On ne peut pas taxer le chant des oiseaux, malheureusement

Publié le 04/12/2010 à 00:00

On ne peut pas taxer le chant des oiseaux, malheureusement

Publié le 04/12/2010 à 00:00

bonne nouvelle : entre septembre 2009 et septembre 2010, la rémunération hebdomadaire moyenne des salariés québécois a augmenté plus que celle des salariés canadiens, nous apprenait Statistique Canada à la fin de novembre (4,7 %, comparativement à 4,3 %). Mais, moins bonne nouvelle, dans l'ensemble, nos salaires demeurent très inférieurs à ce que l'on trouve ailleurs au pays. Ici, un salarié gagne en moyenne 800 $ par semaine, alors que la barre canadienne se situe à 864 $.

L'écart est tout aussi saisissant lorsqu'on prend comme référence le PIB. Par habitant, le produit intérieur brut québécois est d'environ 38 000 $ ; en Ontario, notre voisin immédiat, il dépasse 45 000 $.

Nous ne sommes peut-être pas pauvres, mais nous ne sommes certainement pas riches. Ce qui ne nous empêche pas de nous offrir des programmes qui font l'envie de nos compatriotes : congé parental, garderies à prix d'aubaine, frais universitaires modestes... Le Québec a de grandes ambitions, mais de bien petits moyens.

Pas grave, répondent les défenseurs d'un certain modèle québécois. " Ici, disent-ils, la main sur le coeur, notre qualité de vie est meilleure qu'ailleurs. "

Des lendemains douloureux

" Oui, mais on ne peut pas taxer le chant des oiseaux ! " La citation est de Robert Gagné, professeur à HEC Montréal et directeur du Centre sur la productivité et la prospérité. C'est beau la qualité de vie, mais il faut aussi pouvoir payer les factures. Qu'on aime ou non les oiseaux n'est pas la question. Avec des revenus - individuels et collectifs - plus minces qu'ailleurs, le Québec se prépare des lendemains qui déchantent.

Le Conference Board nous l'a rappelé brutalement, il y a deux semaines, en soulignant que le gouvernement québécois allait se retrouver avec un déficit de 45 milliards de dollars (G$) en 2030 si rien ne change. Avec une population vieillissante, le budget de la santé filera vers la stratosphère, tandis que les revenus fiscaux risquent de stagner. Pour revenir à l'équilibre, il faudrait multiplier les revenus, obtenir d'énormes gains de productivité, imposer de sévères compressions budgétaires ou se résoudre à de plus larges ponctions en taxes et impôts. On évoque même une TPS-TVQ haussée à 19,5 % (elle augmentera de 1 % en janvier, à 13,5 %). Ce n'est rien en comparaison des Irlandais, qui se verront imposer une TVA (taxe sur la valeur ajoutée) de 23 % dès 2014, mais la perspective est terrifiante.

Au fond, le Conference Board ne fait qu'amplifier les conclusions du Comité consultatif sur l'économie et les finances publiques, mis sur pied en octobre 2009 par le ministre Raymond Bachand pour préciser notre situation fiscale et les choix qu'il nous faudra faire. Il était composé des économistes Pierre Fortin, Luc Godbout, Claude Montmarquette... et Robert Gagné.

Le troisième rapport du groupe, intitulé " Une voie durable pour rester maîtres de nos choix ", a été déposé en février. Son verdict était aussi clair que celui du Conference Board. Si le statu quo persiste, le Québec se dirige vers une impasse. " Le déséquilibre croissant entre les revenus et les dépenses entraîne une véritable explosion du déficit ", écrivent les auteurs, qui l'établissent à 31,4 G$ en 2025-2028. Inévitable ? Non, mais il faudra affronter la réalité, sinon nous allons être jetés sur le pavé.

De toutes les options soulevées, j'aime celle qui consiste à multiplier les revenus. C'est faisable. Le potentiel de développement de nos ressources, par exemple, est immense. Il est prévu qu'une première mine de diamants, le projet Renard, entre en production d'ici quelques années. Les salaires versés iront bien au-delà de la paie moyenne de 800 $ mentionnée plus haut. Mais vous savez quoi ? Il n'a pas fallu beaucoup de temps avant que des rabat-joie remettent en question le projet en disant qu'au fond, les diamants ne servent qu'aux riches... Mieux vaudrait les laisser sous terre, probablement.

Si jamais Ferrari décide de construire une usine au Québec, grogneront-ils encore ? Si Cartier vient un jour assembler ici ses produits de luxe, rouspéteront-ils encore ? Si le Québec devient plus riche, le déploreront-ils ?

Il va nous falloir nous décider. Oui à la qualité de vie, si elle va de pair avec la création de richesse. Autrement, nous pourrons toujours nous prétendre plus riches du chant des oiseaux. Mais j'ai bien peur que les recettes qu'ils génèrent ne suffisent pas à équiper les blocs opératoires et les salles de classe.

De mon blogue

www.lesaffaires.com/rene-vezina

Irlande : la faute aux banques, pas aux modèles

" Les Irlandais ont toutes les raisons d'être en furie. Et vous savez quoi ? Je vous gage qu'aucun de ces financiers irresponsables n'ira en prison. La sanction, ce sont les gens ordinaires qui la subiront " (suite sur le blogue).

Vos réactions

" J'ai l'impression que l'Irlande a vécu l'éclatement d'une énorme bulle immobilière et que la participation à l'euro a empiré les choses : d'abord pour faciliter le crédit, ensuite en rendant les conséquences encore plus pénibles. "

- pbrasseur

" Pendant plus d'une décennie, l'Irlande était le plus grand paradis fiscal d'Europe. En aidant les entreprises européennes à se soustraire aux administrations fiscales des pays voisins, elle a affaibli l'ensemble de la zone euro. "

- mondo

" Dites-moi, M. Vézina, les banques centrales n'y auraient pas aussi ajouté leur "ti-grain" de sel en diminuant leurs taux au plancher...? Par exemple, aux USA, Greenspan et Bernanke portent une bonne part du gâchis causé à leur économie ! "

- dencour

rene.vezina@transcontinental.ca

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