Potash est-elle une entreprise à valeur stratégique ?

Publié le 13/11/2010 à 00:00

Potash est-elle une entreprise à valeur stratégique ?

Publié le 13/11/2010 à 00:00

On ne sait même pas à quoi ça ressemble.

Pratiquement personne, au Québec, n'en a jamais vu, à moins d'être allé en Saskatchewan. Et à moins d'être un amateur de football et des Rough Riders, fiers adversaires des Alouettes, la Saskatchewan n'est pas précisément sur le circuit touristique courant.

Mais la potasse, alias l'or rose, vient de faire brusquement irruption dans nos vies.

Les investisseurs savent qu'elle correspond à un symbole boursier, POT, pour PotashCorp, une des vedettes de la Bourse de Toronto. Les producteurs agricoles, eux, regardent de près le cours de ce minerai déterminant dans la fabrication des engrais. La planète en a besoin pour augmenter le rendement des cultures au moment où il faut nourrir toujours plus de bouches.

Pour les politiciens canadiens, elle représente surtout un méchant casse-tête.

Doit-on ou non laisser PotashCorp passer à des mains étrangères ?

Ottawa a tranché. Il a dit non à la vente à BHP Billiton, parce que la transaction ne se traduirait pas en un gain net pour le Canada.

Je n'insisterai pas sur l'aspect boursier de la chose. Le seul fait que le cours de Potash n'ait que légèrement baissé après l'annonce du veto d'Ottawa démontre que les Anglo-Australiens de BHP ont essayé de nous en passer une p'tite vite en se manifestant tout juste après la récession. Les marchés financiers s'attendent à une hausse du prix de la potasse, donc à des profits juteux pour le plus important producteur mondial du genre. Dans les circonstances, même à 130 $ l'action, l'offre de BHP était mesquine.

Si on résume, l'opposition s'est manifestée essentiellement sur deux fronts : financier et politique.

Les réserves des financiers n'avaient rien de patriotique. Il aurait probablement suffi que BHP soumette une meilleure offre pour obtenir l'appui des gestionnaires réticents. Dans les faits, la plupart des analystes ont maintenu leur prix cible sur Potash bien au-delà de son cours actuel dans les jours qui ont suivi le veto fédéral. On s'attend à ce que l'action grimpe, qu'elle soit portée par une meilleure rentabilité de l'entreprise ou par une offre plus généreuse que celle qui était sur la table. Cette première opposition était donc plutôt circonstancielle.

Il en va tout autrement de la fronde politique qui a surgi pour bloquer la transaction et qui a fini par forcer la main au gouvernement Harper. PotashCorp est une drôle d'entreprise canadienne, puisque son président et son bureau de direction logent à Chicago. Mais les gisements sont canadiens, tout comme le plus gros de ses activités. Et la potasse est un objet de fierté en Saskatchewan, autant que peut l'être, au Québec, l'hydroélectricité. Potash était d'ailleurs une société de la Couronne avant d'être privatisée en 1990. Le seul fait d'évoquer une mainmise extérieure sur l'entreprise a provoqué une commotion.

Était-ce d'abord une réaction émotive ? À première vue, oui. C'est cette corde qu'ont jouée les politiciens hostiles à la prise de contrôle, à commencer par le premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall. Mais l'argument était populiste. On peut croire qu'il craignait surtout pour les abondantes redevances que tire sa province de l'exploitation de la potasse. Quand la machine n'est pas brisée, ne la réparez pas, dit le proverbe anglais. BHP avait manifesté son intention de soustraire Potash de Canpotex, le groupe qui contrôle l'exportation - et donc le prix - de la potasse. Le risque est apparu trop grand.

Entre vous et moi, c'était là un gros noeud. Mais l'opposition ne reposait pas seulement sur une banale affaire de fric. Le Canada a laissé tomber ses chefs de file sans broncher au fil des ans. Le nickel (Inco, Falconbridge), le cuivre (Noranda), l'aluminium (Alcan), la sidérurgie (Dofasco, Ipsco, Algoma, même Sidbec), tous sont maintenant sous domination étrangère. Le Canada s'est montré bon garçon. Il n'a pas érigé de barrières. D'autres pays ne se sont pas embarrassés de tels scrupules pour protéger leurs champions. Pensez-vous que la France laisserait filer Renault, ou que les Américains diraient adieu à Apple, sans réagir ?

C'est là que se situe le vrai débat. Potash est-elle ou non une entreprise à valeur stratégique ? Est-ce vrai pour Bombardier, Research In Motion, Bell, le CN ou Suncor ? À mon sens, bien plus que dans le cas de PotashCorp, ne serait-ce qu'à cause de tout le savoir-faire que ces leaders ont développé.

Où faut-il tracer le trait entre ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas ? Si on y parvient, l'affaire Potash aura au moins servi à cela.

De mon blogue

www.lesaffaires.com/rene-vezina

Exit Government Motors, revoici GM

Que GM revienne sur pied, avec - on l'espère - de bonnes résolutions et des produits de meilleure qualité, c'est en soi une nouvelle revigorante [...] À l'époque, on ne donnait pas cher de sa peau. Chrysler aussi était à l'agonie. Les gouvernements américains, canadiens et ontariens ont estimé que le risque de faillite était trop grand et que les conséquences en seraient trop dramatiques (suite sur le blogue).

Vos réactions

" Oui, mais pourquoi allez en Bourse tout de suite ? Pourquoi ne pas attendre d'avoir une feuille de route plus longue que trois trimestres avant de demander aux investisseurs de donner une valeur à son entreprise ? "

- Alexis Beauchamp

" Probablement parce que ce n'est pas le mandat d'un gouvernement de construire des voitures. J'avoue par contre que je ne comprends pas l'idée du gouvernement d'enregistrer lui-même une perte, alors qu'il a sorti cette entreprise d'une faillite imminente. Il faut comprendre que l'argent du gouvernement, c'est les taxes des contribuables, donc de nous tous.. "

- Getalife

rene.vezina@transcontinental.ca

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