«Nous sommes meilleurs avec d'autres que seuls.»

Publié le 12/05/2011 à 14:58, mis à jour le 12/05/2011 à 14:59

«Nous sommes meilleurs avec d'autres que seuls.»

Publié le 12/05/2011 à 14:58, mis à jour le 12/05/2011 à 14:59

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Par Michel Bundock, premier vice-président et directeur général, Groupement des chefs d’entreprise du Québec

Avoir le courage de ses rêves, raffiner sans cesse la connaissance de soi-même, orienter sa vision vers le beau et miser sur ses forces : voilà ce que vise chaque jour Michel Bundock dans ses activités de dirigeant. Chaque défi devient, pour lui-même et pour l’organisation qu’il dirige, une occasion de croissance.

Très jeune, j’ai voulu découvrir ce que les gens avaient en commun. Dès l’âge de huit ans, j’ai eu l’intime conviction que, fondamentalement, tout le monde était bon. À partir de ce moment, j’ai toujours cherché à mieux comprendre l’être humain. Cette recherche personnelle s’est poursuivie au début de l’adolescence, à travers la littérature. J’ai lu et j’ai beaucoup écrit, surtout de la poésie, ce qui m’a permis de mieux me connaître. Mon école secondaire appliquait une pédagogie suédoise d’autoformation, parfaite pour moi qui n’ai jamais été vraiment à l’aise avec un encadrement rigide. J’avais 13 ans quand un professeur a répondu à ma soif de connaissance, en m’initiant à de grands auteurs, psychanalystes et poètes.###

Dès mes années de cégep, j’ai adopté le côté libre-penseur de ma mère, qui répétait volontiers : « Construis ta pensée par toi-même, forme ta propre opinion ». Cela m’a amené à être original, autrement dit à oser être moi-même. Bref, à ne pas faire comme les autres — par exemple en créant un journal littéraire, en traduisant des chansons en pièce de théâtre.

Puis, mon passage à l’école PRH, un centre de formation international axé sur la croissance de la personne, m’a donné des outils pour me comprendre et pour comprendre les autres, que ce soit grâce à des exercices personnels, à des partages en groupe, ou à des techniques d’animation et d’évaluation de nos forces. La vie m’a amené à les utiliser au travail.

Regarder le beau

En 1988, j’ai joint le Groupement des chefs d’entreprise du Québec, un lieu d’échanges et d’entraide pour les propriétaires de PME. J’avais 28 ans. Je m’y suis développé comme personne et comme leader. Je suis convaincu que chaque être humain, tout comme chaque entreprise, a la responsabilité de découvrir son unicité et de la mettre en valeur. Depuis mon arrivée au Groupement, j’ai contribué à mettre l’accent sur la progression personnelle des membres. Notre expertise d’accompagnement en fait aujourd’hui un réseau original et unique au monde.

Le Groupement poursuit une véritable mission d’entraide. Un jour, après avoir appris que les installations d’un de nos membres avaient été détruites par le feu, nous avons réuni sur-le-champ d’autres chefs d’entreprise qui avaient traversé cette épreuve, afin de lui apporter du soutien. Mais les rencontres ne se font pas toujours en situation de crise. Ainsi, des leaders qui sont sur le point de faire une acquisition ou de prendre de l’expansion peuvent bénéficier rapidement de l’expérience de dirigeants qui sont aussi passés par là. Il existe des groupes pour les couples en affaires, pour les dirigeants en processus de relève, pour les chefs dont les entreprises sont en croissance accélérée. Au fil des ans, j’ai vu des entrepreneurs désemparés qui, après deux ou trois heures passées auprès de leurs pairs ayant connu les mêmes difficultés, retrouvaient confiance en eux et repartaient ragaillardis, avec un plan d’action en poche.

Une clé de la réussite de telles rencontres ? S’assurer que les échanges portent sur les forces des leaders davantage que sur leurs faiblesses. Vous savez, il existe trois fois plus de mots pour décrire les défauts de l’être humain que pour parler de ses beautés. Or, les problèmes ne m’intéressent pas tellement ; je me concentre plus volontiers sur les solutions qui peuvent nourrir la vision d’une entreprise que sur ses difficultés. Et quand j’interagis avec un employé ou un chef d’entreprise, je tente toujours de voir le meilleur de cette personne et de l’encourager à l’exprimer.

