Le bonheur, c'est rentable

Publié le 27/06/2012 à 14:04, mis à jour le 28/06/2012 à 14:04

Le bonheur, c'est rentable

Publié le 27/06/2012 à 14:04, mis à jour le 28/06/2012 à 14:04

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Donnez à vos employés l’occasion d’apprendre et de grandir, ils se sentiront plus heureux et plus engagés dans la réussite de l’entreprise.

Auteurs : Gretchen Spreitzer et Christine Porath, Havard Business Review

QU’ENTEND-ON PAR « BONHEUR AU TRAVAIL » ? Il ne s’agit pas simplement de satisfaction. Se sentir satisfait évoque un certain contentement de soi. Le bonheur au travail va bien au-delà de cela, et nous croyons avoir trouvé un meilleur mot pour le définir. Avec nos collègues de recherche du Center for Positive Organizational Scholarship de la Stephen M. Ross School of Business, nous avons examiné les facteurs qui contribuent à soutenir la performance des personnes et des entreprises. Cela nous a permis de découvrir un mot plus juste pour définir le concept de bonheur au travail : épanouissement — dans le sens de florissant, d’heureux. À notre avis, une main-d’œuvre épanouie n’est pas formée d’employés simplement satisfaits et productifs, mais d’employés qui s’investissent pour façonner l’avenir — celui de leur entreprise et le leur. Les employés épanouis ont un certain avantage : ils sont très motivés, mais ils savent éviter l’épuisement professionnel. ###

Nous avons trouvé deux volets à l’épanouissement :

1. La vitalité : le sentiment d’être vivant, passionné et enthousiaste. Les employés qui ont cette vitalité démontrent une énergie communicative. Les entreprises génèrent de la vitalité en donnant à leur personnel le sentiment que leur travail quotidien compte beaucoup.

2. L’apprentissage : la croissance qui découle de l’acquisition de connaissances et d’aptitudes. L’employé peut en tirer un avantage technique et aussi un statut de spécialiste. L’apprentissage peut aussi amorcer un cercle vertueux : les personnes qui développent leurs aptitudes sont probablement plus enclines à croire en leur potentiel de croissance future.

Ces deux aspects vont de pair ; l’un a peu de chance d’être viable sans l’autre. Pire, un seul aspect pourrait même nuire à la performance. L’apprentissage, par exemple, donne de l’élan pendant un certain temps, mais sans la passion, il peut mener à l’épuisement professionnel. Que vais-je faire de ce que j’ai appris ? Pourquoi devrais-je rester à ce poste ? La vitalité seule —même si on aime les félicitations qui accompagnent les réussites — peut être abrutissante : lorsque le travail n’offre aucune possibilité d’apprendre, on répète la même chose jour après jour.

Grâce à la combinaison de la vitalité et de l’apprentissage, les employés produisent des résultats et trouvent des moyens de s’épanouir. Leur travail est valorisant, non seulement parce qu’ils réussissent à accomplir ce qu’on attend d’eux aujourd’hui, mais aussi parce qu’ils comprennent à la fois l’orientation de l’entreprise et leurs propres objectifs. Autrement dit, ils sont épanouis et l’énergie qu’ils dégagent est contagieuse.

Le rôle de l’organisation

Notre étude a révélé quatre facteurs qui favorisent l’épanouissement des employés : le pouvoir décisionnel, le partage des informations, la réduction au minimum du manque de respect et la rétroaction sur le rendement. Ces facteurs se chevauchent un peu. Par exemple, si vous laissez les gens prendre des décisions, mais que vous leur donnez des renseignements insuffisants ou que vous les laissez s’exposer à des réactions hostiles, ils souffriront et ne s’épanouiront pas. Un de ces facteurs à lui seul vous aidera à progresser, mais les quatre sont essentiels à la création d’une culture florissante pour le bonheur des employés.

Le pouvoir décisionnel

Les employés de tous les niveaux sont motivés par le pouvoir décisionnel lié à leur travail. En leur accordant ce pouvoir, l’entreprise leur donne un plus fort sentiment de contrôle, un droit de regard sur les façons de faire et plus d’occasions d’apprentissage.

S’il y a une industrie où l’on ne penserait pas trouver cette liberté de prendre des décisions, c’est bien celle du transport aérien. Et pourtant, voici un exemple éloquent : Alaska Airlines a créé une culture de responsabilisation qui a contribué à un redressement majeur au cours de la dernière décennie. Au début des années 2000, les résultats de la société étant en baisse, la direction a lancé le Plan 2010, qui invitait explicitement les employés à participer aux décisions visant à améliorer le service tout en maintenant la réputation de ponctualité de l’entreprise. Les employés ont été invités à mettre de côté leur perception du « bon » service et à envisager de nouvelles façons de collaborer, en proposant des idées qui permettraient de passer de « bon service » à « service exceptionnel ».

