« On a atteint un degré de désinformation et de faussetés jamais vu »

Publié le 22/09/2012 à 00:00

« On a atteint un degré de désinformation et de faussetés jamais vu »

Publié le 22/09/2012 à 00:00

La semaine d'audiences du CRTC portant sur l'achat d'Astral par Bell a été éprouvante pour le président de Bell Média, Kevin Crull, qui accuse ses rivaux d'avoir manqué d'intégrité intellectuelle.

« Le plus frustrant, la semaine dernière, au point où j'en ai perdu patience, a été de voir qu'il n'y avait aucune intégrité ou constance intellectuelle dans notre industrie, s'est désolé M. Crull, en entrevue avec Les Affaires. On a atteint un degré de désinformation et de faussetés jamais vu de la part de concurrents de Bell servant leurs propres intérêts. »

Au cours de ces audiences, Bell a notamment mis de l'avant l'importance d'avoir des entreprises canadiennes fortes dans le secteur télévisuel pour résister aux assauts des géants Apple, Google, Amazon ou encore Netflix.

Des rivaux, notamment le chef du marketing de Telus, David Fuller, ont alors accusé Bell d'« inventer un bonhomme Sept-heures » pour justifier la création d'un « monstre ».

« Ceux qui nous accusent de cela sont les mêmes qui déclarent, dès qu'ils en ont l'occasion, que l'émergence de Netflix est une réelle menace pour leur entreprise. Ils ont tous comparu devant le CRTC récemment, et chacun d'eux a affirmé qu'il y avait une menace profonde et existentielle pour le système canadien de télédiffusion due à ces services. »

Si Telus, Rogers, Shaw et Québecor ont en effet tous déjà reconnu la concurrence, voire la menace des services alternatifs, aucun d'entre eux n'a proposé d'augmenter la taille des entreprises canadiennes comme remède.

Telus et Shaw s'estiment en mesure de contrer la menace, tandis que Rogers et Québecor militent en faveur d'une déréglementation qui leur permettrait de lutter à armes égales contre ces géants étrangers non assujettis aux règles du CRTC.

La volte-face de Québecor

Québecor a par contre maintes fois vanté sa taille dans des dossiers précédents, tout en en contestant les risques.

Le chef des affaires juridiques et réglementaires de Bell, Mirko Bibic, rappelle ainsi la position déposée par Québecor en 2008, quand le CRTC étudiait la question de la diversité des voix.

« Depuis longtemps, le CRTC a déterminé qu'il n'y avait que peu d'effets négatifs à l'intégration verticale, écrivait alors Québecor. Là où il existe un risque, le conseil a créé une réglementation comme celle interdisant la préférence indue [envers une filiale] et celle sur la résolution des différends avec arbitrage. »

Depuis, indique M. Bibic, le CRTC a renforcé la réglementation touchant l'intégration verticale, diminuant un risque que Québecor jugeait déjà nul.

« On peut tous assez facilement cerner les réelles motivations de Québecor », résume M. Crull.

L'animosité entre les deux entreprises n'est toutefois pas généralisée, assure-t-il.

« J'ai énormément de respect pour Robert Dépatie (président de Vidéotron) et son équipe, affirme-t-il en milieu d'entrevue.

« En fait, hormis la rhétorique lourde de Pierre Karl, on peut faire des affaires avec Robert Dépatie. Nous avons négocié un grand accord de distribution pour toutes les propriétés de Bell Média l'an dernier avec eux, et nous l'avons fait de façon très amicale, ce qui a créé une situation gagnant-gagnant. Je les respecte beaucoup. »

Victime des circonstances

Pour Kevin Crull, l'acrimonie dont ont fait preuve les concurrents de Bell tient à un concours de circonstances.

« La relation avec les distributeurs a été mise à mal dès le jour où Bell a acheté CTV [en 2010], explique-t-il. Toutes les ententes de distribution de CTV étaient échues. Que nous l'achetions ou non, il fallait renégocier. C'était d'une ampleur jamais vue. »

Ces négociations aussi importantes d'un côté que de l'autre ont créé un contexte de tension. S'en est suivi la décision du CRTC d'ouvrir le marché des chaînes de sports. Bell étant propriétaire de RDS et TSN, d'autres accrochages sont survenus.

« Cette décision a permis à Québecor de lancer TVA Sports, mais elle a aussi permis à RDS et à TSN de négocier des redevances à la valeur du marché. C'était évident que le prix allait monter, juge-t-il. Même avant que nous en soyons propriétaires, quand je gérais ExpressVu, je savais que j'aurais à composer avec une hausse. »

Les mains attachées

Même si elle acquiert Astral, la présence du CRTC empêchera Bell d'utiliser sa taille pour imposer ses chaînes ou un prix plus élevé à Vidéotron ou Cogeco, selon M. Crull.

« Les règles actuelles sont si nombreuses qu'il n'y a rien que je puisse faire sans l'autorisation du CRTC, dit-il.

« Les distributeurs n'ont même aucun intérêt à négocier avec moi. Ils peuvent simplement se plaindre au CRTC et obtenir un tarif fondé sur ce processus. Je vous garantis que le CRTC aura son mot à dire dans le prix de notre service à la sauce Netflix. Je ne pouvais rien faire avant l'achat d'Astral, je ne pourrai rien faire après. »

À la une

Les bénéfices de Gildan en baisse de près de 20% au 1T

L’entreprise est dans une querelle avec certains de ses principaux actionnaires pour savoir qui devrait diriger Gildan.

L’ancien patron de Gildan a obtenu 10M$US au cours des trois dernières années

Le CA de Gildan l’accuse d’avoir «considérablement réduit» son implication quotidienne dans la gestion de la société.

Gildan: le PDG, Vince Tyra, dévoile sa stratégie de croissance

Il a fait le point lundi pour les investisseurs trois mois après avoir pris les rênes de l'entreprise.