Brancher le Nord à tout prix

Publié le 09/02/2013 à 00:00, mis à jour le 12/02/2013 à 15:44

Brancher le Nord à tout prix

Publié le 09/02/2013 à 00:00, mis à jour le 12/02/2013 à 15:44

La conquête numérique des grands espaces nordiques reste une entreprise ambitieuse et coûteuse. Pourtant, le Nord-du-Québec doit se brancher s'il veut soutenir son développement social et économique, estiment des représentants locaux.

«Internet, c'est la différence entre être une région éloignée et être une région isolée», lance Jean-François Dumoulin, directeur adjoint au service administratif à l'Administration régionale Kativik (ARK). C'est lui qui chapeaute Tamaani Internet, un projet qui vise à fournir des accès Internet aux résidents et entreprises de la région du Nunavik.

Et le défi est de taille. On ne branche pas 12 000 habitants répartis dans 14 communautés sur un territoire aussi grand que la France en criant ciseau. Sans accès à la fibre optique, ARK n'a eu d'autre choix que de se tourner vers la communication par satellite pour atteindre son objectif.

«Dès que nous vivons au-dessus du 55e parallèle, nous vivons avec le fait qu'Internet devient extrêmement cher», résume-t-il.

En effet, la facture est dans plusieurs cas extrêmement salée. Le Grand Nord doit réussir le tour de force de réduire considérablement les frais d'exploitation, note pour sa part Cédric Melançon, directeur général du Réseau de communications Eeyou, une initiative qui vise à «brancher» la région de la Baie-James.

Plus on monte au Nord, plus les prix augmentent. Jean-François Dumoulin de l'ARK indique qu'au Nunavik «lorsque nous devons assurer un mégabit à un client, le prix peut s'élever jusqu'à 3 300 $ !»

À titre comparatif, le prix par mégabit à Val-d'Or est d'environ 70 $, fait remarquer Cédric Melançon. «On ne pourra sûrement jamais réussir à être aussi concurrentiel que Montréal, mais on peut certainement réduire les prix.»

Fossé numérique

«Le fossé numérique qu'on observe dans le tiers monde s'applique à plusieurs régions du Québec», avance sans hésitation Louis Lavergne, consultant en télécommunications à l'Autorité régionale crie.

Le modèle traditionnel de développement, s'appuyant normalement sur les entreprises privées, s'applique difficilement aux régions éloignées. «C'est trop coûteux pour elles», résume-t-il.

Il rappelle alors que le principal défi est de déployer le réseau et de relier les communautés sur de très grandes distances. Un enjeu crucial qui, en raison des coûts pour le moins élevés, fait du Nord une région sous-desservie.

Le travail est titanesque. Dans la grande région de la Baie-James, le Réseau de communications Eeyou chapeaute les efforts de ses membres, dont l'Autorité régionale crie, la CRÉ de la Baie-James ainsi que deux commissions scolaires. L'achat d'une ligne de fibre optique, reliant Saint-Félicien à la Manic, qui appartenait à Hydro-Québec, sert maintenant de colonne vertébrale au projet de déploiement.

La première étape, qui comprend l'achat du réseau existant et le déploiement de ce dernier dans quelques communautés aura coûté près de 30 millions de dollars. La deuxième étape, déployer l'ensemble du réseau pour les communautés de la région, est évaluée à près de 25 M$.

Certes, l'initiative est coûteuse, mais pas autant que les impacts sociaux qu'engendrerait l'absence d'Internet, laisse entendre Louis Lavergne. Car une population qui ne peut accéder facilement à Internet accumule du retard dans sa compréhension de l'univers numérique, ce qui crée une sorte «d'analphabétisme numérique», affirme-t-il.

Commerce en ligne

Le développement économique en subit aussi les contrecoups. «Les petites entreprises qui pourraient bénéficier de systèmes ou de solutions à moindres coûts, à Montréal, ne peuvent en faire autant ici. Prenons l'exemple du commerce en ligne qui n'existe presque pas», dit Cédric Melançon.

Louis Laverge et Cédric Melançon sont d'accord sur ce point : au 21e siècle, les télécommunications sont aussi nécessaires que les infrastructures routières et l'électricité. Lorsqu'on développe une région, on devrait considérer Internet aussi sérieusement que celles-ci.

Est-ce que l'exploitation des richesses naturelles du Grand Nord québécois facilitera le déploiement d'infrastructures Internet ? Cela n'a pas engendré d'impact concret pour l'instant.

Le déploiement de réseau de télécommunications dans ces régions n'est qu'une question de temps, selon Karina Painchaud, présidente d'Intelligence Stratégique Internationale, une firme-conseil de Québec spécialisée dans les régions nordiques canadiennes et québécoises.

«Si on jette un coup d'oeil, on se rend compte que plusieurs pays nordiques ont eu leur Plan Nord. C'est le cas de la Norvège, par exemple», dit-elle. Il n'y a pas que le Nord qui gagne à avoir des technologies des communications efficaces, mais également les entreprises du Sud qui s'appuieront sur les activités nordiques pour se développer, estime-t-elle.

Prix du mégabit vendu aux fournisseurs de service.

4 $ À Montréal

70 $ À Val-d'Or

1 800 $ À Chistabisi

Source : Cédric Melançon, directeur général du Réseau de Communications Eeyou

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