Oser changer

En 1997, le Groupement des chefs d’entreprise a traversé une crise d’identité liée à sa mission véritable. Les groupes de rencontre et les clubs étaient moins efficaces. Un changement d’orientation s’imposait : il fallait repenser notre action et miser sur notre force motrice. Par exemple, dans nos clubs, nous avons cessé de nous contenter d’agir comme un intermédiaire et nous avons nous-mêmes engagé un animateur pour favoriser les échanges de groupe. À partir de ce moment, il s’est produit un véritable regain d’intérêt. Nous avons transformé une situation d’échec imminent en réelle occasion de progresser.

Changer n’est pas facile. Cela implique des deuils de toutes sortes. Or, pour y arriver, le désir doit être plus puissant que la peur. En s’assurant d’avoir une vision claire et en la communiquant bien, un leader peut inspirer à son équipe le désir de changer d’approche. À mon avis, l’immobilité entraîne la stagnation, avec des conséquences physiques et psychologiques fâcheuses.

Après le décès de mon frère en 1995, j’ai écrit les 50 rêves que je voulais réaliser avant de mourir. C’était une manière d’aborder ma vie autrement après cette expérience de la mort. Je tiens cette liste à jour et je la garde sur moi. J’ai un rêve pour le Groupement des chefs d’entre-prise, celui de le développer dans ses quatre dimensions : en largeur en rejoignant le plus de chefs d’entreprise possible, en profondeur pour qu’il grandisse comme lieu utile et humainement riche pour les chefs d’entreprise, en hauteur pour qu’il rayonne, qu’il soit visible et qu’il inspire, et en durée pour qu’il se perpétue.

Mon grand rêve personnel pour l’instant ? Mener une vie professionnelle plus équilibrée. Il y a 20 ans, les entrepreneurs-vedettes étaient ceux qui travaillaient comme des fous. Aujourd’hui, les nouveaux leaders prennent aussi le temps de s’entraîner, de se ressourcer, de réfléchir davantage ou de jouer avec leurs petits-enfants. C’est un choix qui exige de s’organiser en conséquence.

Penser comme un leader

« Dans chaque menace, il y a une occasion à saisir. » C’est ce que répétait sans arrêt Jean-Yves Sarrazin, un ex-président du Groupement, qui m’a beaucoup influencé. Si bien que, devant chaque difficulté ou chaque défi, je m’interroge : « Que peut-on en faire ? »

Être un leader, c’est proposer une vision du monde ou d’une entreprise, à partir d’un rêve. Renouveler sa vision est un défi constant. Je tente de rester ouvert et de repérer tous les indices qui peuvent nourrir, changer, enrichir la vision de départ. Je reste à l’écoute des idées de mes collègues, de leurs inquiétudes, de leurs suggestions, et je réajuste les activités ou les orientations au besoin. Mon sentiment le plus satisfaisant survient quand des idées nouvelles émergent d’une rencontre, d’une réflexion. La créativité est un indice fondamental, pour moi, du bien-être d’une personne.

Un bon leader doit aussi faire surgir le meilleur des gens qui l’entourent. Mon prédécesseur, Pierre Beaulieu, a été marquant pour moi à cet égard. Il m’a fait confiance, a été très stimulant quand il fallait créer des projets et il a été un bâtisseur inspirant.

Autre grand défi : rester fidèle à moi-même. Pour cela, je tente de connaître mes forces, sans trop m’occuper de mes points faibles, parce que si ceux-ci peuvent s’atténuer, un point fort peut devenir un levier extraordinaire. Ma responsabilité comme dirigeant est d’amener mon équipe à changer l’eau en vin, une image que je trouve très puissante. Le rayonnement international du Groupement des chefs d’entreprise est un résultat très concret dans ce sens. J’ai participé à ce déploiement et j’en suis très heureux.

Au fil de nos activités d’animation, nous avons défini les quatre grandes responsabilités des leaders : développer leur entreprise, la structurer, en assurer la continuité et réussir leur développement personnel dans les cinq secteurs de leur vie — engagement professionnel, engagement social, santé, finance et ressourcement. Au cours des quelque 1 500 réunions que nous organisons chaque année, des propriétaires d’entreprise viennent s’enrichir sur tous ces plans. Au cœur de ces activités, je me considère comme un créateur d’harmonie, un artiste pédagogue.

