L'invasion des détaillants américains de A à Z

Publié le 30/04/2011 à 00:00, mis à jour le 11/05/2011 à 16:19

L'invasion des détaillants américains de A à Z

Publié le 30/04/2011 à 00:00, mis à jour le 11/05/2011 à 16:19

Par Marie-Eve Fournier

Vous ne rêvez pas. Les détaillants internationaux, surtout américains, envahissent nos centres commerciaux. Et, petit à petit, des marques québécoises disparaissent, incapables de compétitionner avec ces géants aux concepts éprouvés. C'est sans compter les difficultés financières de détaillants tels Jacob et Dumoulin, actuellement en restructuration financière.

Une étude réalisée par le Groupe Altus pour le ministère québécois du Développement économique, et obtenue en primeur par Les Affaires, dresse l'un des portraits de la situation les plus précis depuis longtemps. Le constat est aussi stupéfiant que préoccupant : les enseignes américaines détiennent déjà près de 40 % des parts de marché au Canada. Autrement dit, 64 milliards de dollars de ventes échappent aux entreprises canadiennes. Et une dizaine d'autres gros noms se préparent à passer la frontière pour profiter de la solidité de notre économie.

Longtemps " protégé " contre cette invasion pour des raisons culturelles et linguistiques, le Québec n'est plus à l'abri. Deux douzaines d'entreprises américaines envisagent désormais d'y ouvrir des magasins. Y a-t-il lieu de s'inquiéter ? Que peuvent faire les détaillants québécois pour être concurrentiels ? Des experts se prononcent.

APPAUVRISSEMENT

L'arrivée massive de détaillants étrangers n'est pas une bonne nouvelle pour notre économie. " Si, au bout du compte, l'argent s'en va ailleurs, c'est un appauvrissement net pour le Québec ", affirme Pierre Forgues. L'ouverture de sièges sociaux régionaux et la construction de centres de distribution créent des emplois intéressants, mais une compétition accrue réduit la marge de profit des commerces.

BOURSE

" Environ 95 % des grands détaillants sont des sociétés cotées en Bourse. C'est un gros avantage pour prendre rapidement de l'expansion ", pense Jean- François Grenier. De plus, en arrivant au Canada, ces entreprises aux immenses moyens financiers peuvent louer les meilleurs locaux dans les meilleurs centres commerciaux, quitte à perdre de l'argent pendant un certain temps.

CRÉATIVITÉ

" Malheureusement, on n'est pas très créatifs dans l'aménagement de magasins, dans la présentation ou dans le service. Peu de détaillants se démarquent. Je n'ai pas vu beaucoup d'innovation récemment au Québec ", affirme Frank Pons.

Denis Gendron trouve la critique sévère. " Quand je regarde les détaillants du Québec par rapport à ceux du Canada anglais, je peux vous dire qu'ils ne sont vraiment pas dépassés en matière d'offre, de service et d'ambiance. De nombreux efforts sont faits pour rendre l'offre de produits la plus intéressante possible. "

DONNÉES

Pour se démarquer dans un environnement hautement concurrentiel, il faut bien connaître sa clientèle cible et s'adapter en conséquence, soutient Daniel Baer. " C'est facile à dire, mais c'est difficile à faire ", reconnaît-il. Pour y arriver, il faut recueillir un maximum de données sur les clients (préférences, âge, courriel, etc.) , en utilisant les médias sociaux, les groupes de discussion, les sondages et les programmes de fidélisation, entre autres.

EUROPE

" Je ne vois pas quels autres détaillants européens pourraient venir au Canada, car il n'y a pas de concepts qui se démarquent assez ", dit Jean-François Grenier.

FOULE

" Les grands détaillants américains qui arrivent dans nos centres commerciaux vont peut-être y faire augmenter l'achalandage, ce qui pourrait avoir des répercussions positives sur les commerces québécois ", analyse Frank Pons.

GRANDE SÉDUCTION

Pour séduire les clients, les détaillants québécois ont un atout de taille : ils connaissent bien le marché. D'ailleurs, un sondage Léger Marketing effectué l'automne dernier révélait que les Québécois préfèrent l'expérience de magasinage offerte par les entreprises locales. " Il faut maintenir cet avantage concurrentiel ", dit Gaston Lafleur.

HAUSSES DE LOYER

L'espace dans les centres commerciaux étant limité, la venue de détaillants étrangers accentue la concurrence pour y avoir accès. En conséquence, les loyers augmentent, ce qui rend la situation de plus en plus difficile pour les détaillants indépendants. Une des stratégies pour y faire face consiste à réduire la grandeur de son commerce, tout en y vendant le même nombre de produits, suggère Daniel Baer. Pour cela, il faut aussi améliorer sa chaîne d'approvisionnement. " Au lieu d'avoir deux livraisons par semaine, peut-on en avoir trois, afin de réduire le nombre de boîtes à l'arrière du magasin ? "

INQUIÉTUDES

Gaston Lafleur n'ose pas dire que la situation est inquiétante pour les détaillants québécois, mais il reconnaît que les parts de marché détenues par les Américains sont " très élevées ". " Cela nous place dans une situation où nous devons concurrencer des acteurs imposants aux moyens financiers énormes. Il faut s'adapter. Et chercher du capital, même si ce n'est pas facile, facile. "

JOUTE

Les joueurs sur la glace sont de plus en plus nombreux et habiles. Comment résister ? " Les détaillants canadiens devront être meilleurs et plus rapides à offrir les bons produits aux bons prix ", soutient Wendy Evans. De son côté, Daniel Baer observe que " beaucoup de détaillants réexaminent leur stratégie. Tout le monde n'est pas fixé, mais on réfléchit. "

K.-O.

La compétition étrangère n'est pas un phénomène nouveau, mais elle s'accentue, surtout dans le secteur de la mode. Comment éviter le K.-O. ? " Les détaillants québécois devront se questionner, se renouveler, s'adapter. Mais ils ont bien réussi par le passé à soutenir la compétition et à se différencier, alors je pense que cela va continuer ", prévoit Denis Gendron.

LOYAUTÉ

" Au Québec, on privilégie peu la création de relations à long terme, car cela coûte de l'argent à court terme. Les détaillants américains vont devancer les détaillants du Québec sur ce plan-là, croit Frank Pons. Il faudra s'adapter, mais, à mon avis, c'est trop peu, trop tard. Je pense que si on veut fidéliser les clients, il faut créer un attachement prononcé, et cette volonté, chez les détaillants québécois, je ne la sens pas vraiment. "

MÉDIAS SOCIAUX

Quand on se bat contre des géants qui ont 100 fois nos moyens, pourquoi ne pas déve-lopper de nouvelles stratégies de communication en utilisant YouTube, Facebook ou Twitter, demande Daniel Baer. " Pour atteindre notre clientèle, les médias sociaux ne représentent pas de gros investissements. "

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