Pas de place pour la morosité chez Van Houtte

Publié le 24/11/2012 à 00:00, mis à jour le 22/11/2012 à 10:00

Pas de place pour la morosité chez Van Houtte

Publié le 24/11/2012 à 00:00, mis à jour le 22/11/2012 à 10:00

L'action de Green Mountain Coffee Roasters, propriétaire de Van Houtte depuis l'automne 2010, a plongé de 106 $,il y a à peine plus d'un an, à 23 $. Cette vrille boursière marque-t-elle la fin de la croissance ? Pas selon Sylvain Toutant, récemment promu pdg de GMCR Canada. En fait, l'ancien pdg de la SAQ déborde d'enthousiasme.

Dans son nouveau bureau, qui surplombe le trou béant de la carrière Saint-Michel, à Montréal, Sylvain Toutant fait sans le savoir référence à la prière des Alcooliques Anonymes : avoir la sérénité d'accepter les choses qu'on ne peut changer, le courage de changer celles qu'on peut changer et la sagesse d'en connaître la différence.

Dans la première catégorie, celle qui est hors de son contrôle, le pdg de Green Mountain au Canada classe la volatilité du titre en Bourse. Subjugué par une croissance fulgurante des revenus (de 500 M$ à 3,8 G$ en quatre ans), le marché boursier était tombé follement amoureux du torréfacteur américain. Puis, les investisseurs ont réalisé que Green Mountain Coffee Roasters (GMCR) ne pourrait maintenir cette essoufflante cadence indéfiniment. «Si vous regardez la valeur boursière sur quatre ans, c'est absolument exceptionnel comme croissance», dit Sylvain Toutant, refusant de commenter davantage.

Le dirigeant de 49 ans se révèle beaucoup plus loquace lorsqu'il aborde l'avenir de GMCR Canada, la division regroupant Van Houtte, Timothy's et les activités canadiennes de Keurig. Il en a pris la tête le 25 octobre en remplacement de Gérard Geoffrion, nommé président du développement des affaires internationales de GMCR.

Les troupes affichent un excellent moral malgré la fin de la lune de miel en Bourse, assure-t-il. D'ailleurs, la veille de notre rencontre, lui et quelques membres de son équipe participaient à une journée de «priorités clés» avec une trentaine de dirigeants de GMCR. «Il y a de nombreux projets en préparation, et les gens sont motivés et très optimistes par rapport à l'avenir.»

Toujours plus de godets pour croître

Parmi ces projets, les innovations liées aux godets Keurig (K-Cup) semblent particulièrement prometteuses à l'équipe canadienne. Déjà, des godets permettent d'infuser du thé glacé depuis quelques mois. D'autres produiront bientôt du cidre de glace. Aux États-Unis, GMCR offre même des jus de fruits en godets. «Offrir des produits chauds et froids nous ouvre une très grande porte», explique Sylvain Toutant.

«On essaie de transformer la façon dont les gens ont accès à toutes ces boissons», poursuit-il. À tel point que l'organisation se définit désormais comme une entreprise de boissons, et non seulement de café.

Il faut dire que la concurrence s'avive pour Keurig. En plus des autres machines à infuser existantes, elle affrontera sous peu des godets de marque privée (compatibles avec les machines Keurig). Le brevet est échu depuis octobre, et des multinationales ont déjà annoncé qu'elles comptaient en profiter. «Le concept des godets repose sur la facilité, la qualité et la variété. Pour bien livrer tout ça, ça prend du temps», relativise Sylvain Toutant, rappelant que Keurig développe des godets depuis plus de 10 ans.

Face à ces nouveaux venus, GMCR mise sur la variété, les économies d'échelle et l'innovation. Déjà lancée aux États-Unis, la nouvelle génération d'infuseurs, appelée Vue, devrait faire son entrée au Canada «peut-être à la fin de 2013.» Cette machine offrira plus d'options, dont des boissons à base de lait.

