Le chantre du design thinking

Publié le 07/05/2010 à 14:34

Le chantre du design thinking

Publié le 07/05/2010 à 14:34

Par Premium

Tim Brown est PDG de l’agence de design Ideo, établie à Palo Alto, dans la Silicon Valley. Pour créer un service bancaire inusité ou inventer une console de jeu vidéo, il recourt à ce qui a fait sa marque : le design thinking, une approche holistique de l’innovation qui mise sur une compréhension en profondeur des besoins du client.

Dans son plus récent livre, Change by Design : How Design Thinking Transforms Organizations and Inspires Innovation (HarperBusiness, 2009), Tim Brown donne quelques exemples de ce que permet de faire le design thinking. Ainsi, avec sa console Wii, Nintendo a fait fi de l’obsession de l’industrie d’améliorer l’aspect graphique des jeux, se concentrant plutôt sur la gestuelle des joueurs. De son côté, HBO a choisi de miser un peu moins sur la câblodistribution pour plutôt offrir sa programmation sur de nouvelles plateformes, comme les cellulaires. Quant au transporteur United Airlines, il a instauré un service Premium, avec des sièges plus larges, de meilleurs repas et plus d’options de divertissement pendant les vols entre différentes villes américaines.

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Ideo, l’agence de design pilotée par Tim Brown, est le fer de lance de cette tendance. Cette agence a signé, entre autres choses, le mince boîtier d’aluminium du Palm V, le tube de dentifrice vertical Crest de Procter & Gamble, et même le programme d’épargne Keep the Change de la Bank of America, qui a conquis des millions de nouveaux clients en leur permettant d’amasser quelques sous à chaque achat effectué avec leurs cartes de débit ou de crédit. Selon Tim Brown, le type de réflexion qui mène à la conception d’un tube de dentifrice vertical est aussi efficace pour améliorer une salle d’urgence ou le réseau de transport en commun d’une ville.

Quelle est l’essence du design thinking?

C’est une méthode qui permet de créer de nouveaux choix. Nombre de gestionnaires croient découvrir de nouvelles façons de faire en parcourant des magazines ou en surfant sur le Web, mais ils oublient que si eux-mêmes trouvent, la concurrence le peut tout aussi bien. Quant aux centres de recherche et développement des entreprises, bien peu ont des mécanismes vraiment efficaces pour créer de nouveaux choix, de façon continue et durable. Leurs trouvailles résultent généralement d’heureux hasards, ce qui n’est pas le cas avec le design thinking, dont l’objectif premier est de répondre aux besoins non exprimés de la clientèle, quel que soit le domaine dans lequel se situe l’entreprise.

Quels sont les jalons qui caractérisent le design thinking?

Tout d’abord, il y a la définition du mandat. Quel problème veut-on résoudre? Au début de ma carrière, on me demandait seulement de réinventer l’emballage d’un produit en répondant à la prémisse suivante : créer quelque chose que les consommateurs aimeront. Maintenant, on me demande de carrément réinventer le marché du produit en question.

Le jalon suivant consiste à observer différemment le monde qui nous entoure. Les idées formidables surgissent quand on remarque des détails inédits et quand on rencontre des personnes ayant des points de vue qui divergent des nôtres. Chez Ideo, nous prisons l’approche ethnographique : observer l’attitude des consommateurs par rapport au produit ou au service que l’on doit réinventer, parfois même en passant du temps en leur compagnie, que ce soit dans un commerce de détail, dans la salle d’urgence d’un hôpital ou dans un parc d’attraction.

Plus nous observons, plus notre perception du produit ou du service à améliorer s’affine. Quand nous avons reçu, de la part d’Amtrak, le mandat d’améliorer l’expérience des passagers à bord de ses trains Acela, nous avons commencé par nous demander quelles étapes devaient suivre les clients, et ce, du début à la fin. Nous avons constaté que la plus grande part de l’interaction avec le client avait lieu avant même qu’il ne monte dans le train : il doit se rendre à la gare, acheter ses billets et trouver le quai d’embarquement. Tout cela a beaucoup d’importance aux yeux du client. Le hic, c’est que la plupart des instal¬lations où se déroule cette partie de l’expérience du client n’appartiennent pas à Amtrak. Celle-ci ne possède ni gares ni compagnies de taxis. La solution ? Suivre ce principe : « Je sais que je ne suis pas responsable de toutes ces étapes, mais j’en accepte malgré tout la responsabilité. »

Mais comment trouve-t-on cette solution ?

Le troisième jalon de la méthode consiste à trouver le moyen d’améliorer, de façon systématique, la connaissance du produit ou du service. Pour revoir le fonctionnement de la salle d’urgence d’un hôpital, l’un de nos designers s’est inscrit à titre de patient et a filmé son expérience à l’aide d’une caméra cachée. L’une des premières choses que nous avons remarquées en visionnant la vidéo, c’est le temps fou qu’il passait couché sur le dos, en attendant qu’on l’appelle, à regarder les carreaux insonorisants du plafond.

