Plus d'aliments d'ici, à condition qu'ils se démarquent

Publié le 08/06/2013 à 00:00

Plus d'aliments d'ici, à condition qu'ils se démarquent

Publié le 08/06/2013 à 00:00

Accorder une plus grande place aux produits québécois dans nos assiettes, tel est le principal objectif de la politique dite de souveraineté alimentaire annoncée par Québec à la mi-mai. Les vannes sont-elles ouvertes pour les producteurs d'ici ? Pas tout à fait.

Le gouvernement souhaite faire passer le contenu de l'assiette des Québécois en aliments produits ou transformés ici de 33 % à 50 %. Pour atteindre une plus grande souveraineté alimentaire, l'accès aux produits québécois, partout où se vendent et se consomment des produits alimentaires, doit être amélioré, lit-on dans le document portant sur la nouvelle politique.

Un objectif réalisable, selon les grands épiciers qui sont directement interpellés par cette politique. «Nous offrons déjà beaucoup de produits québécois. C'est un cheminement naturel d'en vendre encore davantage», affirme Alain Dumas, directeur principal, affaires publiques, de Sobeys Québec qui exploite l'enseigne IGA.

Même son de cloche chez l'autre géant Metro. «L'achat local fait déjà partie de notre quotidien, et nous travaillons à optimiser l'offre de produits québécois», assure Marie-Claude Bacon, directrice principale, affaires corporatives, chez Metro.

Metro annonçait d'ailleurs le 1er mai l'adoption d'une politique d'achat local de ses produits agroalimentaires, qui vise principalement à accroître la présence et la visibilité des produits régionaux dans ses magasins. Mais attention : cette politique «n'est pas une garantie qu'on va prendre tout ce qui est offert sur le marché», précise Mme Bacon.

Les producteurs et les transformateurs devront en effet proposer aux grandes chaînes d'alimentation des produits qui se démarquent de la concurrence et répondent aux besoins de la clientèle.

Il cite l'exemple du porc Nagano, un produit de niche développé par l'entreprise québécoise Lucyporc, qui fait partie du Groupe Robitaille. Sa popularité auprès des restaurateurs et des consommateurs a amené IGA à l'offrir dans la plupart de ses magasins.

Le prix de manger local

Le gouvernement compte d'ailleurs sur la pression exercée par les consommateurs pour convaincre les grands détaillants d'adhérer à sa nouvelle politique. Les consommateurs québécois dépensent environ les trois quarts de leur budget d'alimentation dans les magasins de détail et le quart dans les établissements de restauration, indique le ministère.

Ils sont prêts à manger davantage de produits québécois, mais pas à n'importe quel prix. «Les consommateurs ont modifié leur comportement depuis la crise. Il y a une plus grande précarité financière et ils s'assurent d'en avoir plus pour leur argent», note Mme Bacon.

«Ils sont prêts à acheter des produits québécois, mais à un juste prix», dit M. Dumas.

La question des prix touche aussi les restaurateurs quand vient le moment de s'approvisionner. «Les restaurants ont des budgets serrés, et leur marge de profit est faible. Ça pèse dans la balance lorsqu'ils choisissent des fournisseurs», dit Dominique Tremblay, porte-parole de l'Association des restaurateurs du Québec (ARQ).

«Quand c'est possible, et à qualité égale ou à des coûts comparables, on privilégie les fournisseurs québécois», soutient Josée Vaillancourt, porte-parole des Rôtisseries St-Hubert.

Les prix sont également un enjeu de taille pour la Fédération des producteurs de porcs du Québec. «On travaille dans un contexte de concurrence mondiale, et le porc américain est vendu ici à des prix dérisoires», déplore Julie Gélinas, directrice marketing à la Fédération.

La vente de porc québécois a néanmoins enregistré une hausse de 4 % au cours de la dernière année. Un résultat qui s'explique en partie par les campagnes publicitaires menées par la Fédération pour amener le consommateur à exiger le porc du Québec auprès des détaillants et des restaurateurs. Pour se démarquer davantage de la concurrence, la dernière offensive publicitaire mettait en valeur les 32 coupes de porc offertes sur le marché et ses variétés de recettes.

