La mondialisation frappe à la porte des grands bureaux d'avocats

Publié le 10/03/2012 à 00:00

La mondialisation frappe à la porte des grands bureaux d'avocats

Publié le 10/03/2012 à 00:00

Un nouveau nom apparaît au tableau des grands cabinets d'avocat au Québec : Norton Rose. Le géant britannique des services juridiques s'est regroupé avec Ogilvy Renault qui prend la première position en termes de nombre d'employés dans la province. Ce regroupement annonce-t-il un prochain mouvement de consolidation au sein des services juridiques à l'échelle du pays ? Plusieurs s'y attendent.

En un semestre à peine, Norton Rose a placé près de 700 avocats d'affaires du Canada sous son enseigne et, par ricochet, 60 autres avocats des cabinets canadiens qui pratiquent en Amérique du Sud et au Kazakhstan. Il s'agit d'une belle prise qui porte à environ 2 600 le nombre d'avocats de ce réseau désormais présent sur tous les continents.

Norton Rose Canada s'est constitué en deux temps par les regroupements, en juin 2011, avec le cabinet Ogilvy Renault, de Montréal, puis avec le cabinet Macleod Dixon, de Calgary, en janvier 2012.

L'opération interpelle tous les cabinets d'affaires canadiens qui, pour la plupart, avaient lancé au fil des ans des têtes de pont à l'étranger, comme Fasken Martineau, présent à Johannesburg, ou encore Gowlings, établi à Moscou. Des cabinets montréalais ont installé des bureaux à Londres, Paris et Singapour ou ont scellé des alliances avec des réseaux internationaux de bureaux d'avocats.

Désormais, la mondialisation des services juridiques est à la porte des bureaux d'affaires canadiens. «C'est attirant comme concept d'affaires», dit John Coleman, un ancien d'Ogilvy Renault, associé directeur pour le Canada de Norton Rose. «Ouvrir des bureaux à l'étranger est une opération coûteuse. Ce dont nos clients à l'international ont besoin, ce sont des avocats sur place, dans la région même où ils veulent conclure des affaires.»

«Le Canada a résisté longtemps à cette forme de mondialisation, ajoute Me Coleman. Mais je suis fier que nous ayons été les pionniers.»

Rien n'est moins sûr. Le Canada a des ressources naturelles en abondance, une devise forte et un système bancaire stable qui s'est tiré d'affaire dans la crise financière de 2008-2009. C'est un territoire attrayant pour les grands cabinets professionnels multiservices rompus aux opérations internationales.

Dans les bureaux de Vancouver, de Calgary, de Toronto et de Montréal, le bruit court que d'autres noms réputés du droit des affaires canadien adhéreront à des enseignes mondiales d'origine américaine ou britannique.

«Il y a beaucoup d'acteurs sur le marché en ce moment. Je ne serais vraiment pas surprise de voir d'autres cabinets internationaux venir acheter des cabinets canadiens», affirme Caroline Haney, présidente de Haney recrutement juridique.

Le potentiel du marché canadien

Déjà, des cabinets d'envergure mondiale, dont les cabinets américains Skadden, Arps et Baker & McKenzie, ont renforcé leur présence à Toronto. «Ce type de cabinet est très attiré par le potentiel du marché canadien et par la possibilité de mettre la main sur des structures déjà existantes», ajoute-t-elle.

L'été dernier, le cabinet britannique Clyde & Co, expert international en droit des assurances, a intégré le spécialiste montréalais dans ce domaine, Nicholl Paskell-Mede, dans un réseau mondial présent dans 26 pays. «Le marché se redéfinit», constate Mario Charpentier, associé directeur chez BCF. «Il y aura d'autres cabinets canadiens qui s'intégreront à de grands groupes mondiaux», prédit-il.

BCF compte 180 avocats et tire environ le tiers de ses revenus d'opérations comportant une composante internationale. Hormis un petit bureau de trois avocats à la Barbade, le cabinet n'a pas de bureau de pratique à l'étranger, mais il fait partie de Meritas, un réseau de 170 bureaux répartis dans 70 pays. «Cette stratégie nous procure de bons résultats», affirme Me Charpentier. Ce dernier avoue être sensible au marché de l'Europe, lequel s'ouvrira davantage lorsque le Canada et l'Union européenne auront scellé un accord d'ouverture commerciale.

«Il va se passer quelque chose, la prochaine année sera intéressante», dit Robert Dorion, associé directeur à Montréal de Gowlings, un cabinet canadien de quelque 750 professionnels du droit. Il y a un an, Gowlings a inauguré son bureau dans la capitale chinoise, mais n'envisage pas une expansion à l'international selon le modèle Norton Rose. «Nous sommes ouverts à l'hypothèse d'étendre notre portée par des liens d'affaires avec d'autres cabinets en Amérique, dit Me Dorion En Europe, notre bureau de Londres devrait agir comme une plaque tournante.»

Repli de Montréal

L'incursion très rapide de Norton Rose dans le marché national ouvre la voie à une nouvelle vague de consolidations de l'offre des services juridiques en affaires.

La première vague, qui a déferlé au tournant du siècle, avait reconfiguré l'offre autour du pôle torontois et confirmé le déplacement des affaires vers les plaines de l'Ouest et la côte du Pacifique.

Montréal et Québec ont payé un lourd tribut. Entre 2000 et 2010, le nombre des cabinets a fondu de 34,2 % dans la métropole et de 24 % dans la Capitale-Nationale. Les grands cabinets multiservices employaient un peu plus de 16 % des avocats québécois en pratique privée.

Une étude du Barreau (juin 2011) sur la pratique privée pose un diagnostic implacable : «Montréal a subi davantage les impacts des tendances de l'industrie en provenance de Toronto, qui elle-même vit les contrecoups des réorganisations issues de New York. Ces consolidations sont directement reliées à la mondialisation et au déplacement des activités économiques vers l'Ouest en raison des ressources naturelles et de l'accès au Pacifique, porte de l'Asie.»

Robert Dorion le confirme. «Il y a eu un affaiblissement des centres de décision et cela se reflète par une diminution de la demande des services juridiques à Montréal.»

Intérêt pour le marché des PME

La tendance n'est peut-être pas étrangère à l'intérêt résurgent de quelques cabinets d'affaires pour les PME, qui représentent un marché en croissance. «C'est le choix de certains cabinets, encore peu nombreux il est vrai», mentionne Me Mireille Fontaine, avocate associée de Gowlings.

Depuis cinq ans, le cabinet a réorienté et accru ses efforts vers le «mid-market», le marché intermédiaire où il y a beaucoup à faire. Le virage lui a valu la quatrième place dans le peloton de tête du palmarès Thomson Reuters des cabinets canadiens en matière de fusions et acquisitions d'entreprises en 2011. «Nous en récoltons les fruits aujourd'hui», conclut Me Fontaine.

«Le marché se redéfinit. Il y aura d'autres cabinets canadiens qui s'intégreront à de grands groupes mondiaux.» - Mario Charpentier, associé directeur, BCF

23 709 Nombre d'avocats au Québec | Source : Barreau du Québec 2011

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