La France, la nouvelle cause d'Aude de Thuin

Publié le 01/12/2012 à 00:00, mis à jour le 29/11/2012 à 09:23

La France, la nouvelle cause d'Aude de Thuin

Publié le 01/12/2012 à 00:00, mis à jour le 29/11/2012 à 09:23

L'entrepreneure en série Aude de Thuin s'attaque à la morosité de ses concitoyens avec le forum Osons la France. Les Affaires l'a rencontrée à Lyon en octobre, où elle a été nommée Entrepreneure féminine de l'année lors du World Entrepreneurship Forum.

LES AFFAIRES - Pourquoi un forum Osons la France ?

AUDE DE THUIN - Chaque fois que je voyageais pour le Women's Forum [qu'elle a dirigé de 2003 à 2011], je demandais aux gens où ils aimeraient vivre. Les États-Unis et la France revenaient constamment. Pour la France, toutefois, les gens disaient ne pas nous comprendre. «Vous avez le plus beau pays du monde, avec les infrastructures, l'éducation, le vin, la mode, la sécurité sociale, la recherche... Pourtant, vous êtes toujours en train de vous plaindre, vous êtes arrogants et vous êtes le plus grand consommateur de psychotropes», disaient-ils. Lorsque j'ai vendu le Women's Forum, j'ai décidé d'écrire un livre (Femmes si vous osiez, le monde s'en porterait mieux, Robert Laffont, 2012), de donner 20 % de mon temps aux autres et de m'occuper de la France. J'ai fait un forum sur les femmes, pourquoi pas sur la France ? Je souhaitais donner de l'espoir au pays, à nous, à nos enfants, à nos petits-enfants. Montrer que nous avons certes des défauts, mais que nous sommes aussi un pays formidable en matière de créativité, de productivité, de recherche. Il faut que nous arrêtions de nous faire mal.

L.A. - Résumez-nous la formule.

A.T. - Chaque forum [il y en aura quatre en 2013] se divise en quatre parties. Durant la première - «ils ont osé» -, des dirigeants de grandes sociétés françaises rayonnant dans le monde entier parlent des projets audacieux qu'ils ont menés, comme aller en Chine ou changer les méthodes de travail. Viennent ensuite des entrepreneurs qui sont en train de créer de nouveaux modèles d'entreprise - «ils osent». La troisième partie s'intitule «il faudrait oser». C'est une partie que j'adore ! Nous invitons des impertinents qui ont le courage de dire qu'il faudrait oser être poli en France, être heureux, de dire qu'on a des banquiers formidables, par exemple. Enfin, nous terminons avec des modèles étrangers - «ailleurs aussi, ils osent».

L.A. - Vous refusez d'inclure des politiciens parmi les conférenciers. Pourquoi ?

A.T. - Parce que les politiques nous ont foutu dans le pétrin, de gauche comme de droite. Nous sommes là où nous en sommes parce qu'ils font de la politique politicienne, égoïste, axée sur leur réélection plutôt que sur le bien du pays. Les politiciens ne comprennent pas ce qui est en train de se passer en France. C'est pourquoi ils ont le droit de venir écouter, mais pas de prendre la parole.

L.A. - Une édition récente à Paris comprenait une table ronde sur l'échec. Pourquoi ?

A.T. - Parce qu'en France, on n'ose pas parler de l'échec, alors que cela contribue à la réussite. Tous les grands leaders français du Web, qui sont en train de créer des entreprises magnifiques, sont venus parler de leurs échecs passés et expliquer pourquoi ils ont du succès maintenant - justement parce qu'ils avaient eu ces échecs.

L.A. - Comment s'assurer que les débats lèvent ?

A.T. -Les gens sont très honnêtes, mais nous les poussons. Nous avons des animateurs journalistes de 22 ou 23 ans, qui leur posent des questions dingues. Vous ne pouvez même pas imaginer ! J'ai parfois envie de me cacher lorsque j'entends leurs questions. Ils ont étudié leur dossier et ont le courage de poser celles qui ne font pas plaisir. Il faut arrêter de se faire plaisir en France, et il faut aussi arrêter de se faire mal. Il faut simplement être honnête, si on veut préparer demain.

L.A. - Même si vous avez quitté le Women's Forum, vous vous préoccupez encore de la cause des femmes. Où en est-elle ?

A.T. - Il y a une progression, et en même temps une régression - en France et en Europe en général. La crise amène un repli sur soi : les hommes ont peur et, s'ils doivent recruter, ils choisiront un homme plutôt qu'une femme. C'est inconscient. Parallèlement, les grandes entreprises embauchent de plus en plus de femmes dans leur équipe de direction, parce qu'elles ont compris que ça améliore les résultats financiers.

L.A. - Que pensez-vous des quotas ?

A.T. - Je suis contre, et pour. Contre parce que je suis pour la compétence. Pour, parce que s'il n'y avait pas de quotas, il n'y aurait pas autant de femmes dans les conseils d'administration. Par contre, nous avons un problème dans beaucoup de pays : nous manquons de femmes dans les comités de direction. Or, c'est là qu'on repère les futures administratrices.

L.A. - Certaines personnes déplorent la discrimination positive. Que leur répondez-vous ?

A.T. - Il ne faut surtout pas privilégier une femme parce qu'elle est une femme. Ça serait créer un antagonisme entre les hommes et les femmes - et on assiste à un début de cet antagonisme, et donc à un peu d'agressivité. Il faut tout simplement s'assurer de recruter la meilleure personne pour le poste, point. Il ne faut surtout pas entrer dans la discrimination positive. Ce serait terriblement difficile à vivre pour les femmes et ce n'est pas comme ça qu'on fera évoluer la société. Maintenant que les quotas [pour les CA] sont adoptés, laissons aux ajustements le temps de se faire. S'il y a des excès de machisme, il faut intervenir. Sinon, laissons la société évoluer d'elle-même. Aller trop vite est risqué. La Norvège, pionnière des quotas, affiche un des plus forts taux de divorce. Aux États-Unis, les femmes ont été tellement combatives qu'elles ont démotivé la jeune génération avec l'image de la superwoman. La jeune génération ne veut pas de ça.

Aude de Thuin a créé et dirigé, de 2003 à 2011, le Women's Forum, une conférence réunissant annuellement 1 400 femmes d'influence de 80 pays.

marie-claude.morin@tc.tc

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