16 000 produits «du Québec»

Les initiatives visant à promouvoir et à accroître la proportion d'aliments d'ici consommée par les Québécois se sont multipliées au cours des dernières années. On n'a qu'à penser aux différentes campagnes comme «Mettez le Québec dans votre assiette» et aux efforts de l'organisme Aliments du Québec pour mettre en valeur les produits du Québec dans les établissements alimentaires de détail.

Aujourd'hui, plus de 16 000 produits arborent d'ailleurs l'un ou l'autre des logos «Aliments du Québec» et «Aliments préparés au Québec». On en comptait 4 000 il y a cinq ans à peine.

«Il y a encore beaucoup de sensibilisation à faire auprès des consommateurs», dit Florent Gravel, président de l'Association des détaillants en alimentation du Québec.

Les ventes augmentent jusqu'à 30 % dans les magasins qui apposent le logo Porc du Québec sur l'emballage, constate la Fédération des producteurs de porcs du Québec. Mais «l'étiquetage est laissé à la discrétion des gérants et des bouchers», souligne Mme Gélinas, en précisant que la Fédération et les grandes chaînes travaillent ensemble pour accroître la visibilité du porc québécois.

Autre exemple de collaboration : le 21 mai, une trentaine de restaurateurs de la Côte-Nord avaient donné rendez-vous à Baie-Comeau à des producteurs agricoles et des transformateurs alimentaires de la région venus présenter leurs produits. Mises sur pied en 2009 par l'ARQ, qui a depuis organisé une douzaine de rencontres du genre au Québec, ces activités de réseautage visent à rassembler ces différents acteurs sous un même toit. «C'est une occasion privilégiée pour les restaurateurs et les fournisseurs de mieux se connaître et développer des relations d'affaires», souligne la porte-parole, Dominique Tremblay.

Géolocaliser les légumes d'ici

À la fin de mai, l'Association québécoise de la distribution de fruits et légumes lançait le site fraicheurquebec.com à l'intention des chefs et des restaurateurs. Doté entre autres d'un système de géolocalisation, cet outil de recherche leur permettra d'entrer plus facilement en contact avec les producteurs maraîchers, de connaître la disponibilité de leurs produits, et ainsi d'augmenter l'offre de fruits et légumes du Québec dans leurs menus.

Les routes et circuits thématiques qui ont essaimé dans plusieurs régions du Québec ont aussi contribué à accroître la visibilité et les ventes de produits du terroir et régionaux.

L'INDUSTRIE BIOALIMENTAIRE QUÉBÉCOISE EN BREF

66 500 Nombre d'entreprises (production, transformation et distribution, y compris au détail)

475 000 Nombre d'emplois (12 % de l'emploi total)

23,1 G$ Volume de ventes au détail

10,4 G$ Chiffre d'affaires des quelque 20 000 restaurants

13 % Le consommateur québécois consacre 13 % de ses dépenses à l'alimentation (9 000 $ par ménage et par an).

Activités de transformation alimentaire

25 % Viandes et volailles

17 % Boissons et tabac

7 % Pains et produits de boulangerie

6 % Fruits et légumes

5 % Sucre et confiseries

19 % Autres

21 % Produits laitiers

Produits les plus recherchés au Québec¹

+ Les produits de boulangerie, spécialement le pain

+ Les fromages, avec une préférence marquée pour les fromages naturels et les fromages vieillis

+ La viande bovine fraîche

+ Les légumes et les fruits frais

À l'opposé, les moins recherchés

- Les grains et les produits céréaliers

- La viande de volaille

- Les boissons gazeuses sucrées

- Le sucre et les sucreries, notamment les bonbons et le chocolat

- La margarine

- Les mets préparés surgelés

¹ Pour lesquels les ménages québécois consacrent une plus importante part de leurs dépenses alimentaires par rapport au reste du Canada.

Source : Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec

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