Motiver ses troupes en temps de crise

Publié le 01/02/2009 à 00:00

Motiver ses troupes en temps de crise

Publié le 01/02/2009 à 00:00

Les crises économiques ne font pas que ralentir les ventes et dégringoler les marchés boursiers. Elles nuisent aussi à la motivation des travailleurs. Quelques conseils pour leur rendre leur enthousiasme.

Les crises économiques n'ont rien qui puisse réjouir vos employés. Au contraire : les baisses de bénéfices et les rumeurs de faillite les poussent au défaitisme. Prenez Tembec, par exemple. Fin 2007, la forestière et papetière traînait une dette de plus de un milliard de dollars qui allait croissant. Autrement dit, Tembec "traversait une crise et manquait de liquidités pour y faire face", dit Richard Fahey, vice-président, Communications et affaires publiques de l'entreprise.

Une situation aussi précaire entame la motivation de tous les travailleurs, même les plus enthousiastes ! "Ils peuvent penser qu'il n'y a pas de solution possible et devenir déprimés. Or, un employé déprimé est moins productif et moins dynamique. Si, de plus, il ne croit plus en la survie de l'entreprise, il risque de démissionner", ajoute Richard Fahey.

Tembec a évité le pire. Sa solution ? Recapitaliser sa dette en actions et communiquer abondamment avec ses employés. "Parce que nous les informions régulièrement sur la recapitalisation et sur ses effets, ils ont cru à notre projet et ils sont restés avec nous", se félicite le vice-président.

Quand l'inquiétude ronge la productivité

Les crises, qu'elles touchent une entreprise, un secteur ou un pays, "insécurisent et stressent les employés", explique Diane Fellice, conseillère en ressources humaines agréée (CRHA) et coach chez Fellice Stratégies humaines. En voyant des mastodontes comme GM vaciller, par exemple, tous les travailleurs ou presque s'interrogent sur la solidité financière de l'entreprise qui les emploie. "Si la haute direction et les cadres les renseignent mal sur ce qui les attend, la machine à rumeurs du bureau ou de l'usine s'emballera", dit Diane Fellice. Or, parler avec ses collègues dans les couloirs n'aide guère à sortir la firme du pétrin !

En plus de s'inquiéter de la survie de leur société, les techniciens et les ouvriers ont des préoccupations plus personnelles : ils se demandent s'ils pourront prendre leur retraite à la date prévue, s'ils trouveront un nouvel emploi s'ils venaient à perdre celui qu'ils occupent. "En voyant les Bourses chuter, ils se soucient aussi de leurs finances personnelles !" ajoute André Savard, CRHA chez Dessureault, Savard, Caron et associés. Ces inquiétudes grugent l'attention qu'ils consacrent d'ordinaire à leurs dossiers, et par conséquent, nuisent à leur productivité.

Cette incertitude face à l'avenir mine aussi leur sommeil et leur pouvoir de concentration, ce qui sape aussi... leur rendement. "Le stress les rend aussi plus vulnérables aux maladies, et donc plus susceptibles de s'absenter", souligne Diane Fellice.

De plus, les difficultés économiques étouffent la créativité de tout le monde. "Lorsque les temps sont incertains, la plupart préfèrent appliquer des recettes connues parce qu'innover comporte des risques. Par ailleurs, les crises diminuent les ressources des employés à cause des mises à pied et des compressions budgétaires. Mais elles leur apportent aussi plus de travail. Cette combinaison stressante est peu propice à l'innovation", explique André Savard.

Enfin, les incertitudes économiques augmentent l'engagement de continuation et le sentiment de "captivité" des employés, ajoute Kathleen Bentein, professeure à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM : ils restent davantage en poste parce qu'ils s'y sentent obligés. Il serait imprudent, pensent-ils, de quitter un emploi en pleine récession. Même s'ils ne s'y plaisent guère ! Malheureusement, ils performent mal, dit-elle. "Ils font leurs heures, sans plus : ils travaillent comme des automates, se soucient peu d'offrir de la qualité ou d'aider leurs collègues." Bref, ils restent pour le salaire...

Faire de vos employés des alliés

Perdre des employés - ou avoir des candidats démotivés - est problématique. "Les travailleurs sont votre force vive. Sans eux, rien n'est possible : ce sont eux qui innovent, satisfont les clients et contrôlent la qualité", rappelle François Leduc, psychologue du travail et des organisations et coach chez Leduc Godin et associés.

Cela dit, plus une entreprise prend soin de ses troupes, moins leur motivation pâtira pendant la crise, croit Michel Tremblay, professeur à HEC Montréal. "Les difficultés économiques exigent des efforts supplémentaires de la part des travailleurs. Si un dirigeant a toujours reconnu leurs efforts et toujours répondu à leurs doléances, ils accepteront plus facilement de l'aider en temps de crise." Autrement dit, ils changeront leurs façons de faire sans trop rechigner, et au besoin, accepteront même une réduction de salaire ! "Ils ont une dette morale envers leur employeur parce que celui-ci a toujours pris soin d'eux", explique Michel Tremblay. Grâce à leur dévouement, les crises durent généralement moins longtemps.

À l'inverse, des employés qui ont été négligés ne se sentiront nullement concernés par les difficultés de leur entreprise. À la limite, dit Michel Tremblay, ils commettront un suicide collectif : ils refuseront de faire le moindre effort ou compromis supplémentaire, quitte à ce que la société ferme ses portes.

Si un vent mauvais vient à souffler, ces travailleurs se préoccuperont d'abord d'eux-mêmes, et non de leur employeur. Par exemple, "ils ne diront à personne qu'un produit dont ils ont la charge est défectueux, illustre Michel Tremblay. Cela pourrait nuire à leur carrière. De même, ils vendront les actions de l'entreprise, s'ils en ont, même si cela fait chuter la valeur boursière de l'entreprise." Ce qui aura pour effet de perpétuer la crise et de démotiver... les autres employés.

aplus@transcontinental.ca

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