Les agents ont adopté le programme, ce qui leur a notamment donné le pouvoir de trouver des solutions pour des clients qui avaient manqué leur vol ou qui n’avaient pas pu embarquer pour quelque raison que ce soit. Ron Calvin, directeur de la région Est, nous a parlé d’un appel qu’il avait reçu sur son cellulaire d’un client qu’il n’avait plus revu ou à qui il n’avait plus parlé depuis qu’il avait cessé de travailler à l’aéroport de Seattle, cinq ans auparavant. Ce client avait un petit-fils de trois mois qui venait de faire un arrêt cardiaque. Les grands-parents, qui se trouvaient à Honolulu, tentaient de rentrer à Seattle. Aucun siège n’était disponible. Ron a fait quelques appels et leur a immédiatement trouvé un vol. Ce jour-là, le grand-père a envoyé un message texte à Ron, lui disant simplement : « Nous sommes arrivés à temps ».

Grâce à de tels efforts déployés par les employés pour répondre à des besoins personnels sans retarder les vols, la société de transport aérien a pu se hisser au premier rang au chapitre de la ponctualité et remporter bon nombre de prix. Elle a aussi considérablement étendu ses activités dans de nouveaux marchés, dont ceux de Hawaii, du Midwest et de la côte Est.

Chez Facebook, le pouvoir décisionnel est un élément fondamental de la culture de l’entreprise. La devise de la société « Move fast and break things » (Agissez vite et brisez les barrières) encourage les employés à prendre des décisions et à agir.

À son deuxième jour de travail, un employé a trouvé une solution à un bogue complexe. Il s’attendait à un certain contrôle hiérarchique, mais son patron, le vice-président, Produits, a simplement souri et lui a dit : « Vas-y ». Il était émerveillé d’avoir trouvé aussi rapidement une solution qui atteindrait instantanément des millions de personnes.

Il est par contre difficile pour un gestionnaire de ne pas reprendre le pouvoir décisionnel lorsque les employés font des erreurs. Ces situations créent pourtant les meilleures conditions d’apprentissage — non seulement pour les parties visées, mais également pour les autres employés, qui peuvent apprendre par délégation.

Partager l’information

Travailler sans accès à l’information peut être fastidieux et démotivant ; il n’y a aucune raison de chercher des solutions innovatrices si on ne peut en voir les plus importantes répercussions. La contribution des gens est plus efficace lorsqu’ils comprennent en quoi leur travail rejoint la mission et la stratégie de l’organisation.

Alaska Airlines a choisi de déployer des efforts de gestion pour aider les employés à acquérir une vision globale de la stratégie de l’entreprise. Le Plan 2010 a été lancé avec les outils de communication traditionnels, mais a également été appuyé par une tournée de présentation de plusieurs mois et des formations conçues pour amener les employés à partager leurs idées. Le chef de la direction, le président et le chef de l’exploitation prennent encore la route chaque trimestre pour recueillir des informations sur les particularités des divers marchés ; ils communiquent ensuite ce qu’ils ont appris. On peut constater les bienfaits de ces pratiques dans les mesures annuelles de la fierté des employés à l’égard de l’entreprise, qui affiche maintenant un taux exceptionnel de 90 %.

Chez Zingerman (un groupe d’entreprises du secteur alimentaire d’Ann Arbor, au Michigan), certains groupes ont institué des « mini-jeux » : des incitatifs à court terme pour régler un problème ou pour tirer profit d’une occasion. Par exemple, le personnel du restaurant Zingerman’s Roadhouse a utilisé le jeu de l’accueil pour évaluer le temps qui s’écoulait avant que les clients ne soient accueillis. Les clients qui n’avaient pas été salués ont exprimé une moins grande satisfaction, et les employés se voyaient souvent dans l’obligation de leur offrir gratuitement un plat ou une boisson pour compenser le manque de service. Le jeu prévoyait que l’équipe de serveurs devait saluer chaque client moins de cinq minutes après que celui-ci eut été conduit à sa table ; une petite récompense financière était prévue après 50 jours consécutifs de réussite. Les serveurs ont ainsi été motivés à relever des problèmes dans le processus de service et à trouver des solutions. La qualité du service s’est considérablement améliorée au cours du mois. D’autres entreprises de Zingerman ont mis en place des jeux semblables, offrant des primes pour l’accélération de la livraison, la diminution du nombre de blessures par lame de couteau dans la boulangerie (ce qui permettrait de réduire les frais d’assurance) et une meilleure propreté dans les cuisines.

Bien sûr, ces jeux ont créé des tensions à l’interne, puisqu’ils amenaient de bonnes et de mauvaises nouvelles simultanément, ce qui peut être démoralisant. Toutefois, dans l’ensemble, ils ont grandement amélioré le sentiment d’appartenance des employés de première ligne, et ainsi contribué à l’amélioration de leur rendement. De 2000 à 2010, les revenus de Zingerman ont progressé de près de 300 % et ont atteint plus de 35 millions de dollars ; les dirigeants de l’entreprise attribuent cette réussite en grande partie à leur méthode de gestion à livre ouvert.

