" Nous ciblons un marché où rien n'a bougé depuis des années "

Publié le 05/06/2010 à 00:00

" Nous ciblons un marché où rien n'a bougé depuis des années "

Publié le 05/06/2010 à 00:00

Par Diane Bérard

D'ici quelques semaines, le Quartier des spectacles de Montréal prendra vie. Si les animations quotidiennes diverses en mettront plein la vue aux badauds, un autre spectacle, tout aussi impressionnant, passera totalement inaperçu. C'est qu'il se déroule plusieurs pieds sous terre... Cette création de la société suédoise Envac est un gigantesque aspirateur à déchets qui fait circuler les ordures sous le pavé. Pas de camions de collecte, pas de bruit, pas d'odeurs. C'est pour l'installer qu'il a fallu éventrer les rues de ce quartier pendant des mois. Envac compte 35 bureaux dans 20 pays, dont un au Québec. Sa technologie pour la collecte et la circulation des déchets se retrouve aussi bien dans les centres-villes que les quartiers résidentiels, les hôpitaux, les centres commerciaux et les parcs d'attractions. Les premières installations remontent aux années 1960, dans un hôpital suédois. Nous avons joint Christer Öjdemark à ses bureaux de Stockholm.

Diane Bérard - Dans mon quartier, un camion ramasse les poubelles le lundi et le jeudi, et un autre s'occupe du recyclage le mercredi. Votre technologie élimine-t-elle tous ces camions de la route ?

Christer Öjdemark - Oui. Nous installons sous le sol un gros aspirateur à déchets qui propulse ceux-ci dans des tuyaux raccordés à d'énormes bacs, où l'on viendra effectuer une seule cueillette plutôt que de faire la tournée des quartiers. Il est aussi possible d'acheminer les déchets directement à l'usine de traitement au moyen d'un système de tuyaux souterrains. Le principe est le même que celui des égouts.

D.B. - Votre technologie élimine aussi de nombreux emplois...

C.O. - Effectivement. Vous imaginez bien que les entreprises de collecte de déchets s'opposent systématiquement à notre implantation dans un quartier. Ces entrepreneurs défendent leur territoire. Même si les municipalités sont responsables de la gestion des ordures, la plupart d'entre elles en ont depuis longtemps sous-traité la collecte et le traitement. C'est un secteur lucratif qui, jusqu'à l'arrivée de technologies comme la nôtre, voyait son avenir assuré.

D.B. - Que répliquez-vous au lobby des sous-traitants de la collecte de déchets?

C.O. - Nous avons plusieurs arguments. D'abord, la collecte de déchets est source d'émissions de CO2. De plus, la flambée des prix du pétrole pousse les villes et les promoteurs immobiliers à chercher des solutions plus économiques pour gérer les rebuts. Il faut aussi tenir compte de la qualité de vie : votre sommeil n'est plus troublé par le passage matinal du camion de poubelles et les déchets ne traînent plus sur les trottoirs.

D.B. - Ce n'est pas votre seul défi...

C.O. - Le système des taxes foncières nous cause aussi de nombreux maux de tête. Dans plusieurs pays, le coût de la collecte des déchets est inclus dans la facture totale qui rassemble d'autres services, tels l'éclairage des rues et l'entretien des parcs. Or, le promoteur immobilier qui installe un système Envac sous ses immeubles n'utilisera pas par la suite les services municipaux de collecte des ordures. Malgré les économies qui en résultent pour la municipalité, la plupart d'entre elles ne consentent aucun rabais de taxes au promoteur. Heureusement pour nous, il existe des exceptions. En Suède, tous ceux qui installent un système comme le nôtre se voient accorder des réductions de taxes. Le gouvernement de Singapour, pour sa part, a créé un système de pointage pour les édifices écologiques. Selon les points accumulés, vous avez droit à un pourcentage de réduction de taxes. Installer un système de collecte de déchets donne droit au pointage maximum, donc au rabais maximum. Cela convainc les promoteurs d'investir.

D.B. - À Toronto, vous avez pourtant perdu la bataille ?

C.O. - Nous avons effectivement raté un contrat important dans le quartier Waterfront Harbour. Le promoteur avait proposé au maire de partager les coûts : il aurait assumé l'installation de notre système et la Ville aurait été responsable des frais d'électricité pour le fonctionnement quotidien, ainsi que l'entretien. Le maire a refusé.

D.B. - Montréal s'est montrée plus accueillante ?

C.O. - Oui, et le projet du Quartier des Spectacles est particulier, car il s'agit d'un quartier déjà existant que l'on vient modifier. Nous l'avons déjà fait au centre-ville de Barcelone, et nous nous apprêtons à intervenir à Londres dans le quartier autour du stade Wembley. Mais près de 90 % de nos installations se font plutôt dans de nouveaux quartiers; elles sont inscrites sur les plans de construction, au même titre que les égouts et les aqueducs.