Personne n’est une île. Seul, on va parfois plus vite, mais avec d’autres, on va beaucoup plus loin. La raison principale pour laquelle les chefs d’entreprise se joignent à nous, ça reste, depuis nos débuts en 1974, le besoin de sortir de l’isolement.

Un chef d’entreprise qui raconte son histoire peut être très stimulant, comme nous l’ont confirmé des centaines de dirigeants. Nelson Mandela m’a inspiré à ce sujet : « C’est en laissant briller notre propre lumière, disait-il, qu’on incite les autres à laisser briller la leur. » Je crois que ce n’est pas en se cachant qu’on aide. Et quand j’allume la bougie de quelqu’un d’autre, ma bougie reste allumée elle aussi.

Chacun, à mon avis, est responsable de trouver les activités qui l’inspirent et le font avancer. Pour moi, mon développement personnel est le moteur de mon développement comme leader.

En 23 ans, le nombre de groupes d’entraide est passé de 50 à 200 au Groupement. Nous avons développé l’art de permettre aux gens d’exprimer leurs préoccupations. Nous nous concentrons sur la progression personnelle des chefs d’entreprise. Pour cela, il faut créer un climat, un milieu. Ma mission, dans la vie, se trouve là aussi.

En somme, ma mission personnelle se marie bien avec celle du Groupement : faire progresser les personnes et les groupes avec confiance, au gré des rencontres et des projets inspirants, par mon leadership de pédagogue, pour créer une société plus prospère sur les plans économique et humain.

5 leçons de leadership

« Connais-toi toi-même. »

Ma première responsabilité comme individu est de développer mes talents et de les faire fructifier. Mon entreprise ne peut alors qu’en bénéficier, car je suis ainsi mieux dans ma peau et plus limpide dans mes communications. Je trouve agréable et stimulant de travailler avec des gens qui sont bien dans leur peau. Un leader qui se connaît bien permet à ses collaborateurs et à ses employés de mieux se connaître.

« Nous sommes meilleurs avec d’autres que seuls. »

Dès que je côtoie une personne inspirante, j’ai le goût d’être meilleur. C’est contagieux ! Je crois qu’aujourd’hui, l’isolement est la pire maladie. Malheureusement, tous les leaders ne pensent pas ainsi. Certains essaient de se protéger, mais c’est tellement mieux de s’ouvrir. Pour cela, il faut dépasser ses peurs, faire preuve d’une certaine humilité et faire confiance sans se sentir menacé ou dévalorisé.

« Partager ses talents fait prospérer. »

Il y a quelque chose de gratuit et de généreux dans le partage. J’ai découvert que plus je donne, plus je reçois. Il n’y a rien à perdre dans le fait de donner. Partager mes talents suscite l’innovation. Et plus je crée, plus je suis prospère — d’ailleurs, ce mot vient du latin prosperus, qui signifie « être dans un état heureux ». Une entreprise qui est dans un état heureux est en bonne santé financière, mais il y a plus : sa mission est intéressante et le climat de travail est bon. Une telle situation est des plus agréables à vivre. Qui ne veut pas être heureux ?

« Oser se développer au-delà de ses frontières. »

L’an dernier, le Groupement des chefs d’entreprise a été invité par le World Entrepreneurship Forum à donner la conférence d’ouverture devant des représentants de 55 pays. L’occasion était belle de faire reculer nos frontières personnelles. Elle a mené à une élargissement de nos frontières géographiques. Lors de cette rencontre avec des entrepreneurs de l’Inde, du Brésil, de Singapour et d’ailleurs, j’ai pris conscience des trois grandes caractéristiques de notre organisation, les trois « U » : universelle, parce qu’elle répond à un besoin fondamental de chaque entrepreneur; unificatrice, parce que fondée sur l’entraide et la collaboration; et unique, parce que nous sommes les seuls au monde à faire ce que nous faisons.

« Voir grand, avec confiance. »

Nous allons là où nous regardons, comme nous le faisons en voiture. Il faut donc choisir ce que nous regardons. Voir grand signifie toujours aller vers du neuf. C’est aussi avoir le courage de ses talents, avoir le courage de son envergure, avoir le courage de ses rêves. Voir grand, pour moi, a été un jour oser animer une salle de 1 500 personnes. Cela m’a permis de reconnaître mon talent en communication. Je sentais cela, mais je ne l’avais jamais vraiment vérifié. Une intention claire permet de repérer les occasions à saisir.

Propos recueillis par Danielle Ouellet

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