 % Commerce de gros et de détail, transport et entreposage

18 % Finance et assurance

24 % Services publics, administrations publiques, santé et enseignement

Source : «Le point sur le Québec manufacturier : des solutions pour l'avenir», Deloitte & Touche

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