Réduire au minimum le manque de respect

Le manque de respect a un coût élevé. Au cours de notre recherche, nous avons constaté que la moitié des employés qui avaient fait les frais d’un manque de respect au travail réduisaient intentionnellement leurs efforts. Plus d’un tiers d’entre eux ont délibérément diminué la qualité de leur travail. Deux tiers d’entre eux passaient beaucoup de temps à éviter l’auteur du manque de respect et à peu près le même nombre ont indiqué une baisse de leur rendement.

Le manque de respect empêche les gens de s’épanouir. Ceux qui ont été la cible d’un manque de respect en font souvent preuve à leur tour. Ils sabotent leurs pairs. Ils « oublient » d’ajouter le nom de leurs collègues à la liste d’envoi d’une note de service. Ils répandent des rumeurs pour détourner l’attention. Face à un manque de respect, les employés s’efforcent souvent d’éviter les risques et, ce faisant, ils perdent des occasions d’apprendre.

Une firme de consultation en gestion que nous avons étudiée, Caiman Consulting, a été créée pour offrir une solution de rechange aux grandes firmes. La firme, dont le siège social se trouve à Redmond, dans l’État de Washington, dans des bureaux pas particulièrement attrayants, est reconnue pour sa culture qui encourage le respect. Son processus d’embauche comprend une vérification des antécédents du candidat au chapitre du respect des autres.

« Les gens laissent des traces, affirme le directeur de Caiman, Greg Long. On peut se prémunir contre une culture corrosive en étant prudent et consciencieux avant l’embauche. » Le directeur général, Raazi Imam, nous a confié : « Je ne tolère pas qu’une personne invective quelqu’un ou lui manque de respect. » Lorsque cela se produit, il en rencontre l’auteur et lui expose clairement sa politique. Greg Long attribue le taux de rétention de 95 % de la firme à cette culture.

Nous avons été étonnées de constater dans nos études que bien peu d’entreprises tiennent compte du respect — ou du manque de respect — lorsqu’ils évaluent des candidats. La culture d’entreprise est par nature contagieuse. Les employés se fondent dans leur environnement. Autrement dit, si vous embauchez en insistant au maximum sur le respect, vous avez plus de chance de voir celui-ci imprégner votre culture.

Offrir de la rétroaction sur le rendement

La rétroaction engendre des occasions d’apprendre et fournit l’énergie essentielle à une culture qui vise le bonheur des employés. Du fait que la rétroaction apaise l’inquiétude, les acti­vités professionnelles des gens restent axées sur des objectifs personnels et organisationnels. Plus la rétroaction est rapide et directe, plus elle est utile.

Quicken Loans, une société de prêts hypothécaires qui mesure et récompense le rendement des employés comme nulle autre organisation, offre une rétroaction continuellement mise à jour grâce à deux types de tableaux de bord : un téléscripteur et des rapports kanban. (Kanban, un mot japonais qui signifie « signal », est souvent utilisé dans le secteur des opérations.)

Le téléscripteur compte plusieurs panneaux indiquant les paramètres des personnes et des groupes, de même que des flux de données qui montrent le degré de probabilité qu’une personne atteigne ses objectifs quotidiens. Les employés sont reliés par câble pour répondre aux pointages et aux objectifs, de sorte que les paramètres aident à maintenir leur motivation toute la journée ; dans le fond, ils rivalisent avec eux-mêmes.

Le tableau kanban permet aux gestionnaires de suivre le rendement des employés afin qu’ils puissent déterminer si un employé ou une équipe a besoin de conseils ou d’un autre type d’aide. Une version du tableau kanban apparaît également sur les écrans, où défile une liste des 15 premiers vendeurs pour chaque paramètre. Les employés sont constamment en concurrence pour se retrouver sur les tableaux, qui ressemblent fortement aux tableaux de classement des meilleurs joueurs dans un jeu vidéo.

Les employés pourraient se sentir dépassés, voire brimés, par cette rétroaction constante. Au contraire, les normes rigoureuses de la société en matière de courtoisie et de respect, ainsi que la liberté accordée aux employés dans leur façon d’accomplir leur travail créent un contexte dans lequel la rétroaction est stimulante et favorise la croissance.

Les quatre facteurs qui aident les employés à « prospérer » ne requièrent pas d’énormes efforts ou des investissements colossaux. Par contre, les leaders doivent absolument être ouverts à l’idée d’accorder du pouvoir aux employés en plus de partager leur vision avec eux.

La création de conditions qui favorisent un état de bonheur demande une concertation d’efforts. Il est courageux en soi d’aider les gens à se développer et à rester motivés au travail, mais la performance de votre entreprise pourrait aussi en profiter de façon durable.

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