Les gens de Québec ne sont pas mystérieux

Publié le 08/09/2012 à 00:00, mis à jour le 06/09/2012 à 09:32

Les gens de Québec ne sont pas mystérieux

Publié le 08/09/2012 à 00:00, mis à jour le 06/09/2012 à 09:32

La rivalité entre Montréal et Québec a récemment surgi de nouveau, cette fois dans le contexte des élections. Les citoyens des deux villes ne votent pas de la même façon. Et on a régulièrement lu ou entendu au cours des dernières semaines des commentateurs s'interroger sur ce qu'il est convenu d'appeler le « mystère Québec », une expression qui contient une bonne dose de montréalocentrisme. Ceux qui ne sont pas pareils sont forcément mystérieux.

Mais au fond, vu du Cap Diamant, on pourrait tout aussi bien évoquer l'existence d'un « mystère Montréal ». Les manifestations, les embouteillages, les bobos (bourgeois bohèmes), les carrés rouges, le pouvoir écartelé entre tous les roitelets de quartier, Le Plateau, la nostalgie de la gloire passée, autant en finances qu'en hockey... sans compter les allégeances politiques. En vérité, ils sont bien étranges, ces Montréalais !

Voilà pour les clichés. Au fond, en paraphrasant Sylvain Lelièvre, on est toujours un peu le mystère de quelqu'un. Il suffit de vivre ou de penser différemment.

Rien n'empêche qu'il existe une « particularité Québec ». La reconnaître et la comprendre permet de mettre en perspective bien des comportements. Comment expliquer autrement le fait que 20000 personnes se soient déplacées par un bel après-midi ensoleillé pour assister à une pelletée de terre symbolique en rêvant du futur amphithéâtre qui accueillera la future équipe d'une LNH à redéfinir ?

L'agglomération de Québec a ses particularités, comme toutes les villes. Elle a son genre propre, sur les plans tant social, économique que culturel. Et je suis d'autant plus à l'aise d'en parler que j'y suis né et que j'y ai grandi. Plusieurs facteurs contribuent à son originalité.

Tout d'abord, son homogénéité. La ville de Québec est francophone à 98%. En comptant les banlieues, elle comprend près de 700000 habitants. En outre, de toutes les grandes villes canadiennes, c'est celle qui compte proportionnellement le moins d'immigrants de première génération : à peine 3% par rapport à 10% pour l'ensemble du Québec, et à environ 15% pour l'ensemble du Canada.

Un tricot difficile à intégrer

À Québec, traditionnellement, on ne demandait pas simplement à son interlocuteur d'où il venait : on s'attendait à être fixé sur sa paroisse d'origine. Saint-Pascal, Saint-Louis-de-France, Saint-Sacrement... Un milieu tricoté serré, avec des références communes, et qui réagit donc en séquence. Pour les gens qui viennent de l'extérieur, il peut paraître difficile de s'y glisser - et le commentaire revient régulièrement. En revanche, on y partage des valeurs communes. C'est déjà là un début de solidarité.

Par ailleurs, dans le contexte de la faible natalité québécoise, ce manque de forces fraîches accélère le vieillissement de la population. L'âge médian de la région métropolitaine de recensement de Québec atteignait 42,3 ans à l'été 2012, un an de plus que celui de l'ensemble du Québec et deux ans de plus que celui du Canada.

En fait, Québec est l'une des grandes villes les plus âgées du pays, avec Victoria, en Colombie-Britannique. Elle présente également, depuis plusieurs années, un des plus faibles taux de chômage du Canada. Son économie demeure florissante. Et oubliez la rengaine selon laquelle elle profite surtout de la présence de milliers d'emplois gouvernementaux stables et bien rémunérés, ce qui lui faciliterait la vie. En vérité, l'emploi privé domine depuis quelques décennies. Et sa part relative dans le marché du travail s'accroît continuellement.

Est-ce le sentiment que la recette est bonne et qu'il ne faut surtout pas la changer qui rend les gens de Québec plus contents et plus conservateurs que ne le sont ceux de Montréal ? C'est vrai qu'ils sont moins portés à contester et à prendre les rues d'assaut. Même les plus jeunes : durant la crise étudiante, pas un seul cégep de la région n'a voté pour la grève illimitée, pas même celui de Limoilou, pourtant un des hauts lieux du militantisme étudiant du siècle passé. Ce qui ne veut pas dire que les gens courbent docilement l'échine devant l'opposition. Les combats ne sont pas les mêmes, c'est tout. Les Nordiques avant les droits de scolarité ? Et pourquoi pas ?

Peu importe le résultat du vote, les chefs de parti tout comme les commentateurs continueront de se gratter la tête et de s'interroger sur ces Québécois si mystérieux. Une suggestion : mettez les questionnements existentiels de côté et allez vous promener sur la terrasse Dufferin par un beau jour de septembre. Vous ne les comprendrez pas davantage, mais la vue y est splendide...

DE MON BLOGUE

Élections 2012

Jean (Charest) et la fourmi

Traduisons La cigale et la fourmi : Jean Charest ayant flâné pendant l'essentiel de son mandat, se trouva mal pris à la veille des élections. Il alla demander la faveur des citoyens, les priant de lui prêter les votes nécessaires pour se tirer d'affaire. Mais les électeurs ont la mémoire longue, c'est là une de leurs qualités. « Que faisiez-vous alors que vous deviez avoir les deux mains sur le volant ? » demandèrent-ils à cet emprunteur...

Vos réactions

« À Québec, on présente actuellement la pièceLes animaux malades de la peste. » - berixyz

« J'admets que sous certains angles M. Charest mérite le rôle de la cigale. Il a connu une campagne horrible, à l'image de son mandat. Il a géré le dossier étudiant comme un amateur. Il a mal « vendu » son Plan Nord, que les populistes antirichesse et anticroissance ont déchiqueté. Et je ne parle même pas de la commission Charbonneau. Toutefois, sous son règne, les revenus de l'État ont cru - qu'on pense aux redevances minières ou aux tarifs d'électricité. » - Patrick

rene.vezina@tc.tc

blogue > www.lesaffaires.com/rene-vezina

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