Tout n’est pas rose en Scandinavie

Publié le 29/08/2009 à 15:49

Tout n’est pas rose en Scandinavie

Publié le 29/08/2009 à 15:49

Le temps partiel, certes moins répandu qu’ailleurs, demeure le choix parfois involontaire de plusieurs femmes débordées et les disparités salariales persistent: les femmes scandinaves gagnent en moyenne 20% de moins que leurs collègues masculins.

La Suède a été le premier pays à assister à l’arrivée massive des femmes sur le marché du travail. Pas le choix, explique l’économiste française Béatrice Majnoni d’Intignano, dans Population et avenir: à partir des années 1960, le pays a eu besoin de main-d’œuvre mais n’a pu compter sur ses colonies, comme bon nombre de pays européens, pour pallier au manque.

Au départ, sa fécondité s’est effondrée. Puis conscient de la menace, la Suède a littéralement inventé une politique familiale moderne qui garantissait les droits individuels des femmes et l’égalité entre les sexes tout en transférant une partie du coût de la famille à la collectivité, écrit Mme Majnoni d’Intignono. Ses voisins l’ont imité. Et ça a marché.

La Norvège, le Danemark, la Suède, la Finlande et l’Islande ont développé depuis longtemps des mesures de conciliation famille-travail sophistiquées qui varient d’un pays à l’autre mais vont, grosso modo, de longs congés de maternité payés à presque plein salaire à l’accessibilité à des services de garde quasi gratuits, en passant par l’implication des pères et à la flexibilité du marché du travail.

Mais tout n’est pas rose : le temps partiel, certes moins répandu qu’ailleurs, demeure le choix parfois involontaire de plusieurs femmes débordées et les disparités salariales persistent: les femmes scandinaves gagnent en moyenne 20% de moins que leurs collègues masculins.

Et si les pères suédois, par exemple, ont droit jusqu’à deux mois de congé de paternité, trois sur cinq n’en ont pas profité lors de la naissance de leur enfant. Les origines, les forces et les faiblesses du modèle scandinave avec la finnoise Johanna Lammi-Taskula, chercheuse senior au THL, le National Institute for Health and Welfare à Helsinki, en Finlande.

Les affaires : À l’instar des autres pays scandinaves, il est acquis en Finlande que les femmes, comme les hommes, ont droit au travail rémunéré…

Johanna Lammi-Taskula : Depuis plusieurs décennies, le travail des femmes fait partie de la normalité. Une vaste majorité d’hommes et de femmes acceptent le fait que les mères ont le droit de travailler et que les soins aux enfants et le partage des tâches ménagères doivent être équitablement divisés au sein du couple. Cela tient à nos origines socio-économiques : la Finlande est passée presque directement d’une société rurale à une société moderne. Dans une société agricole, composée de très petites fermes, tout le monde mettait la main à la tâche, c’était une question de survie. L’industrialisation tardive, combinée à une économie axée sur les services, ont fait en sorte que le rôle du mari pourvoyeur et de la femme à la maison n’a jamais été la réalité de la majorité des couples.

Aujourd’hui, les femmes forment la moitié de la main-d’œuvre et payent 40% de l’ensemble des impôts, car elles gagnent toujours 20% de moins que les hommes: les femmes se concentrent encore dans des secteurs moins bien rémunérés et sont moins présentes dans les secteurs de l’administration, des affaires, et dans les hautes directions.

Les femmes forment une main-d’œuvre très éduquée (46% des 25-34 ans ont un degré universitaire, contre 30% des hommes) et une sur cinq travaille à temps partiel.

Les affaires : Qu’a fait l’État finlandais pour promouvoir la place des femmes sur le marché du travail?

JLT : Depuis les années 60, les politiques publiques liées aux responsabilités parentales ont toutes visé à promouvoir la présence des femmes sur le marché du travail. Le support institutionnel a inclus non seulement des services de garde développés (tous les enfants de moins de 5 ans ont le droit à une place dans un service de garde public et les parents payent un maximum de 233 euros par mois), mais aussi des politiques pour encourager l’activité des hommes à la maison, spécialement dans les soins aux enfants.

Quatre décennies de politiques sociales n’ont pas, cependant, conduit à un partage égal des responsabilités familiales entre les mères et les pères. Malgré le très haut taux d’emplois et la prévalence de l’emploi à temps plein, la division du travail domestique entre les hommes et les femmes demeure inégale. Bien sûr, cela a un impact sur la carrière : les femmes étant perçues comme les principales fournisseuses de soins aux enfants, le coût de leur embauche est plus élevé, aux yeux des employeurs, que pour les hommes.

Les affaires : Le marché du travail est-il flexible en Finlande?

JLT : Dû au fait que c’est un marché dominé par le travail à temps plein, les employeurs ne sont pas très chauds à l’idée de favoriser les horaires réduits. Cependant plusieurs mères le demandent et l’obtiennent, notamment lors de l’entrée de l’enfant à l’école, car les journées y sont alors plus courtes que dans les services de garde.

Les affaires : Quel est l’impact sur la carrière des femmes le fait d’arrêter de travailler plus d’un an lors de l’arrivée d’un enfant?

JLT : Bien sûr il y a un impact, notamment pour celles qui ont plusieurs enfants et qui finissent par avoir plus de difficultés à se trouver un boulot ou à faire progresser leur carrière. Cependant, certains secteurs ont un tel besoin de main-d’œuvre (la santé, par exemple) que les mères qui sont restées plus longtemps à la maison sont accueillies très favorablement dans le marché. Cela dit, les femmes très éduquées ont tendance à retourner sur le marché du travail plus tôt, elles ne peuvent pas prendre une année complète de congé sans compromettre leur carrière.

Les affaires : quelle est la journée typique d’un mère finlandaise au travail?

JLT : L’horaire typique pour une femme mariée de la classe moyenne avec deux enfants, disons, de moins de 7 ans, ressemble à ceci : lever à 7 heures, préparation des enfants, marche jusqu’au service de garde où les enfants bénéficient d’un déjeuner dès 8 heures, puis autobus ou marche jusqu’au travail, qui commence généralement autour de 9 heures et se terminent à 16h ou 17h, dépendant lequel des deux parents va chercher les enfants à la garderie. Puis préparation du souper tandis que les enfants regardent des émissions pour eux à la télé, peut-être du temps pour jouer, lire ou aller s’amuser avec d’autres enfants. Le père prend le relais et la mère en profite pour accomplir quelques tâches domestiques comme le lavage ou les courses, ou même aller au gym. Puis on nourrit les enfants, c’est l’heure du bain, du coucher, on lit une histoire et après, on regarde un peu de télé ou on lit un bouquin (en espérant qu’il ne soit pas relié au travail!) et dodo autour de 23 heures.

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