Ces carreaux sont devenus le symbole du mélange d’ennui et d’anxiété qui se dégageait de cette salle d’urgence. On y avait le sentiment d’être perdu, mal informé et de n’avoir aucun contrôle sur son sort. Nous aurions pu réagir en disant : « Ajoutons un peu de couleur aux carreaux du plafond et installons des télés partout pour distraire les patients, comme le font la plupart des hôpitaux. » Nous avons plutôt amorcé des discussions ouvertes sur notre découverte, jusqu’à trouver l’idée que les patients devaient être traités comme des personnes stressées et souffrantes, et non comme des objets à déplacer qui consomment des ressources.

Enfin, le quatrième jalon : l’élaboration d’un prototype, ce qui permet de visualiser les idées. Cette étape est cruciale. Toutes mes idoles – Thomas Edison, Akio Morita, Steve Jobs, etc. – construisaient des trucs qui n’avaient jamais existé jusque-là. Sans cesse, ils fabriquaient des prototypes et les mettaient à l’essai. Ils faisaient des erreurs, puis corrigeaient le tir. Jusqu’à la grande découverte. À mes yeux, un des indicateurs d’une culture de l’innovation, c’est quand la haute direction d’une entreprise examine souvent des prototypes préliminaires pour voir comment les idées évoluent.

Appliquez-vous le design thinking à votre propre entreprise ?

Nous avons découvert, il y a quelques années, que nos meilleures idées provenaient des employés, et non des cadres supérieurs. Nous avons donc construit le Tube, une plateforme numérique spécialement conçue pour partager le savoir.

Dans cet intranet, chacun dispose de sa page Web. Sur la mienne, on trouve tous les projets auxquels j’ai travaillé, ce que j’ai à faire pour les trois prochains mois et mon blogue. Pour chaque projet et chacun de nos clients, nous mettons nos histoires en ligne : comment nous avons abordé une question ou l’autre, ce que nous en avons appris, qui y a travaillé, etc. Puis, grâce aux wikis, les personnes intéressées par certains sujets partagent leurs idées et élaborent même des prototypes. Notre forum de discussion interne compte des dizaines de milliers de pages !

Par ailleurs, pour chaque projet, nous travaillons en équipe interdisciplinaire, sans avoir peur de réunir des personnes aux talents complètement différents. Cela nous a toujours bien servis. Un mythe répandu veut que la

conception soit l’apanage de surdoués qui ont tout le temps des idées formidables. Je n’y crois pas du tout. En toute honnêteté, la grande majorité des problèmes de design, de nos jours, sont tellement complexes qu’il faut toute une équipe pour innover, et ce, dès le début du projet.

Travailler ainsi permet-il de trouver des solutions simples ?

Bien entendu. Nous ne jurons que par la simplicité, car les consommateurs ne peuvent tolérer qu’un certain degré de complexité. Au moment de leur apparition, le Macintosh des années 1980 et le Palm Pilot des années 1990 comportaient tous les deux des fonctionnalités assez limitées, qui se sont multipliées à mesure que la clientèle a apprivoisé ces appareils.

Une des raisons pour lesquelles j’aime beaucoup la console Wii, de Nintendo, c’est qu’elle a réintégré la simplicité aux jeux vidéo. Pour moi comme pour bien d’autres personnes qui ne s’y intéresseraient pas autrement, c’est devenu la porte d’entrée pour pénétrer dans cet univers du jeu. La console PlayStation 3, de Sony, est nettement plus évoluée sur le plan technologique que la Wii, mais elle est trop complexe.

Vers quoi va maintenant évoluer le design thinking?

En matière de design, un des enjeux actuels les plus intéressants est la contrainte des coûts, suivi de l’impact sur l’environnement. La combinaison des deux nous force à trouver des concepts particulièrement novateurs. Par exemple, la Nano de Tata se présentait, avant même d’exister, comme la voiture la moins chère du monde. Elle est de surcroît peu polluante, en tout cas moins qu’une mobylette utilisée en Inde, semble-t-il.

En fait, il va falloir que l’on crée des objets et des services ayant plus de sens. Dans Objectified, un film documentaire de Gary Hustwit sur le design industriel, on donne à des personnes 20 minutes pour prendre dans leur maison les objets les plus importants à leurs yeux avant qu’un ouragan dévaste tout. Résultat : toutes ces personnes ont choisi des photos et des babioles liées à un moment fort de leur vie. Seule la valeur symbolique de l’objet comptait. Toute une gifle pour nous, experts en marketing et en design, dont le travail, ultimement, n’intéresse pas les gens…

Nous devons en tirer des leçons et réfléchir autrement si nous voulons, un jour, offrir des objets et des services ayant une véritable valeur.

Une entrevue d’ART KLEINER, de STRATEGY+BUSINESS

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