On exige désormais que les ingénieurs aient des connaissances en gestion, en finance et en communication. Bref, l'ingénieur de demain devra maîtriser de multiples domaines.

" Les projets d'ingénierie sont plus complexes qu'autrefois ", dit Guy Gendron, doyen de la Faculté des sciences et de génie de l'Université Laval. " Qu'il s'agisse de l'exploitation des gaz de schiste ou de la réfection de l'échangeur Turcot, les projets en génie doivent tenir compte des aspects techniques, environnementaux et économiques. "

Les ingénieurs ne peuvent plus se contenter d'une formation technique. Pour se tailler une place dans un marché international très concurrentiel, ils doivent compléter leurs connaissances en ingénierie par des compétences en leadership, en gestion, en droit, en analyse de risques, en environnement et en communication. Ils doivent également faire du développement durable, c'est-à-dire considérer aussi les côtés économiques ou sociaux des équipements ou des procédés qu'ils proposent.

" Être un leader et savoir analyser les risques financiers ou environnementaux d'un projet donne à l'ingénieur une valeur ajoutée et lui permet de se distinguer ", dit Gérard Lachiver, doyen de la Faculté de génie de l'Université de Sherbrooke.

" Un ingénieur qui communique bien et sait vulgariser son propos établira plus facilement un lien de confiance avec le grand public ou ses clients ", estime pour sa part Johanne Desrochers, pdg de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec. C'est encore mieux s'il maîtrise les questions légales et financières de ses projets, ajoute-t-elle. " Il ne s'agit pas qu'il devienne un spécialiste, mais qu'il ait une meilleure vue d'ensemble. " Après tout, certaines firmes n'ont ni avocat ni comptable à temps plein à leur emploi...

Enfin, à l'heure de l'environnement, il est essentiel que tout ingénieur maîtrise des éléments tels l'efficacité énergétique, la prévention de la pollution et le recyclage des matériaux.

Des aptitudes naturelles à développer

Certaines compétences essentielles s'acquièrent davantage sur le terrain, comme l'éthique, qui est devenue un enjeu central au Québec. C'est particulièrement vrai pour les ingénieurs qui travaillent en collaboration avec l'industrie de la construction, elle-même aux prises avec des allégations de collusion.

Concrètement, un ingénieur professionnel doit poser les bonnes questions et garder l'intérêt public en tête. " Cela peut vouloir dire éviter une apparence de conflit d'intérêts en comprenant et en expliquant bien les expertises qu'amène chacune des firmes dans un consortium ", illustre Gérard Lachiver.

La capacité à s'adapter est une autre aptitude qui s'apprend loin des bancs d'école. " Cette qualité est surtout importante pour les ingénieurs qui sont appelés à travailler à l'étranger ou avec d'autres types de scientifiques, comme des médecins ou des biologistes ", mentionne Johanne Desrochers.

Génie aérospatial et biomédical

Pour répondre à la demande de l'industrie, de nouvelles spécialisations voient le jour. " Polytechnique a créé il y a deux ans le premier baccalauréat en génie aérospatial du Québec ", souligne Christophe Guy, directeur général de l'École. Les diplômés, particulièrement polyvalents, concevront les systèmes mécanique, électrique et informatique des appareils de vol.

Il y a deux ans, l'institution a lancé le premier baccalauréat en génie biomédical du Canada. À l'Université Laval, ce baccalauréat, en attente d'approbation, devrait être lancé en 2011. Un ingénieur biomédical peut concevoir des appareils médicaux, gérer le parc technologique d'un hôpital et concevoir des prothèses activées par le système nerveux d'un être humain, entre autres. Bref, de nouveaux champs d'expertise s'ouvrent sans cesse aux ingénieurs en quête de défis excitants.

Le Réseau des ingénieurs vient de lancer www.espaceformation.ca, qui vise à aider les professionnels à s'y retrouver parmi les programmes de formation continue.

13 954 Nombre d'ingénieurs juniors et stagiaires.

Source : Ordre des ingénieurs du Québec (mars 2010)

UN GRAND CHOIX DE PROGRAMMES

Certaines formations en génie abordent la gestion ou la protection de l'environnement. La pionnière dans ce domaine est certainement la maîtrise en Gestion de l'ingénierie de l'Université de Sherbrooke, créée il y a une dizaine d'années. Plus récemment, plusieurs formations semblables sont apparues, comme la maîtrise en Gestion des projets d'ingénierie civile de l'École Polytechnique. Lancé en 2009, ce programme comporte des cours sur le financement, la gestion d'équipe et la négociation dans le cadre de projets majeurs.

L'École de technologie supérieure (ÉTS) offre depuis environ deux ans une vingtaine de programmes courts sur l'efficacité énergétique, la gestion de projets à l'international, la gestion de l'innovation et le génie de l'environnement. " Le Réseau des ingénieurs du Québec propose aussi depuis un an de nouveaux cours sur la propriété intellectuelle, l'efficacité énergétique et la gouvernance, entre autres ", mentionne Yves Lavoie, président du Réseau.

Enfin, depuis 2010, l'Université Laval propose un baccalauréat en génie industriel en collaboration avec la Faculté des sciences et de génie et la Faculté des sciences de l'administration. " Les diplômés seront à la fois de bons techniciens et de bons gestionnaires, donc des candidats idéals pour se lancer en affaires ou prendre la relève d'une entreprise ", dit Guy Gendron, de l'Université Laval.