Entrevue n°165: Jody Greenstone Miller, pdg, Business Talent Group

Publié le 20/07/2013 à 00:00

Entrevue n°165: Jody Greenstone Miller, pdg, Business Talent Group

Publié le 20/07/2013 à 00:00

Par Diane Bérard

Jody Greenstone Miller, pdg, Business Talent Group

Jody Greenstone Miller a travaillé pour deux présidents américains (Clinton et Bush), une société de capital-risque (Maveron), une firme d'investissement (Lehman Brothers) et une société de documentaires (Time-Life). Elle a lancé Business Talent Group qui repose sur le concept d'employé super temporaire, pour les professionnels qui ne rêvent ni de consultation ni d'emploi permanent.

Diane Bérard - Vous êtes chasseuse de têtes pour une nouvelle catégorie d'employés : les supers-temporaires. De quoi s'agit-il ?

Jody Greenstone Miller - J'ai monté une banque de 2 000 professionnels qui se trouvent au sommet de leur carrière, mais qui refusent de suivre le parcours traditionnel. Parce qu'ils sont indépendants, on les verrait consultants. Toutefois, ils n'ont aucune envie de se vendre constamment pour ramener des contrats à leur employeur. Parce qu'ils sont talentueux, on les verrait grimper les échelons d'une grande entreprise. Mais la politique interne, ce n'est pas leur truc. Ils veulent produire, pas jouer du coude. Ce type de professionnels préfère mener une série de projets successifs d'un employeur à l'autre plutôt que d'occuper un emploi permanent.

D.B. - Comment est née l'idée ?

J.G.M. - J'ai lancé ma boîte pour combler les lacunes observées lorsque j'étais patronne. J'ai travaillé dans l'univers du capital-risque, puis celui de la télé. Dans ces deux postes, il m'est arrivé d'avoir besoin de renfort pour des mandats stratégiques. Je ne voulais pas faire appel aux McKinsey de ce monde, leur structure de coûts étant trop lourde. Et je ne voulais pas recruter, car j'ignorais à quoi ressemblerait mon besoin à long terme. J'ai perdu un temps fou à solliciter mon réseau de relations. Après avoir appelé Jacques, Josée et Julie, je finissais par parier sur Alexandre, dont je ne savais rien. J'ai fondé Business Talent Group pour que les entreprises n'aient plus à recourir à ce processus long et inefficace.

D.B. - Pourquoi une entreprise voudrait-elle recruter un super-temporaire plutôt qu'un employé permanent ?

J.G.M. - Trois situations justifient ce choix : vous avez besoin de quelqu'un tout de suite pour une courte période ; vous ignorez à quoi ressemblera votre besoin à long terme ; vous n'avez pas besoin de quelqu'un d'aussi expérimenté pour longtemps.

D.B. - Les employeurs ne font-ils pas appel à des employés temporaires parce qu'ils sont trop pingres pour recruter des employés permanents ?

J.G.M. - Il ne faut pas confondre les employés temporaires non spécialisés qui se trouvent au bas de l'échelle et les super-temporaires de notre banque. Les travailleurs du premier groupe ont besoin de protection. Certains employeurs peuvent être tentés d'abuser d'eux. Les professionnels de ma banque, par contre, sont bien traités et rémunérés à leur juste valeur.

D.B. - Les super-temporaires sont-ils principalement des femmes ?

J.G.M. - Eh bien non ! Plus de 70 % des professionnels de la banque Business Talent Group sont des hommes. Ils ont de 35 à 45 ans et ont suffisamment d'expérience pour que leur contribution ponctuelle soit valorisée.

D.B. - Quels mandats leur confie-t-on ?

J.G.M. - Nous recevons des mandats liés à la croissance (analyses de marché, analyses de prix, etc.) ou à l'amélioration de la performance (processus d'appel d'offres, chaîne d'approvisionnement, structure de coûts, etc.).

D.B. - Et les services de RH ?

J.G.M. - Je l'ignore, parce que nous ne travaillons jamais avec eux. Les v.-p. et les directeurs de service nous appellent directement. C'est avec eux que nous avons noué des relations. Et c'est d'eux que nous devons être proches pour comprendre leurs besoins et les combler rapidement. Les RH sont trop éloignées des centres de décision.

D.B. - Vous estimez que le recours aux super-temporaires se répandra. Pourquoi ?

J.G.M. - À cause des boomers, de la génération X et des femmes. Les baby-boomers visent la retraite. Pour continuer à profiter de leurs compétences, les employeurs seront forcés d'offrir de nouveaux modèles de travail. La génération X, elle, approche de sa période professionnelle dorée. Mais les X n'entrevoient pas leur contribution comme leurs aînés. Pour eux aussi, il faudra développer d'autres voies. Et puis, il y a les femmes. Elles sont de plus en plus éduquées. Les entreprises ont besoin d'elles, mais comme pour la génération X, il faudra leur offrir autre chose que la consultation ou un emploi permanent.

D.B. - Vous prônez la flexibilité au travail. Est-ce la solution pour qu'il y ait plus de cadres féminins ?

J.G.M. - Non. Vous aurez beau permettre à un cadre qui fait 80 heures par semaine de les effectuer quand bon lui semble, il faudra quand même qu'il les fasse. S'il y a si peu de cadres féminins, et s'il est de plus en plus difficile de recruter des cadres, c'est parce que c'est une tâche impossible. On recrute un candidat en sachant bien qu'il y a trop de boulot pour une seule personne. Alors, le nouveau cadre établit lui-même ses priorités et fait ce qu'il peut en fonction de ses compétences et de son niveau d'énergie. Certains en font plus, d'autres moins.

D.B. - Vous proposez de redessiner les emplois de cadres pour contrer la pénurie. Comment ?

J.G.M. - Chez nous, chaque trimestre, nous traduisons en heures la somme de travail que nous aurons à accomplir. Nous planifions ensuite le nombre d'employés nécessaires en fonction du nombre d'heures que chacun est prêt à accomplir. Il nous arrive d'avoir à recruter, mais en agissant comme nous le faisons, nous accroissons le bassin de talents et nous attirons plus de candidats de qualité.

D.B. - La montée des super-temporaires traduit-elle une certaine désillusion face au travail?

J.G.M. - Face au travail? Non. Les super-temporaires aiment travailler. Ils rejettent plutôt la relation traditionnelle avec l'entreprise. Ils veulent choisir ce sur quoi ils travaillent et avec qui ils le feront. Pour eux, la vie professionnelle idéale est une succession de projets.

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