Avec le moteur de recherche Yahoo, Microsoft augmente ses chances de détrôner le leader mondial de la recherche et de la publicité sur Internet. Google avait tenté de parer le coup l'an dernier en se rapprochant de Yahoo mais il avait renoncé lorsque les autorités antitrust américaines avaient brandi la menace de poursuites pour abus de position dominante.

L'accord annoncé mercredi signifie que l'utilisateur de Yahoo Search passera désormais par le tout récent moteur de recherche Bing de Microsoft, présenté comme aussi efficace, voire plus, que celui de Google. Le géant de Redmond y acquiert une visibilité nouvelle sur le marché qu'il convoite: "cet accord nous donne l'échelle et les ressources pour créer la recherche du futur", s'enthousiasme le chef de la direction de Microsoft, Steve Ballmer.

En contrepartie de l'intégration et de la promotion de Bing, Yahoo empochera 88 pour cent des bénéfices de la vente des espaces publicitaires liés aux recherches sur son site pendant cinq ans, et pourra vendre des publicités sur certains sites Microsoft.

Le groupe de Sunnyvale, en Californie, table sur une augmentation de 500 millions $ US de son chiffre d'affaires et pense économiser 275 millions $ US par an en développement de sa propre technologie de recherche. Un nombre encore indéterminé d'ingénieurs y perdront leur emploi, a prévenu la chef de la direction, Carol Bartz.

L'accord ne devrait pas être finalisé avant 2010 et il faudra encore deux ans de plus pour que le partenariat soit vraiment mis en place dans le monde entier. Les deux groupes devront en outre d'abord soumettre leur projet aux autorités de régulation puis rendre compatibles leurs technologies respectives.

En attendant, la perspective du rapprochement a porté un coup à l'action Yahoo, les investisseurs ayant espéré que le groupe obtiendrait de l'argent, tandis que le titre Microsoft s'en trouvait renforcé. La déception est d'autant plus grande que Yahoo avait repoussé en mai 2008 une offre de rachat du numéro un du logiciel à 47,5 milliards $ US et qu'elle n'en vaut plus que 24 milliards $ US aujourd'hui. Ses bénéfices sur la recherche-publicité ont chuté de 15 pour cent entre avril et juin. Le cours de Google a légèrement reculé aussi.

De longues négociations

Le feuilleton Microsoft-Yahoo avait commencé en 2005. Contrairement à ses prédécesseurs Terry Semel et le cofondateur de Yahoo Jerry Yang, Carol Bartz, nommée en janvier, a rapidement cherché à tirer de l'argent du portail de recherche, dans la mesure où Yahoo continuerait de recevoir les informations nécessaires sur les centres d'intérêts de ses utilisateurs. Même sans contrepartie financière immédiate, elle estime que l'accord avec Microsoft rapportera gros: "Je crois qu'il pose les fondations d'une nouvelle ère d'innovation et de développement d'Internet", a-t-elle dit mercredi.

L'accord donne à Yahoo un accès limité aux données concernant les recherches des utilisateurs, renseignements qui permettent de mieux choisir les offres publicitaires à leur présenter. Plus il y a de recherches, plus il y a de renseignements à glaner, plus la publicité est efficace.

Or Microsoft, comme Yahoo, investit des milliards de dollars dans la technologie de recherche en ligne depuis dix ans, sans réussir à dépasser une lointaine troisième place en termes de parts de marché alors que sa branche services internet a perdu 2,3 milliards $ US dans l'année fiscale bouclée en juin, soit près de deux fois plus que l'année précédente.

La société fondée par Bill Gates compte sur Bing pour inverser la tendance. Le moteur de recherche a reçu un accueil globalement positif, ce qui pourrait avoir poussé Microsoft à tenter une nouvelle approche de Yahoo. Mais la tâche restera difficile. Microsoft et Yahoo représentent à eux deux 28 pour cent du marché de la recherche sur Internet aux Etats-Unis, contre 65 pour cent pour Google, qui fait encore mieux dans le reste du monde (67 pour cent contre 11 pour cent), selon le cabinet d'étude comScore.

Et une autre bataille se joue dans l'autre sens: pendant que Microsoft s'attaque à la publicité en ligne, Google s'attaque au joyau du géant de Redmond, Windows, avec un système d'exploitation gratuit destiné aux netbooks, ces ordinateurs ultraportables qui grignotent le marché des PC. Mais Chrome OS ne devrait pas se lancer sur le marché avant le deuxième semestre 2010, ce qui laisse à Microsoft une longueur d'avance.

Écouter l'entrevue de notre journaliste Denis Lalonde à RDI