D'ici là, Sylvain Toutant tentera de convaincre ses patrons du Vermont d'agrandir l'usine montréalaise afin que tous les godets vendus au Canada soient produits au pays, un projet de 40 à 45 M$. «Nous avons réussi à réaliser tous nos projets d'agrandissement depuis que nous sommes avec GMCR», dit-il.

Montréal a rapatrié la création marketing de Keurig pour le Canada, après des publicités au doublage douteux. Sid Lee, qui s'occupe déjà de Van Houtte, a raflé le mandat. Une partie du budget pourrait être consacré au placement de produit, une approche testée cet automne dans La Galère et Les Parents. «C'est un média intéressant, parce qu'il entre dans le quotidien des gens. Il faut toutefois bien choisir nos émissions et user de subtilité.» Les placements réalisés jusqu'à maintenant étaient parfois trop subtils, parfois pas assez, juge-t-il.

Une centaine de bistros

Dès son arrivée chez Van Houtte, en 2008, Sylvain Toutant a milité pour les bistros. Sous sa gouverne, ils sont passés de 56 à 46, puis à 70. Le pdg vise la centaine d'ici trois ou quatre ans.

Ces nouveaux établissements adopteront une image revue et corrigée, inaugurée à Saint-Hubert. Dans ce concept développé par Sid Lee, les clients voient le café derrière le comptoir et peuvent acheter des godets, en plus de profiter d'un menu allégé et d'un décor renouvelé. «On ne peut pas laisser filer la vitrine que nous offrent les bistros. C'est du placement de produits sur les stéroïdes !» s'exclame en riant Sylvain Toutant.

GMCR CANADA EN CHIFFRES

1 708

Nombre d'employés au pays, dont 705 à Montréal. GMCR Canada prévoit embaucher de 75 à 100 personnes en 2013.

40 à 45 M$

Investissements prévus par GMCR Canada au cours des deux à trois prochaines années

Depuis quatre ans, les ventes au détail (vrac, pots, godets) sont passées d'environ 40 % aux deux tiers des revenus totaux. Van Houtte a vendu sa division américaine de pause-café et accru ses ventes de godets.

«UNE CRISE DÉMARRE TOUJOURS DE FAÇON ANODINE»

Lorsque le public a su que la SAQ suggérait à des producteurs de gonfler leurs prix afin de contrebalancer la baisse de l'euro, la tempête a déferlé. Emporté par cette tourmente, Sylvain Toutant a quitté son siège de pdg deux ans avant la fin de son mandat. Avec un recul de cinq ans, il raconte ce qu'il a appris de ce douloureux épisode.

«J'ai compris qu'une crise, ça démarre toujours près de la machine à café, de façon très anodine. Maintenant, si quelqu'un me dit "on a eu tel enjeu, mais tout est réglé", je n'ai plus la même réaction. J'ai de meilleurs réflexes.

Lorsqu'on gère une grande entreprise, on peut décider de ne pas consacrer d'énergie à un enjeu de 30 000 $, par exemple. Mais une crise n'a rien à voir avec la matérialité ! En ce sens, je sais très bien ce que j'aurais pu faire différemment. Je me souviens de toutes les dates ! C'était le 21 décembre, vous pouvez imaginer l'ambiance... Quelqu'un m'a dit "on a eu un appel dans ce dossier-là, j'ai trouvé ça bizarre, mais j'ai vérifié et tout est correct." J'ai été rassuré, tout comme cette personne l'avait été. En fait, j'aurais dû tout arrêter et rassembler les personnes concernées.

«Tant que tu n'as pas vécu une telle crise, un côté de toi ne veut pas avoir l'air paranoïaque. Aujourd'hui, je sais que seuls les paranoïaques survivent. Nous sommes les yeux et les oreilles de nos actionnaires : il faut entrer rapidement et profondément dans une problématique. Puis, à un moment donné, quelqu'un te dit qu'il croyait faire la bonne chose... Si tu es au début du processus, tu peux réagir. Autrement, tu es pris à gérer une crise plutôt que la problématique.»

marie-claude.morin@tc.tc

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