D.B. - Votre système convient-il à tous les quartiers ?

C.O. - Non. Une certaine densité de population est essentielle. Le Canada ne sera donc jamais un marché important. Par contre, les villes asiatiques, où l'espace se fait rare et les gratte-ciel sont omniprésents, constituent des marchés idéaux. D'ailleurs, la Corée est notre marché le plus important en ce moment.

D.B. - Quelle superficie votre système couvre-t-il ?

C.O. - Un rayon de deux kilomètres et un maximum de 15 000 appartements. Il est évident que tous les immeubles du quartier doivent être raccordés, sinon l'exercice est contre-productif, car certaines ordures restent et les camions de poubelles doivent tout de même circuler pour les ramasser.

D.B. - Combien coûte-t-il ?

C.O. - En moyenne, il faut compter 1 % du coût total du projet immobilier.

D.B. - Votre système est déjà installé dans 30 pays, pourtant vous jugez le taux de pénétration trop lent. Pourquoi ?

C.O. - Nous nous attaquons à un marché où rien n'a bougé depuis des décennies. Prenez l'exemple de la ville de New York, un marché cible idéal pour Envac. Même si nous avons installé il y a 35 ans un système à Roosevelt Island, entre Queens et Manhattan, New York est loin d'être débarrassée de ses poubelles ! Là-bas comme ailleurs, les entreprises qui collectent des déchets protègent leur marché. Quant aux promoteurs immobiliers, ils ont souvent une vision à court terme. Or, notre système rapporte à long terme. Pour accélérer le déploiement de notre technologie, il ne reste qu'une solution : l'intervention du gouvernement au moyen d'une législation ou d'incitatifs fiscaux. Mais encore là, il faut une vision à long terme : je ne sais pas si un politicien sera réélu parce qu'il a adopté une loi sur les déchets... Par contre, aux politiciens qui en ont la vision et le courage, on peut donner un coup de pouce sur le plan de la réglementation. Après des installations dans 30 pays, on commence à connaître les lois !

D.B. - Quelle ville pourrait servir de modèle pour sa gestion des déchets ?

C.O. - Mon premier réflexe serait de répondre Stockholm, puisque nous y avons des systèmes automatisés depuis les années 1960. Mais j'ajouterais qu'une ville comme Séoul s'en tire plutôt bien aussi. À cause de leur surpopulation, les villes asiatiques ne peuvent pas ignorer la gestion des déchets.

D.B. - Vous affirmez que votre système contribue au recyclage et à la valorisation des déchets. Comment ?

C.O. - Que pensez-vous qu'il advient des contenants que vous placez pêle-mêle dans votre bac de recyclage le mercredi matin ? Croyez-vous réellement qu'on parvient à les nettoyer tous adéquatement ? Non. Certains sont trop souillés, on ne peut rien en tirer. Imaginons maintenant que vos déchets soient séparés au moment où vous les jetez, ils ne se contaminent pas entre eux parce qu'ils circulent dans des tuyaux différents pour atteindre des destinations différentes. Notre système permet un tel tri. Il s'inscrit donc tout à fait dans la tendance à la valorisation des déchets et au recours aux énergies de remplacement. Ainsi, les déchets de table deviennent une source de biogaz. Notre technologie permet de récupérer ces déchets de table avec un minimum de pertes et de les acheminer rapidement pour le traitement.

D.B. - Votre expertise est en technologie, faites-vous aussi l'installation ?

C.O. - Non. Nos comptons 7 000 employés, surtout des ingénieurs. Ceux-ci supervisent les travaux, mais dans chaque marché, nous travaillons avec des sous-traitants locaux.

D.B. - Avez-vous des projets pour d'autres systèmes à Montréal, outre celui du Quartier des spectacles ?

C.O. - Je l'espère ! Notre représentant discute ferme avec les autorités municipales. Je ne voudrais pas m'en tenir à Montréal. Même si le Canada n'est pas densément peuplé, il y a quelques zones intéressantes que nous aimerions bien " brancher ".

Le pourquoi

Envac vient d'implanter un premier système à Montréal, dans le Quartier des spectacles. Sa technologie s'inscrit dans le courant d'un nouveau design urbain, plus esthétique et plus convivial. Elle répond aussi aux préoccupations environnementales et contribue à la valorisation des déchets à l'heure où tout le monde cherche de nouvelles sources d'énergie moins polluantes pour remplacer le pétrole.

20 tonnes

C'est la quantité de déchets qu'un sytème Envac peut traiter en une journée. Le système de tuyaux est installé entre 1 et 2,5 mètres sous terre et il possède une capacité de succion de deux kilomètres.

diane.berard@transcontinental.ca

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