Deux tomates de Québec à la conquête de l'Amérique

Publié le 20/08/2011 à 00:00

Deux tomates de Québec à la conquête de l'Amérique

Publié le 20/08/2011 à 00:00

Chacun sur sa rive du Saint-Laurent, l'un au sud, à Saint-Nicolas près de Québec, l'autre au nord, à Portneuf, deux producteurs de tomates prennent de l'expansion sans vraiment devenir des rivaux. Demers prévoit hausser son chiffre d'affaires de 70 % d'ici 2013, tandis que Savoura veut augmenter ses ventes de 15 % cette année. Mais les deux entreprises comptent atteindre leurs objectifs sans se cannibaliser.

"On prend des parts de marché sur les importations généralement, car les gens veulent des produits frais", explique Jacques Demers, dont l'entreprise familiale produit en serre depuis 1975.

La dirigeante de Savoura, Marie Gosselin, est du même avis. Cependant, comme il est de plus en plus difficile de gagner des parts de marché au Québec - son entreprise occupe déjà près de 60 % du marché de la tomate au Québec - elle s'installera d'ici quelques jours dans l'État du Querétaro, au Mexique, avec l'objectif de lancer ses produits sur les marchés du sud des États-Unis.

Savoura part au Mexique, Demers en revient

"Nous voulons vendre nos produits le plus près possible de la frontière mexicaine, dit-elle. Nous avons une équipe québécoise installée au Mexique afin que nos méthodes de production et nos valeurs d'entreprise soient transmises."

Comme elle le fait au Québec, Savoura ne laisse pas s'écouler plus de 48 heures entre la cueillette et la mise en marché. Ses atouts pour séduire les consommateurs américains : la fraîcheur et des tomates différentes. Peu de producteurs mexicains - les grands concurrents - font pousser des tomates en grappe. Savoura compte se démarquer grâce à des variétés exclusives que les consommateurs seront prêts à payer un peu plus cher à cause de leur goût.

L'aventure mexicaine, Demers y a cru, mais en 2009, après trois ans d'efforts, l'entreprise a capitulé. "Le contrôle de la qualité était difficile, avoue Jacques Demers. Et la distance liée au transport correspondait moins bien à notre mission verte."

Demers avait mis le cap sur le Mexique, non pour se tailler une place aux États-Unis, comme Savoura, mais pour approvisionner 12 mois par an le marché québécois. Elle réussira à le faire de nouveau en 2012, mais à partir d'une nouvelle serre située à Saint-Nicéphore, près de Drummondville. L'entreprise investit 12 millions de dollars dans cette serre, qui sera fonctionnelle l'été prochain. La direction espère que celle-ci lui permettra d'accroître ses parts de marché de 5 %, à 10 %.

Des économies grâce au biogaz

Cette serre sera la première du Québec à utiliser la chaleur résiduelle d'une centrale d'électricité alimentée au biogaz.

"C'est le cycle parfait du développement durable", se réjouit Jacques Demers, qui prévoit ainsi économiser 75 % sur la facture d'énergie, laquelle représente 25 % des coûts de production des tomates en serre.

"Ça nous prend ce genre d'outils pour ravir des parts de marché aux Américains, aux Ontariens et aux Mexicains, car on ne peut pas augmenter le prix de vente et rester concurrentiels", ajoute-t-il.

La réduction des coûts de chauffage permettra à la PME d'investir dans l'éclairage de croissance, nécessaire en janvier et en février pour la culture des plants de tomate.

Savoura, quant à elle, s'est mise au biogaz en 2009 à la serre de Saint-Étienne-des-Grès, mais sans le processus de récupération de la chaleur. Marie Gosselin aimerait augmenter le nombre d'hectares de cette production pour répondre à la demande croissante sur les marchés de l'Ontario et du nord-est des États-Unis, mais elle est ralentie par une poursuite judiciaire qu'elle a intentée contre la Régie de gestion des matières résiduelles de la Mauricie concernant des ratés dans la livraison de biogaz.

Miser sur la marque

"Nos produits de spécialité et leur saveur impressionnent nos clients américains. Nos produits se démarquent, car nous avons toujours basé notre production sur la qualité et non sur le volume, comme le font les producteurs ontariens. Mais actuellement, nous sommes freinés dans notre développement en raison des problèmes d'approvisionnement énergétique", se désole Mme Gosselin.

Pour se lancer sur de nouveaux marchés, Savoura mise sur la même stratégie qu'au Québec : un nom qui devient un gage de qualité. La pdg a appliqué à un produit frais les théories de ses cours en marketing, même si on lui disait à l'époque que c'était infaisable.

"On a réussi à force d'être tenaces ! dit-elle. Et quand on achète Savoura, on sait que c'est bon : c'est toujours le même goût, la même fraîcheur. En Ontario, j'y croyais plus ou moins, mais je suis impressionnée par le développement réalisé depuis deux ans."

Demers, dont la campagne de marketing bat son plein cet été dans le Réseau de transport de la Capitale, cherche aussi à imposer son nom, un nom bien québécois, qui devrait trouver une résonance auprès des consommateurs. "On n'a jamais été aussi proche d'un consommateur préoccupé par l'achat local. Dans un horizon de 10 à 15 ans, cette préoccupation est appelée à croître", estime Jacques Demers.

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